Paradis et enfer – efforts de créativité
Remplaçons les choses :
Le Royaume des Cieux…
On peut dire : vie éternelle, amour, mais qui n’est pas de cette terre, union à Dieu, Église unifiée et exultante.
On peut dire aussi que le Royaume de Dieu c’est une communion où chacun se reconnaît dans le meilleur de lui-même, ressuscité d’une vie pure.
Jésus nous annonce un voisin du Royaume des Cieux, qu’il appelle la géhenne.
La géhenne, c’était le dépotoir de Jérusalem qui empestait; lieu malsain où se traînaient les lépreux, lieu de solitude amère, refus de communion.
Et là, ce qui est ressuscité est douloureux.
Parce que, sans amour, notre corps est douloureux, notre âme ne s’y retrouve pas.
Je reprends… Le Royaume des Cieux :
C’est l’exultation, la fécondité de l’Esprit.
Mais ce n’est pas une accumulation, c’est une harmonie toujours plus juste avec le cœur de Dieu.
Quand on est dans cette harmonie de l’Esprit, ça veut dire qu’on reçoit notre joie, qui sonne juste.
Le Royaume des Cieux c’est de recevoir des fleuves de joie,
En notre âme et en notre corps.
Or, recevoir une grâce c’est la rendre à Dieu, c’est la vivre, c’est tout redonner pour être comblé.
» mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur.
Il m’élève à plus grand que moi-même. Il me comble de ce que je ne pourrais même pas atteindre par moi-même.
Et la géhenne ? Je me ferme sur moi-même. Dans un mal-être. Alors je crie parce que ma nature manque à sa finalité.
Je ne me reconnais pas et je ne reconnais pas les autres.
Et bien sûr, je ne reconnais pas Dieu. Je ne veux pas le reconnaître. Je n’arrive pas à reconnaître le Christ ressuscité.
C’est à moi que je devrais me faire des reproches. Mais c’est trop douloureux de me faire ces reproches, alors je les retourne sur les autres et je critique. J’accuse Dieu. Ça semble me soulager.
Je reprends mon propos… Le Royaume des Cieux :
C’est l’Esprit qui s’exprime.
Et vous savez, frères et sœurs, quand l’Esprit passe facilement, il coule de source, et il crée. L’amour est diffusif.
Ça veut dire que l’amour se répand, il est créatif.
Le Royaume des Cieux c’est une symphonie qui s’étend dans l’éternité.
Et tous ces accords s’envolent sans jamais se finir.
Rejoins éternellement par d’autres harmonies qui viennent les enrichir.
Qui se répondent et se correspondent dans une joie qui, en fait, n’est qu’une étincelle de la joie de Dieu.
Quant à la géhenne, je n’ai plus envie d’en parler. Il n’y a rien à dire.
Elle n’a aucun poids.
Aucune consistance. C’est un manque.
Son cri est inaudible.
Qu’elle reste où elle est, c’est-à-dire nulle part. Je laisse tomber.
Mais le Royaume des Cieux, il a un commencement.
Et ce commencement n’est pas après notre mort.
Il est aujourd’hui.
Aujourd’hui, mon cœur vibre, mon cœur peut vibrer d’une paix et d’un bonheur dont je pressens qu’il n’y aura pas de fin.
Et cet état de bien-être, rien ne peut y mettre obstacle, parce que Jésus-Christ est venu lever tous les obstacles.
Le Royaume des Cieux commence aujourd’hui, dans la joie de mon cœur d’aujourd’hui.
Et tout ce qui n’est pas touché par cette grâce ne vaut rien.
Ce qui m’est le plus intime sans la grâce ne vaut rien.
Pas même mon œil, ni ma main, ni mon pied.
Parce que, ce qui se détourne de l’Esprit d’amour de Jésus-Christ est stérile.
Alors il y a quelques conséquences immédiates.
Deux chemins.
Un chemin de fécondité, de surabondance dans l’Esprit.
Un chemin tout pauvre, tout léger, qui ne pèse rien, parce qu’il est vibration de lumière et d’harmonie.
Il y a un autre chemin qui n’en est pas un, qui tourne sur lui-même, mais qui atterrit plutôt dans des sables mouvants dans lesquels on ne peut plus lever les pieds.
Royaume des Cieux : créativité de l’amour. Tout devient possible.
Sables mouvants : immobilité et sclérose. On n’avance pas. Tout devient impossibilité.
Applications pratiques :
Par exemple dans une paroisse… Je choisis l’exemple au hasard…
Ce pourrait être dans une société, dans une famille, dans une période de l’histoire. Si on regarde la capacité de créativité on peut soupçonner la présence de l’Esprit.
Quand notre principal objectif est de se caler, de trouver un confort. De ne p^lus bouger…
De ne prendre aucun risque et de se suffire…
– on n’en demande pas plus et on n’offre pas plus –
Quand l’ambition disparaît pour préférer sa sécurité ou, comme Josué devant Eldad et Medad, pour se préserver un certain pouvoir… le Royaume des Cieux rétrécit, comme peau de chagrin.
Il y a un péché plus grand que celui de faire des péchés… C’est de plafonner.
De manquer d’ambition. – le rat dans son fromage –
Et surtout qu’on ne me coupe pas la main…!
On prie une heure, et puis ça nous suffit ! C’est ce mot ‘suffisance’ qui est détestable.
On ne désire surtout pas ajouter un quart d’heure d’intimité avec notre Dieu.
L’installation et la négligence sont les deux péchés les plus dangereux au monde. Cela correspond à être riche… ou à vouloir l’être.
Cette installation, on peut la constater aussi bien sur la croisette à Cannes que dans un monastère de carmélites… que dans notre paroisse….
Bien sûr, il y a des périodes dans notre vie pendant lesquelles se modifie notre désir.
Il y a des épisodes, disons, où notre faim est une faim de loup.
Nous brûlons de la vie éternelle.
Nous brûlons du désir de donner notre cœur à Dieu.
Désir de la rencontre. J’espère que c’est arrivé à certains d’entre vous.
Et puis il y a des épisodes, parfois blessés, parfois douloureux ou fatigués, troublés de tentations, où nous devons rassembler toutes nos faibles capacités pour un petit effort de fidélité aride.
Mais pour mon propos, ce n’est pas important.
Les variations ne sont pas importantes.
C’est l’orientation de notre amour qui est fondamentale.
L’orientation d’un chrétien pour sa vie spirituelle, doit être de sa jeunesse à ses vieux jours un désir de croissance dans l’amour.
Et non pas de repos dans l’amour.
Parce que quand on parle de repos dans l’amour, inévitablement nous glissons vers le repos dans l’amour dévié de soi-même.
Un chrétien qui n’est pas créatif, c’est un chrétien sans sel.
Sans feu, ni flamme.
Un chrétien qui cherche à se sauvegarder ou à garder ses intérêts, n’existe plus. J’appellerai cela ‘un chrétien de chasse gardée’. Il tourne sur son terrain et ses habitudes en montrant les dents à tout ce qui le dérange.
Alors vous allez me dire :
Mais nous sommes dans une période de burns out. la grande maladie du siècle c’est la démangeaison d’activité, la saturation des plaisirs, la boulimie d’informations, l’accumulation de projets – comment en vouloir toujours plus ? C’est très simple.
C’est excessivement simple…
La réponse c’est que l’ambition de la grâce, la croissance de la charité, réclame des efforts, mais de simplification, de dépouillement, des efforts héroïques de temps perdu, pour Dieu.
Et quand on me dit : ‘mon enfant ne peut pas venir au caté parce qu’il a telle ou telle activité… oh très noble !… du sport, de la danse, du judo… C’est un péché, grave.
Si ton piano, ton tennis, ou même tes devoirs d’école t’empêchent de prendre une heure pour Dieu dans la semaine, coupe-les ! Car jouer au tennis, creuser une piscine dans ton jardin, ou installer un nouveau grand écran chez toi ne guérira pas ton malaise dans un monde de perdition.
La grande originalité, la plus grande créativité dans notre monde actuel, quelles que soient les périodes de notre vie, c’est de donner le primat à la contemplation. C’est-à-dire d’orienter notre vie à donner toujours plus de silence amoureux de Dieu à notre cœur.
L’œuvre de l’homme de foi, de la femme de foi, c’est l’œuvre de son silence intérieur habité par les mélodies silencieuses de Dieu.
Effort de créer des espaces de silence.
Mais quand je dis ‘silence’, il n’y a aucun rapport entre silence et repos.
Le silence de notre vie spirituelle est l’activité la plus intense, la plus réelle de notre âme et la plus efficace.
Dans notre effort de silence du cœur, Dieu se fait source de fécondité.
Ah…! si tout le monde pouvait être source de silence de l’Esprit Créateur…!