Ce récit de l’arrivée des mages en Israël ressemble à un conte de fées.Avec cette étoile qui brille d’abord en Orient, pour avertir de la venue d’un roi. Et ce roi, les mages ont déterminé qu’il était roi des juifs.Et puis ensuite, encore le signe de l’étoile, beaucoup plus précis, au dessus d’une maison, à Bethléem…Et dans la maison, l’enfant, divin, Marie sa mère, Joseph qui veille.C’est tellement facile de l’expliquer aux enfants.Des chameaux, une étoile, des coffrets… Ils arrivent, ils se mettent à genoux devant un bébé, ils repartent… Et l’affaire est jouée.Et, pour nous adultes, on se laisse pénétrer de cette ambiance magique de conte de fées.On simplifie : trois mages avec chacun un coffret.Ce n’est pas dit qu’ils étaient trois…Melchior, Balthazar et Gaspard.Ils sont de trois couleurs, ça fait plus inclusifsEt on leur met une couronne sur leur tête.Bref, on transforme l’évangile en conte de princes charmants…Comme à cette histoire s’ajoutent songes et prophéties, ça fait rêver.Même l’Annonciation de l’ange à la Vierge n’a pas autant de succès dans le merveilleux.Il serait intéressant d’étudier les récupérations et l’imaginaire provoqué par les récits bibliques dans les piétés populaires.Pour Noël par exemple, c’est l’aspect festif qui est sur-développé.Pour les enfants, cadeaux; pour les grands, retrouvailles en famille et bombance pour les estomacs.C’est tellement admis que ceux qui sont seuls ou sans grands moyens, ont un complexe de malédiction et la tristesse de l’abandon…Je n’ai jamais aussi bien vécu mes Noëls que quand je partais seul, avant d’être prêtre, dans un lieu de pèlerinage, vivre une messe de minuit et manger en rentrant, une barre de Mars ou une demie tablette de chocolat.Je rejoignais alors, avec de véritables délices, la frugalité et le dénuement de la famille de Bethléem.Merveilleuse communion…!Mais relisons cet évangile de l’épiphanie…Avec une lecture plus près du texte réel…Un enfant-Dieu est annoncé par des phénomènes naturels.Un phénomène cosmique.En fait, les mages ne définissent pas l’enfant comme Dieu.Mais comme roi.Ils n’ont pas la révélation complète.Cet enfant sera puissant. Et c’est bien cela qui inquiète le roi (‘le bouleverse’ est-il dit) – Hérode est davantage un roitelet, collaborateur et soutenu par le pouvoir de l’Empereur de Rome. C’est un vassal –Hérode, le roi-fou, comme les grands dictateurs l’histoire était ou est devenu parano.Staline, Lénine, Mao, Amindada, Pol Pot, Fidel Castro, avaient peur de tout ce qui bougeait…Petite note de l’Évangile… Jérusalem est bouleversé aussi.C’est qui Jérusalem ?Les grands prêtres et les scribes, et peut être la population, mais ils ne sont pas bouleversés de la même raison qu’Hérode.Il y avait une attente…En tout cas, une caravane de devins-astrologues qui ne parlent pas hébreu, venue d’Iran ou de plus loin, ça intrigue.L’événement du jour !Et à raison…Le scoop.Les médias débarquent… : « et qu’est-ce vous pensez de cette nouvelle étrange ? Pensez-vous que ce roi va libérer le pays de l’occupation romaine ? »– oui bien sûr, on n’attend que ça ! avec la conjoncture actuelle, l’excès des impôts et de lois contraignantes, la difficulté de commercer, il est bon que l’Orient fasse un premier pas… Sinon ça finira en révolte civile !Notre conte de fées, en lisant de plus près l’évangile, voilà qu’il se dégonfle…Hérode convoque les prêtres et les scribes.On pourrait appeler ce nouveau scénario : Les Bons, la Brute et les truands.Les bons : les magesLa brute : HérodeEt les truands : les prêtres et les scribes…La brute à peur.Et il appelle à son aide ses semblables, les pervers de la ville.Le trésor, c’est un enfant qui pour l’instant se cache et reste mystérieux.Que lit-on entre les lignes de l’Évangile ?Une histoire qui n’est pas rare et à laquelle n’échappe pas Jésus et sa famille toute pure.Quand une nouvelle arrive, plus elle est lumineuse, plus elle va être rencontrer d’opposition.Le portrait de l’Évangile est très réaliste.Hérode reçoit les mages avec des courbettes.Première attitude du pervers : être au courant. Pour mieux contrôler la situation. Bien vu…Deuxième attitude :Jouer la séduction.Car le but c’est de situer, de cerner la proie et de l’attraper (par des raisons de bien) pour mieux l’enlacer.La brute cherche à éliminer. C’est plus radical. Il joue à l’araignée.Le truand manipule pour son profit. Il joue au chat et à la souris. Mais il peut aller jusqu’à tuer aussi.Les pharisiens tourneront longtemps autour de Jésus pour finalement décider de le supprimer, plus tard.Leur but ultime et constant des pervers est de garder leur place et même de prendre toute la place.Soit de manger l’autre pour son plaisir.Soit de l’éliminer pour garder le pouvoir.C’est plutôt le cas d’Hérode et des grands prêtres.Les bons… Les mages, eux, se réjouissent, donnent, se prosternent, et repartent sans contrepartie si ce n’est celle de leur joie au cœur.Mais ils ne sont pas dupes ou naïfs. Ils ont compris le manège des autorités.On s’aperçoit donc qu’on est loin d’un conte de fées.Jésus dès sa naissance fait surgir les ombres et lumières.Épiphanie, ça veut dire que ce qui est évident, hé bien… Jésus-Christ vient nous le dire…!C’est évident que Dieu nous aime, et pourtant il faudra que Jésus-Christ nous le dise. Et dès ses premiers jours sur terre, il provoque ce phénomène de révélation.C’est évident que nous devrions répondre à l’amour de Dieu par notre amour, par l’amour de tout notre cœur…C’est évident et pourtant il faudra que Jésus nous le dise en souffrant pour nous, pour que nous le comprenions vraiment.L’Épiphanie, c’est Dieu qui nous dit ce qui est pourtant évident mais que nous n’arrivons pas à voir.Et à l’approche de Jésus Christ le mal se réveille.En tout cas, il dresse l’oreille. Dès les premiers jours.L’Epiphanie de Jésus le met aussi en évidence.Ça finira par le massacre des saints innocents.On pourrait se dire:C’est toujours pareil,l’Histoire n’avance pas ?Eh bien oui, de fait, chacun refait son chemin.Chacun doit découvrir en lui Hérode la brute, les scribes truands, et le désir d’être mage pour approcher du mystère de Dieu.Ça veut dire que personne ne peut se dire : » mes parents ou mes ancêtres m’ont préparé un héritage de bonheur. je n’ai juste qu’à cueillir ce qu’ils m’ont préparé. »En fait, chacun de nous a à découvrir, à partir de presque zéro, le chemin du bonheur. Et à vivre son épiphanie.Chacun de nous doit travailler pour assumer ce qui lui a été transmis de bon, et pour rectifier ce qui lui a été donné de mauvais.Et ce travail est toujours laborieux, pénible, avec des avancées et des recul.Et il n’est possible qu’avec Jésus Christ comme révélateurNotre histoire on ne la reçoit pas toute cuite… Mais elle ne devient lumineuse que de Dieu.Certains me disent parfois : « ô mon père, j’ai une bonne étoile, heureusement… »Bien sûr, qu’on a une bonne étoile. On a tous une bonne étoile.Mais la question, c’est de la mettre dans la grâce de Dieu.C’est de lui donner son épiphanie dans la lumière de Jésus Christ.Soljenitsyne exprimait cela en disant…‘ ce n’est pas le destin qui cherche la tête c’est la tête qui forge son destin’Autrement dit, il n’y a pas de chemin tout tracé pour personne.C’est chacun de nous qui traçons notre chemin, et ce ne peut se faire qu’en tenant la main de Jésus.Lui seul nous accompagne dans notre épiphanie.