MESSE DE MINUIT

Pour tous ceux qui se risque à la vie spirituelle, tôt ou tard, il y a une rencontre mystérieuse. Je l’appellerai le ‘triangle des Bermudes divin’

C’est à une croisée des chemins

Il y a le chemin humain.
Il y a le chemin divin.

Et de cette rencontre de chemins, il y a la présence invisible et il y a ce qui reste de plus ou moins visible.

Mais ça peut faire peur,

Quand Dieu reste à 10000 m au-dessus, pas de problème, il ne nous gène pas.
Quand le chemin humain se montre très humain, pas de problème. C’est basique.
Mais la difficulté c’est quand le chemin de Dieu rejoint le chemin de l’homme.
Parce que Dieu s’efface devant le chemin de l’homme.

Il efface ses traces.
Et cela est déroutant, c’est surprenant, parce que l’homme a beaucoup de peine à comprendre que pour saisir une réalité, pour s’unir à une personne, ou tout simplement vivre l’amour, il faut se cacher. Il faut savoir se faire secret.
Une expression le dit bien : ‘savoir s’abandonner’: abandonner soi-même.
Donner sa confiance.
Se perdre soi-même pour devenir l’autre.
Et c’est là que le discernement est très difficile: quand ce jeu est vraiment joué.
Parce que l’homme nu, dans sa vérité, rejoint Dieu – lumière pure, lumière divine – au plus profond de son cœur où toute chose devient invisible.
Mais alors… direz-vous… il n’y a plus rien à dire. Tout disparait quand on s’aventure dans le triangle des Bermudes divin !

C’est là le grand paradoxe auquel nous oblige Dieu pour vivre plus près de lui.
Tout ce qu’il y a d’important dans notre vie est invisible, trop pur pour être saisi.
Et cependant ce qui est invisible sera toujours caché derrière des apparences que Dieu veut et veut conserver.
La richesse invisible de la grâce sera derrière les apparences visibles de pauvreté, par exemple. Dieu aime ça. Il se sert de la pauvreté pour se cacher.
La fécondité invisible de la grâce de Dieu va apparaître derrière des apparences d’un cœur malade, de désir, d’un cœur qui semble vivre le désert.
Vous voyez il y a toujours des apparences, mais qui ne correspondent pas au feu intérieur de l’amour de Dieu qui nous brûle.
Et l’exemple le plus évident, le plus bouleversant, c’est celui que va vivre Éléonore, pour la première fois ce soir.
Tu vois Éléonore… invisiblement dans ton cœur, Dieu va ouvrir des flots de vie éternelle.
Invisiblement, Jésus va te murmurer… invisiblement et silencieusement… qu’il veut te donner tout son amour.
Il n’y a pas de plus grand bonheur quand Dieu dit à quelqu’un qu’il veut lui donner tout son amour.
À la Vierge Marie il a dit :  » tu es bénie entre toutes les femmes, parce que je te donne tout mon amour »
Et bien toi, Eléonore, Dieu, au moment de ta communion, va te dire :
 » tu es bénie entre toutes les petites filles. »
Allez.. ce soir il va même te dire :
 » tu es bénie entre toutes les jeunes filles, parce que tu as quand même 8 ans. Tu n’es plus petite »
Ça c’est invisible, dans le creux de ton cœur, une lumière grande comme un soleil.
Mais il y a quelque chose de visible pourtant…
Et qui a presque l’air de nous tromper !
C’est un petit morceau de pain.
De rien du tout.
Quelques petits grains de blé qui sont devenus un morceau de pain.
Il n’y a que ça qui reste visible.
Et bien Dieu a choisi cela pour toi, Éléonore, et pour nous aussi…
Pour faire passer sa présence éternelle plus grande que le ciel au fond de notre âme.
Quand on communie en a plus qu’une chose à faire.
C’est de tomber dans une extase de contemplation, d’amour.
Le prince infini d’amour viens donner à la petite princesse toute sa vie.
La princesse c’est notre âme. c’est ton âme, c’est mon âme, c’est l’âme de ton papa de ta maman et c’est l’âme de tout le monde ici.

Et là j’aurais pas besoin de beaucoup de discernement pour savoir que dans ton cœur il y a le cœur de Dieu.
Tout le monde va le comprendre.
Même moi.
Même si je ferme les yeux.
Même si je ne sais plus où tu es ça sera évident que tu es avec toi.
Et à chaque fois que je te donnerai la communion ce sera évident.

Mais il y a en plus un bonheur qui va nous transporter ce soir.
Il y a tellement de bonheur que je vais même pas avoir envie de dormir jusqu’à la fin de la messe.
Ce n’est pas la joie d’entendre des chants de toute beauté.
Ça c’est trop royal.

Ce soir il y a un autre bonheur encore pour lequel on chante, c’est que Dieu il est venu invisible, caché sous le nez d’un bœuf, et puis d’un petit âne.
Le bon Dieu il a vraiment de l’humour.
Un vrai humour.
Il aurait pu imposer sa lumière.
Il aurait pu jouer avec le miracle de la Transfiguration.
Mais ça n’aurait pas été amusant pour les hommes.
Son humour c’est qu’il s’est caché dans le ventre d’une jeune fille toute pure.
Alors évidemment pour Saint-Joseph c’était de l’humour un peu fort de café.
Mais pour nous, c’est de l’humour extrêmement respectueux et délicat.
Le plus grand souci de Dieu c’est de se cacher pour respecter la liberté sacrée de l’homme.

Et je dois dire que cela est divin.
Le respect de la lenteur de l’autre…
Le respect de l’imperfection de celui qu’on aime.
Et parfois même cela va jusqu’au respect de l’erreur et de la faute de celui qu’on aime.
Jusqu’à accepter de se mettre en position de fragilité, de grande vulnérabilité.
Cela n’est possible que dans l’inspiration de la grâce divine.
Parce que humainement on n’arrive pas à le vivre.
Dieu respecte notre pauvreté.
C’est à nous faire mourir de joie.
Et nous y voilà ce soir.
Éléonore tu vas communier dans un petit moment à celui qui se cache dans le corps d’un bébé.
Ce n’est pas une communion dans la lumière fulgurante de Pâques.
Ce n’est pas une communion à l’ombre de la croix.
Ce n’est pas la communion dans l’illumination de l’Esprit Saint.
Tu vas communier dans la grâce de Dieu qui se fait enfant tout doux, tout mignon, qui ne dit rien, et qui regarde l’étable avec des yeux tout neuf.
Le bébé, c’est celui qui force notre respect, parce qu’il n’est que vulnérable.
Le bébé et l’innocent.
Jésus a été bébé.
Tout vulnérable dans les bras de sa maman, Marie.
Il a été et il est toujours l’innocent.
Tout vulnérable dans un monde qui l’a conduit sur la croix.
Mais pour choisir cela, il faut être très très fort .

Noël, c’est la fête de la vulnérabilité… D’une vulnérabilité de Dieu, donné aux hommes.
C’est la fête qui nous apprend ce que c’est que le don.
Et le discernement il est difficile…
Pour Noël.
Parce que c’est tellement mignon Noël qu’on a envie de ne regarder que le côté humain et visible.
Le côté qui attire notre instinct d’émerveillement devant un tout petit, un tout vivant.
Mais le vrai discernement, c’est exactement le même que de reconnaître Jésus dans le petit bout de pain consacré.
Le discernement de la foi, le don d’intelligence de l’Esprit Saint, nous projette dans cet amour invisible, cette beauté invisible, cette présence immense et transformante, qui nous fait murmurer :
 » je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi »
Ta première communion Éléonore c’est le sourire de l’Enfant Jésus qui se réalise réellement dans ton cœur.