Sagesse et pardon du Christ
L’homme et la femme sont bizarres.
L’un et l’autre ont une capacité que l’on ne trouve dans aucune autre créature : La capacité à se croire dans la vérité et à essayer de le justifier alors qu’ils vivent dans une fausseté manifeste.
Aucune autre créature, n’arrive à s’enfumer soi-même comme le font l’homme et la femme.
La sagesse, c’est pour chacun de nous, normalement, à la fois un équilibre très secret et intime, à la fois un sommet de maturité, disons une lumière intérieure, stable, acquise à partir d’innombrables expériences, joies et épreuves.
» mangez de mon pain, dit la Sagesse, prenez le chemin de l’intelligence ». Communément, la sagesse vient par le haut, – c’est une façon de parler « par le haut » – la sagesse vient par l’exercice clair et limpide, bien ordonné, de notre faculté qu’on dit ‘la plus haute’, la faculté de l’intelligence.
Or, contrairement à toutes les autres créatures, l’homme peut se tromper, s’emmêler les pinceaux, brouiller les trésors de son intelligence.
Pire, l’homme peut se convaincre, alors même qu’il marche sur la tête, qu’il a raison..
En pleine absurdité, on peut poursuivre au nom de je ne sais quel brouillard intérieur un chemin de destruction.
C’est comme si on voulait envoyer une fusée vers le soleil…. Tous les voyants sont au rouge, le compte à rebours prévient que tout va exploser.
Et jusqu’au bout, à part quelques angoissés qui crient qu’il faut tout arrêter, on continue le processus de mise à feu.
Absurdité, direz-vous …
C’est une chose propre de l’homme : de pouvoir être absurde.
Quand je dis ‘ab-surdité’, il y a dans ce mot la racine ‘surdité’.
Il y a ab-surdité quand on est sourd, qu’on ne s’en rend pas compte, et qu’on continue d’agir.
‘Absurdité’, c’est l’obstination à se rendre complètement sourd.
L’intelligence de l’homme devient sourde quand elle laisse sa place à un autre moteur.
Un moteur qui va s’emballer.
Ce peut-être un amour incontrôlé, c’est peut-être une passion, n’importe quelle passion qui prend les commandes, ce peut-être aussi quelques dérèglements du corps, favorisés par des drogues.
Aucun animal, ni aucun ange bien sûr, ne sait se détruire comme l’homme sait le faire.
» Quittez l’étourderie et vous vivrez, prenez le chemin de l’intelligence « … » ne soyez pas insensés » dit saint Paul.
Ce mot ‘insensé’ est curieux aussi.
‘ insensé’, cela veut dire perdre le sens des choses.
Perdre aussi la sensation des choses.
Cela va ensemble.
On perd l’intelligence – si un jour on l’a trouvée -, et on perd aussi l’équilibre de nos passions, de notre psychologie, de notre corps.
Quand nous utilisons mal notre intelligence tout chavire, de notre corps, de nos sentiments, de nos relations, de toutes nos réactions..
Et quand c’est chaviré, comment faire pour retrouver la cargaison qui a coulé…? C’est impossible.
On risque de se noyer tout entier.
Mais impossible n’est pas divin.
Et c’est là qu’il y a la réponse de la foi.
Certains disent que le Bon Dieu n’est pas si bon pour avoir permis tant d’absurdités…
Et c’est vrai que devant l’ampleur du chavirement, à forces humaines, il semble ne nous rester que le désespoir.
Aussi bien pour notre vie personnelle, qu’au niveau de nos sociétés.
Je ne prendrai qu’un exemple parmi 10000 autres.
Celui du poète russe Essenine.
Il encourage la Révolution bolchevique d’Octobre 17, et il se suicide en décembre 1925.
Il écrit peu avant sa mort :
‘ il m’est très pénible de voir que l’histoire vit maintenant une époque si lourde de destruction de la personnalité vivante. (…) un être vivant s’y sent à l’étroit » Les poètes captent souvent les vrais fils des réalités profondes…
Trotski qui avait l’âme moins poétique, commentera son suicide en disant qu’Essenine était ‘un être tendre, lyrique qui s’est simplement heurté aux angles durs de l’époque et qui s’y est brisé’.
Et voilà un autre témoignage, d’une femme de la même époque.
Evguenia Ginsbourg, moins lyrique qu’Essenine, et qui a été dissidente au régime soviétique.
Voilà ce qu’elle écrit après être revenue de nombreuses années de déportation au Goulag :
» aujourd’hui où je touche à la fin de mes jours, je sais avec certitude que dans le cœur de chacun de nous bat un mea culpa, (‘c’est ma faute’) et la seule question est de savoir à quel moment nous commençons à entendre ces deux mots qui
résonnent au plus profond de notre être. »
Frères et sœurs, voilà la réponse à la question de ce jour. Comment rejoindre la sagesse ?
Tant qu’on cherche à retrouver l’intelligence nous courrons derrière nos délires, et nous en rajouterons.
« Comme l’écrit encore Evguenia, si nous rejetons la faute sur notre époque, sur le voisin, sur la politique, ou notre éducation, ou sur Dieu, c’est encore plus pratique, c’est bien souvent pour étouffer la voix intérieure, douce et implacable, qui nous rappelle notre responsabilité personnelle. »
En fin de compte, c’est pour éviter de se convertir. D’envisager notre conversion.
Mais alors comment faire ? Ce n’est pas difficile… trop facile même…
Tout simplement, c’est de reconnaître que nous sommes pris au piège, et reconnaître que nous avons un Sauveur.
Tout chemin de sagesse, de restauration de notre intelligence passe par ces deux conditions :
Se reconnaître perdu, soi-même, pas le voisin, pas le pays, mais nous-mêmes !
Et nous savoir sauvé.
Par notre intelligence ? : Mais ça ne marchera pas !
Alors…
» je suis le pain descendu du Ciel »
Alors évidemment… comme je le dit au catéchisme, Jésus n’est pas descendu du Ciel par une échelle, ou par hélicoptère…
Le Ciel, c’est une image. C’est le Ciel de l’esprit.
Le Ciel, c’est la vie éternelle de Dieu, c’est l’amour de l’Esprit Saint.
Et le grand miracle de Jésus, c’est d’être devenu le point de jonction entre le Ciel de l’esprit et la nature charnelle de l’homme.
Jésus-Christ est devenu ‘ pain ‘.
Il est devenu le pain que nous pouvons manger.
Tout en restant le pain de la sagesse.
Et ce pain, qui est bien réel – quand nous communions à la messe par exemple – ce pain guérit.
C’est par ce pain que nos yeux s’ouvrent de nouveau, que nos oreilles sortent de l’absurdité, que notre intelligence retrouve l’illumination de la sagesse.
C’est curieux et c’est miraculeux, mais c’est par ce chemin que l’homme retrouve son équilibre.
En mangeant le pain, pas n’importe quel pain… le Corps du Christ ressuscité… C’est en mangeant ce pain que nous retrouvons l’équilibre de la Sagesse.
Tout autre effort qu’il soit de bonne intention ou d’intention tordue nous conduira à un chemin de perdition ou du moins à compliquer les choses.
À chaque fois que nous communions au pain qui est le Corps de Jésus-Christ, nous ouvrons le passage de la sagesse guérissante.
C’est pas compliqué.
Nous communions et nous ouvrons la porte de la vie éternelle.
On est très loin des grandes révolutions, très loin des massacres, très loin des héroïsmes ascétiques, des philosophies compliquées, très loin des sessions chamaniques, des poisons ésotériques, des restaurations bioénergétiques …! Très loin du zen ou des méditations transcendantales, qui en rajoutent aux délires…
Dans la foi, mais une foi qui devient lumineuse de sagesse, Jésus-Christ, mort et ressuscité, présence sous forme de pain communié par chacun de nous, nous ouvre les fleuves de la sagesse inaccessible, et guérit nos dérèglements, nos péchés, nos absurdités….