C’est trop…
Quand on lit ses trois textes de la Bible, c’est trop…
En fait, dans notre vie nous pouvons nous trouver devant deux excès.
Il y a l’excès, genre ‘Apocalypse Now’, le film culte dans l’inhumain
Et il y a l’excès de l’Apocalypse de saint Jean que nous venons de lire : où l’on tremble devant tant de beauté :
D’un côté, trop la guerre.
De l’autre côté, trop de beauté et de paix.
Trop d’harmonie, de pureté.
La pureté, peut provoquer une réaction de crainte et de tremblement.
Des anges se prosternent… tout simplement parce que la lumière de Dieu est trop pure, même pour les anges…
Je laisse tomber Apocalypse now.
Et je veux entrer dans cette communion, qui me dépasse pourtant, avec les anges, et avec ces foules aux vêtements blancs qui se tiennent dans la position de la prière et de la confiance, comme quand nous prions le ‘ Notre Père qui est aux Cieux ‘.
L’Apocalypse, une profusion d’images pures.
Et la lettre de saint Jean, qu’on a lue aussi, ‘trop’… de profondeur de communion :
‘ nous verrons Dieu tel qu’Il est’…!
C’est inimaginable.
Et c’est tout aussi inimaginable de se savoir… ‘ enfants de Dieu’.
Enfant de celui qui est infiniment ‘la paix’.
Et comment ?
Pas parce que nous sommes une petite graine de Dieu, mais parce que nous pouvons nous unir à Dieu par amour.
Or l’amour rend semblable celui qui aime à celui qui est aimé.
Les saints ont vécu ce ‘trop’ d’amour.
Ils n’ont pas eu peur de trembler.
Et l’évangile, pour ce premier discours de Jésus, programme de sa mission – les béatitudes -, il est ‘trop’, aussi.
Trop fort de contraste.
Quel est le programme politique qui commence par : ‘heureux les pauvres ? ‘ Quelqu’un qui dit ça en vérité, on pressent tout de suite qu’il est très fort. Avant même de savoir ce que ça peut vouloir dire, on a l’intuition d’un bonheur immense… qu’on peut faire confiance à celui qui dit cela.
Celui qui me dirait :’ heureux les riches’, immédiatement, je me méfierais. Sans trop savoir pourquoi, je soupçonnerais qu’il est malhonnête.
Mais celui qui dit ‘ heureux les pauvres’ j’ai tout de suite l’impression qu’il me dépasse et qu’il connaît un chemin secret de joie.
L’inconvénient et le risque, c’est que… c’est ‘trop’…!
Mais quand on veut toucher à une joie profonde, il faut aller jusques-là, plus loin que nos limites.
Il y a toujours un risque dans la foi. Et c’est tant mieux !
Un monde sans risque, c’est un monde sans foi, sérieux et triste à mourir. Léon Bloy, dans une de ses lettres écrivait à Jacques Maritain, son filleul :
« Il n’y a qu’une douleur, c’est d’avoir perdu le Jardin de volupté (le Paradis). Et il n’y a qu’une espérance ou qu’un désir, qui est de le retrouver.
Le poète le cherche à sa manière et le plus sale débauché le cherche à la sienne. C’est l’unique objet.
Napoléon à Austerlitz et l’ivrogne ramassé dans le ruisseau ont exactement la même soif.
Il leur faut des quatre fleuves du Paradis. » [ lettre du 25 aôut 1905 ]
Mais en fait, en cette soif de l’humanité, seuls certains osent s’aventurer dans l’excès, en permanence… excès de pauvreté mais en même temps de vérité, ils goûtent alors à un flot continu de joie.
Ce sont les saints et les saintes.
Je reviens sur l’Apocalypse…
» Qui sont-ils, ces gens vêtus de blanc ? »
Notre monde ne peut pas saisir cette blancheur.
Et pourtant il s’y essaye. Parfois avec rage.
Il y a en nous quelque chose qui postule la recherche d’une blancheur.
La blancheur nous attire, nous captive.
La blancheur vous savez, c’est le plein de couleurs.
C’est le cercle chromatique réuni en un rayon de lumière intense.
Le blanc c’est le trop-plein de couleur.
Et l’on a chacun au fond de notre cœur le désir de cette intensité de vie.
Et pourtant le monde n’arrive pas à l’atteindre.
Parce que le monde veut la construire.
Le monde veut toujours avoir prise sur la réalité pour pouvoir en jouir.
Et il se trompe.
Et il passe à côté de l’excès de bonheur qui lui est pourtant proposé.
Le monde veut construire, posséder, dominer, oh !… pour une bonne intention pourtant : Pour attraper son bonheur.
Mais il n’a rien compris. Ca, il le sait, mais il ne veut pas le reconnaître.
Et jusqu’à la fin du monde, les hommes se débattront dans le bien et dans le mal, pour arracher des lambeaux de vérité, des miettes de joie qu’ils confondent avec le plaisir; le plaisir qui les tarabustent tant, et les détournent du vrai ravissement, de la profonde extase, de l’accomplissement de sa nature.
Et ce sont les saints qui ont compris.
Et qu’est-ce qu’ils ont compris ?
Ils ont compris comment s’habiller… !
Et ce n’est pas une petite affaire !
» qui sont ces gens vêtus de blanc. D’où viennent-ils ? »
Ce sont ceux qui reviennent de la grande épreuve.
Et bien voilà.
Nous avons la réponse.
Pour bien s’habiller, il faut être passé par l’épreuve de vérité.
C’est l’épreuve de vérité, celle qui met à nu les cœurs, qui ouvre les flots de la joie, de la profonde béatitude.
Et cette vérité, on ne l’attrape pas.
On ne la possède pas.
On ne la domine pas.
On la reçoit.
On l’accueille. On la demande à genoux, même.
On ne la reçoit pas comme une sorte d’illumination soudaine.
La vérité de laquelle s’habillent les saints, c’est un chemin de fidélité et de dépouillement.
C’est un chemin de pureté.
‘ heureux les purs – heureux les pauvres’ parce que ce sont les seuls capables de recevoir.
Ce sont les seuls capables d’être pénétrés par la puissance de Dieu.
Ce sont les seuls capables d’entrer en communion.
En compassion aussi.
Ils pressentent la beauté.
Et cette beauté elle se trouve en Jésus-Christ et dans son Église.
Heureux les pauvres, mais pas les pauvres d’un jour :
Les pauvres devenus pauvres par fidélité
Et qui acceptent la pauvreté par amour.
Car l’amour rend pauvre.
C’est en cela que l’amour purifie.
L’amour nous dépouille de nous-même pour recevoir l’excès de lumière.
Quand on se sait aimé, on n’hésite pas de trembler pour accéder à la pureté trop grande de Dieu.
C’est exactement ça le chemin chrétien.
Ça demande un courage bien plus grand que celui des grands chefs de guerre. Le courage d’avoir peur devant Celui qui est infinie bonté.
Mais qui nous demande un chemin de dépouillement. C’est-à dire tout humble.
» qui sont-ils ces gens vêtus de robes blanches ? »
» ce sont ceux qui ont été lavés par le sang de l’Agneau »
Et oui, notre religion encore est ‘trop’. Toujours trop…
Elle nous invite à la joie au-delà du sacrifice.
Et maintenant, l’unique sang qui coule, c’est le sang de l’amour de Jésus-Christ.
Le sang de celui qui s’est livré, pour vous, frères et sœurs, pour moi.
Dans ses martyrs, l’Église saigne du sang de Jésus-Christ qui nous aime.
Léa, je suis heureux du chemin de vérité que tu entreprends.
C’est une joie pour toute notre communauté.
Parce qu’à chaque fois que quelqu’un se tourne vers Jésus, un rayon de lumière entre dans notre église.
Ta mission, celle que te demande Jésus, c’est de ne jamais arrêter cette marche. Quels que soient les doutes, les obstacles, les épreuves, les lenteurs. Et ton cœur se réjouira de la grâce que Dieu te donne déjà.
Invisible, mais chemin de sainteté.
Je pourrais dire pareil pour vous, Céline…
Mais j’ajouterai : à chaque fois que vous communierez au Corps du Christ, vous porterez le monde et vous comblerez votre cœur.
On ne vous comprendra pas, mais c’est normal.
Jésus vous donnera avec douceur, une force cachée, capable de créer et de détruire des mondes.
En final, que nous disent les saints et les saintes ? :
Que la Vérité puisée au Corps du Christ, insaisissable par le monde, vaincra. Que la pureté qu’ils ont accueillie par la communion au Corps du Christ purifie et rend belle l’Eglise.
Et qu’il n’y a pas plus fort que l’amour – très pauvre pourtant – l’amour reçu, dans l’union à Dieu, par la communion.