HOMELIE 29° DIMANCHE ORDINAIRE

Qui est César ?
Qui est Dieu ? Où sont-ils ?
César c’est celui qui a reçu de Dieu, directement, ou indirectement par le consentement d’un peuple, en tout cas d’une majorité, la mission d’exercer un pouvoir pour le bien commun de ce peuple. Mais il y a une question de confiance qui revient à chaque élection :
Ce bien commun comment peut-il le discerner, cas après cas, événement après événement ?
Car nous le savons bien, toute politique est relative aux événements, à l’Histoire, aux circonstances, aux hommes et aux intempéries, aussi…

On comprend la difficulté pour les hommes politiques qui travaillent dans le relatif continuellement, d’être ami avec les dogmes qui, eux, proposent des fondations immuables.

Alors, en fait ces choix que font les politiques ils proviennent de trois sources.

1 – la première c’est de Dieu lui-même. C’est mieux si celui qui gouverne se met à l’écoute de Dieu et de l’Église qui est le
corps du Christ, sa parole actuelle. Si César gouverne en priant, c’est la plus excellente source pour le respect des
consciences et la paix des peuples. Il y aura bien sûr toujours des ratés même si celui qui gouverne est un saint. Nous avons l’exemple de Saint-Louis.

2 – la deuxième source, c’est la conscience naturelle de celui qui gouverne. Mais il y aura toujours des ratés aussi, parce qu’on ne peut pas écouter notre
conscience naturelle parfaitement si on n’écoute pas la grâce de Dieu qui l’éclaire. C’est l’exemple d’Abraham Lincoln ou à la limite du Mahatma Gandhi. L’un et l’autre admettaient la dimension divine qui les dépassait. J’appellerai cette manière de gouverner le mode laïque de la conscience. Mais il y aura toujours des ratés.

3 – la troisième manière de gouverner, c’est d’écouter le peuple qui a confié sa charge de gouvernants à celui qui gouverne. C’est notre méthode de la plupart des pays actuels, en théorie. Mais écouter le peuple c’est supposer que ce peuple agit comme une personne adulte et majeure dans la vie politique. Le peuple, en cette manière démocratique de gouverner, doit être adulte.

Et cela n’est pas évident. Une volonté commune peut-être déviée par une majorité d’égoïsmes mis en commun.

Par conséquent il n’y a pas de César parfait. Où chercher donc la perfection de César ?
La perfection de César ne sera pas dans César. Mais elle sera au-dessus de César, en Dieu, auquel César appartient. Elle sera dans le lien que César entretient avec Dieu, c’est-à-dire avec Jésus-Christ, c’est-à-dire dans la capacité de celui qui gouverne à recevoir des Lumières et des avertissements de l’Église.

Il n’y aura pas de perfection, puisque en politique il ne peut pas y avoir de perfection absolue. Il y aura des ratés, parce que même dans l’Église il y a des pauvretés et des
tâtonnements, et des divergences. Mais ces ratés seront vivifiés et revivifiés par la vie du Christ, Lumière du monde.

Il y a eu des périodes dans l’Histoire où nous nous sommes approchés d’une relation saine entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Quand César a cru, dans l’Histoire, grandir en repoussant Dieu, peut-être a-t-il eu l’impression de grandir… mais il s’est desséché.. Par conséquent rendre à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César ouvre la perspective de nombreux martyrs, hommes et femmes, qui seuls sont mûrs, comme des fruits mûrs dans un monde de tempête. Martyrs discrets ou glorieux qui doivent tomber pour mieux fertiliser l’Histoire de nos sociétés par l’inspiration évangélique.

Le laïcisme porte avec lui, pas essentiellement, mais dans la pente déviée de l’esprit de l’homme, que la nature peut se suffire… C’est un rêve qui tourne toujours au cauchemar idéologique…

Cependant, ce désir de laïcité met en évidence une vraie vérité :
Celle que la Bonne Nouvelle doit être annoncée dans nos sociétés terrestres, par les chemins pauvres et approximatifs de tous les jours.

La Vie Éternelle doit être annoncée dans le terreau banal du quotidien, politique, médiatique, social et culturel. Ce terreau ce sont les ambitions bonnes, les désirs d’amour, de justice, mais aussi les manigances, et les mensonges en tous genres.

Un grand danger, le plus terrible, je crois, est la naïveté. Pour les athées, la naïveté mène au sang qui coule. Pour les chrétiens la naïveté mène au contre-témoignage et aux faux sacrifices, à une foi qui n’est pas mûre, qui confond la foi avec la confiance et le rêve, souvent qui confond la foi à un élan doucereux d’affection frustrée.

Le chrétien dans le monde est un agneau parmi les loups.

Un agneau conscient d’être ‘agneau’ à l’image de son Maître sur la Croix.

Un agneau, ce n’est pas un petit chat qui vient réclamer son verre de lait.

Cette distinction de César et de Dieu pose une autre vérité. C’est que nous fonctionnons selon une hiérarchie de situations et de domaines. Une hiérarchie, cela veut dire que notre vie se construit en plusieurs étages qui sont reliés les uns aux autres. Il ne peut pas y avoir un étage qui soit tout seul sans les autres. La particularité de cette communication entre étages, c’est que pour monter d’un étage à l’autre, il faut prendre l’ascenseur. Pour descendre, il y a un escalier. Les étages supérieurs diffusent leur inspiration évangélique qui clarifie et purifie le
travail de l’État, des sciences, des familles, de l’histoire de l’humanité.
… Si notre conscience ne vire pas à la barbarie, elle est appelée à la dignité de la personne humaine qui trouve racine dans la grâce d’en haut. Notre dignité transcende les lumières des États par sa liberté spirituelle et sa vocation à communier à la vie de Dieu. Notre conscience rend à César en descendant les étages. Elle rend à Dieu en acceptant d’être élevée par l’ascenseur de la grâce.

Et cet ascenseur, c’est Jésus qui nous indique où il se trouve. Il faut lui demander. Ceux qui n’ont pas pris l’ascenseur de la grâce se lamentent sur les blessures de l’Histoire de l’Église. Mais ceux qui ont goûté à la lumière évangélique sont éblouis par les bienfaits de l’Église du Christ dans la pâte humaine :
Que de génie l’Église a suscité et porté dans les appartements de César !
L’égalité de nature de tous les hommes, c’est l’Église.

L’égalité de dignité de l’homme et de la femme, c’est l’Église. (toutes ces martyrs femmes, messagères du féminisme, qui ont défendu l’intégrité de leur âme et de leur corps à l’égal des hommes martyrs, )
La dignité des pauvres, c’est l’Église.

La primauté des valeurs intérieures et de l’absolu des consciences.

L’obligation à ceux qui commandent, de justice pour les grands comme pour les petits.

Le respect de la nature et de la Providence divine par dessus les intérêts humains,

Les notions justes de fraternité, d’égalité et de liberté, tout cela est soufflé par l’Évangile et par l’Eglise.

La considération de nos ennemis au dessus des divergences politiques, c’est l’Église –
je ne dis pas de l’amour des ennemis que demande Jésus, car de cela, nos sociétés en sont encore loin. Le message de Jésus est largement en avant, très loin devant. –

Mais aussi, la conception d’une Histoire qui n’est pas cyclique et fermée sur elle-même, mais qui trouvera son apothéose au-delà des variations de notre histoire rocambolesque.

C’est l’Église qui explique, sans diminuer en rien la toute-puissance de Dieu, la présence du mal et de la souffrance dans le monde. Elle ne se contente pas d’expliquer, l’Église ouvre le chemin d’une solution :
C’est Jésus, qui libère l’homme.

Au cours de l’histoire, il s’est trouvé quelques rencontres harmonieuses entre le gouvernement temporel du monde et les aspirations profondes du cœur de l’homme.

C’est arrivé et ça reviendra… peut-être… selon le dessein de Dieu.

En ce moment les forces de division et de destruction se font très visibles. Mais l’étage du dessus, l’étage de la lumière, dans sa permanence d’un amour transcendant, appelle toujours à la victoire d’un bonheur que désirent aussi bien les saints que les bourreaux.

La Lumière sur le monde, c’est l’Eglise.

Qu’importe les forces obscures qui s’agrippent aux basques de l’Eglise… Alors même que l’humanité se met en charpie, la voix du Christ jamais ne peut se taire aux oreilles de nos consciences.

Les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre l’Église. À plus forte raison les portes de la politique, les portes de toutes les prisons humaines, les portes de toute les bêtises humaines. Rien ne peut prévaloir contre la lumière évangélique que chacun de nous devons vivre en notre personne avant de vouloir la communiquer à ceux qui courent dans tous les
sens.

Une dernière petite remarque qui prolonge ce que je viens de dire. C’est que si l’on n’a pas ce contact intime et cette expérience de Dieu qui fertilisent notre cœur de la lumière évangélique, on ne peut pas avoir une conception juste de la
laïcité. On ne peut pas considérer César à sa juste place.

Un monde laïque qui n’est pas irrigué de la sève évangélique, va inévitablement promouvoir des oppositions.

Laïque va devenir synonyme de ‘ opposé ‘ et d’abord de ‘ opposé à religieux.’ Va inévitablement devenir refus de la lumière de l’étage supérieur. Absence d’ascenseur et blocus de l’escalier qui descend.

Une société laïque athée devient une société sectaire fermée sur elle-même pour se protéger de toute influence supérieure qui devient une menace pour elle.

Elle peut s’élargir mais elle ne s’élèvera pas en vérité. Tout simplement parce que le surnaturel qui est un paramètre inconnu dans son jeu lui provoque une impression de menace.

C’est pour cela que je parlais dernièrement d’un monde autiste dans lequel nous vivons.

La vraie laïcité, disons la racine de la laïcité qui existait bien avant le siècle des Lumières, puisque Jésus l’a fondée, c’est la transmission dans les œuvres du monde du travail de la grâce par une communauté de citoyens qui n’ont pas comme
exclusivité de vivre le culte de Dieu et le don total à l’Eglise. L’Eglise respecte les différentes vocations. Elle respecte les magnifiques créations de l’homme, des avancées de la science et de l’intelligence, les efforts de l’homme à se dépasser, à partir du moment où l’homme ne veut pas créer Babel, une nouvelle tour de Babel dans laquelle tout le monde se
mord.

Or, seule l’inspiration évangélique, c’est à dire la présence de Jésus, nourrie par la prière et les sacrements, unifie les efforts de l’homme et couronne ses désirs.

Seul le Saint-Esprit et la foi, et la charité, et l’espérance vont donner des fruits lumineux et harmonieux, d’une simple table fabriquée par un artisan, ou d’un parti politique, ou d’une aide sociale, ou d’un combat pour la justice, ou d’une découverte
sur la vie de l’embryon,

Seule la vie de la grâce va donner à tout cela son aspect de beauté et de grandeur.

L’éternité est le désir le plus fondamental du cœur de chaque homme et de chaque femme. Fondamental parce que Dieu nous a créés ainsi.

Nous le savons chers frères et sœurs, et quel bénéfice !

Prions pour tous ceux qui ne le savent pas.

C’est ce que nous devons rendre à Dieu, pour que chacun puisse rendre à César.

Car on le sait bien : ceux qui n’ont pas la foi ne rendent ni à César ni à Dieu ce qu’il leur est dû. César, ils essayent de l’escroquer et simplement d’en tirer profit, et Dieu, ils le
fuient par le bruit et les émotions à outrance. Frères et sœurs, soyons des citoyens exemplaires.

1 – Rendons à Dieu ce qui lui revient : toute notre âme, notre cœur, notre louange, toute grâce, la vie et l’existence de tout. Rendons lui notre conscience. Dieu premier servi.

2 – Rendons César à Dieu. Même si César veut ignorer Dieu et l’Eglise.

3 – Nous pourrons alors rendre à César ce qu’il demande, si cela respecte nos consciences éclairées par l’Eglise.