« Vous me cherchez parce que vous avez mangé du pain »…
Je crois que ce reproche de Jésus aux foules qui courent après lui, c’est la phrase la plus triste du Christ venu sauver l’humanité.
L’échec de sa venue. Sa souffrance intime sur la Croix .
Fedor Dostoïevski reprend cet épisode dans son roman grandiose, ‘ Les frères Karamazov’. C’est ce fameux chapitre intitulé La Légende du Grand Inquisiteur.
Ce grand inquisiteur qui fait la leçon au Christ.
« En continuant le miracle des pains, tu aurais calmé l’éternelle inquiétude de l’Humanité ! » Tu n’ignorais pas, tu ne pouvais pas ignorer ce secret fondamental de la nature humaine, et pourtant tu as repoussé l’unique drapeau infaillible qu’on t’offrait et qui aurait courbé sans conteste tous les hommes devant toi, le drapeau du pain terrestre.
Tu l’as repoussé au nom du pain céleste et de la liberté !
(…) le pain te garantissait le succès; ( c’est le Grand inquisiteur qui continue de parler…) car l’homme s’incline devant qui lui donne du pain, c’est une chose incontestée. (…)
Tu as accru la liberté humaine au lieu de la confisquer » [p 276 la Pléiade]
Ça c’est puissant ! c’est du Dostoïevski !
Mais en fait, le pain est premier, mais les hommes adorent … le pain et le spectacle; le pain et les miracles; le pain et la santé; le pain et les divertissements; l’extraordinaire, l’ivresse… ça les fait sortir de leurs angoisses.
Tout ça fascine les hommes et les femmes.
Et avec cela, des grâces sensibles – vraies ou fausses, ça n’a pas d’importance – Des grâces sensibles et du pain font courir les foules, ventre à terre.
Nous sommes horriblement, viscéralement, des malades de la réponse de Dieu. Malades ou immatures… Je pense que ‘immatures’ est plus juste.
Or, le chemin de la foi est tout autre… quand il est en vérité.
» vous me cherchez parce que vous avez mangé du pain »…
Vraiment, c’est la plus triste phrase de Jésus devant ses pauvres gens.
Vous me cherchez parce que je vous ai été utile, parce que vous avez eu un retour qui vous a satisfait.
Mais ce n’est pas de l’amour.
C’est un simulacre. De foi… ou d’amour… je ne sais pas … mais pour eux-mêmes. Les foules suivent Jésus par intéret.
Elles courent là où il y a des signes.
Ça les rassure.
Quitte à les fabriquer en illusion ou en rêve
Mais ce n’est pas ce que veut Jésus… Ce n’est pas la lumière de Dieu.
Ce désir de signes, de sentiments en retour, a plein de variantes.
» je saurais que tu m’aimes si tu me fais des cadeaux. »
C’est tellement enfantin cette réaction… Et on la cultive pour les enfants de notre temps, jusqu’à ne plus savoir où entreposer les cadeaux….
» Je saurais que tu m’aimes si tu me donnes du plaisir, 4 fois par jour ». Mais c’est faux ! « Je saurais que tu m’aimes si je peux compter sur toi »
Je saurais que tu m’aimes si je… »
Voilà le faux amour…
Car dans le vrai amour il n’y a pas de « si »
Dans le vrai amour, le ‘je’ n’est pas demandeur, encore moins profiteur ou manipulateur. Quelle que soit la qualité du profit.
« Je t’aime parce que je crois en toi. Voilà la vérité. Tel que tu es. »
Et cela n’est possible au niveau de l’homme et de la femme que si cette déclaration est faite dans la lumière de Dieu. Dans la foi. Sinon, c’est pas possible.
Et entre Dieu et l’homme la relation de l’amour est donnée dans la foi pure. ‘Je t’aime’. Quand je dis cela à Dieu, ça revient à dire : ‘ je crois en toi’ Mais croire c’est ne rien recevoir en retour.
C’est le chemin d’un chrétien.
Je n’attends pas de retour… Je crois, Seigneur Jésus, parce que tu t’es donné. Mais cela aussi… je le crois.
Je crois que tu m’aimes.
Mais je le crois, et je ne veux rien de plus.
Le vrai amour se donne dans un acte de foi.
Et le miracle, il vient… après… !
L’amour de Dieu, du Christ, il se manifeste ‘ après ‘ qu’on l’ait aimé.
‘ Seigneur à qui irions-nous… tu as les paroles de la vie éternelle ‘
‘ Seigneur toi tu le sais, tu sais que je t’aime ‘
‘ Marie, ne me touche pas. Je ne suis pas remonté vers mon Père et votre Père ’ Toutes ses phrases de l’Evangile, sont des phrases qui invitent à la foi pure.
Je t’aime parce que je sais que tu m’aimes.
Mais je le saurais encore plus quand je t’aurai aimé. Mon Seigneur et mon Dieu !
Il y a toutes les variantes psychologiques d’une attente de retour, selon la psychologie de chacun.
Mais la foi n’attend pas le retour.
Il est vrai que Dieu donne parfois, souvent… des grâces de conversion qui commencent par le sentiment d’être aimé, d’être inondé d’amour, d’être enveloppé de la tendresse du Père. Pas toujours….
Mais Jésus dit au début de sa vie de mission : « Bienheureux les pauvres de cœur…
Bienheureux ceux qui ont soif de la justice,
Bienheureux quand on dira toute sorte de mal contre vous, à cause de mon nom.
En fait, bienheureux ceux qui seront mal aimés…
C’est à dire en fait, Bienheureux ceux qui croient à l’amour quand ils n’ont aucun retour de cet amour.
Il n’est qu’à voir les foules de bons chrétiens qui aiment en attendant le profit…
En attendant quoi ? une protection…
Une protection de quoi ? des épreuves ? mais Jésus promet des épreuves spéciales pour ceux qui le suivent …!
En attendant des grâces – de lumière, de force, d’intelligence …- Mais Jésus nous dit : « heureux ceux qui ressemblent aux enfants, aux innocents, aux brebis qui se font manger par les loups, ceux qui portent leur Croix…. »
Et à la moindre égratignure, on les entend les foules chrétiennes s’offusquer.
« Nous sommes méprisées ! »
De l’Eglise on attend qu’elle nous donne. Ca ça marche ! de la charité, des enseignements. Bref, qu’on puisse compter sur l’Eglise…
Mais s’il s’agit de donner pour l’Eglise, de lui donner notre foi, où sont-ils passés les chrétiens ? on ne les retrouve plus, même sous les tables. Trop bien cachés !
Comme les grenouilles qui au moindre appel sur le bord de l’étang, se retrouvent toutes au fond de l’eau. Grand silence.
Quel beau témoignage. Quel bel amour !
Et quand ils se savent seuls et en secret, tout juste s’ils respectent les vases sacrés et la Présence de Dieu en son Temple … !
Quel amour ! quelle foi fondée en vérité !…
Excusez-moi, ce doit être Jérémie ou Isaïe qui m’inspirent… !
Y a-t-il eu progrès depuis les gémissements du peuple hébreux dans le désert…
« Si Dieu ne nous donne pas selon nos désirs, alors nous nous révoltons. On casse tout.
On traite Dieu et l’Eglise comme le patron de l’entreprise du coin.
On n’est pas content. On fait du chantage. On grince des dents comme des syndiqués.
Il est vrai que notre monde est blessé, profondément.
Tous les jours des misères se rajoutent aux misères : affectives, psychologiques, maladies en tous genres, brisures des familles, on abîme les enfants, on manipule, on ment, on triche.
Hé bien, Jésus nous donne la solution pour sortir de cette accumulation néfaste: « Jésus répond aux foules :
« L’œuvre de Dieu, c’est que vous croyiez en celui qu’il a envoyé. »
Il ne dit pas, ‘venez poser la tête contre mon épaule, je vous protègerais ’ Ildit:‘ Croyez ! ’
Si vous avez un manque affectif qui provient de vos parents insuffisants, par exemple – ça peut arriver… : ‘ Croyez ! ‘
Si vous ne sortez pas de vos blessures psychologiques, de vos traumatismes, de vos angoisses, de vos nuits agitées… ‘ Croyez ! ‘ Croyez en Jésus !
Mais croire ce n’est pas attendre des signes, c’est justement ne pas vouloir s’appuyer sur les signes.
C’est croire que, au-delà de tout signe, vous êtes aimé(e).
Et si on ne peut s’empêcher de s’accrocher à des signes que Dieu nous a donnés, même lumineux, plein de réconfort, pour nous consoler, on réduit la présence de Dieu à notre dimension humaine.
Il y a vraiment un quiproquo sur le verbe ‘croire’.
Jésus dit : ‘croyez en moi’ C’est quand même très simple. C’est clair ce qu’il dit . Et les foules lui demandent : ‘ quel signe vas-tu accomplir ? ’
Mais justement, croire c’est aller au-delà du signe !!
Et les foules reviennent par une sorte de blocage sur le signe !
Et Jésus se bat avec elles. Il les fuit. Ou il essaye d’insister : ‘mais le signe, c’est moi ! le pain, c’est moi ! vous n’aurez pas d’autre signe que le signe de la croix ! »
Et les foules reprennent (!) : ‘très bien… mais quel signe vas-tu nous donner ?
Elles ne comprennent toujours pas ….. !!!
Jésus nous dit que le seul signe c’est lui-même.
Nous avons l’Eglise, (elle est le Christ visible, actuel, ressuscité; pure et belle, épouse ! ) Nous avons la Parole de Dieu et la Parole des apôtres,
Nous avons les sacrements,
et les foules chrétiennes, ou pas chrétiennes, continuent de courir après les signes qui sont contraires à la démarche de foi.
« Hommes de peu de foi…»
« Et quel signe vas-tu accomplir ? »
… « Et quel signe vas-tu accomplir ? »
… «Et quel signe vas-tu accomplir ? »
Les foules sont obnubilées, obsédées, bloquées. Elles radotent …
« celui qui croit en moi n’aura plus jamais soif… de signe » « Demeurez en moi et je demeurerai en vous »
et tout deviendra signe de Moi.
Et vous vivrez votre religion en vérité…