PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT 2023

Quelque part, Léon Bloy, étonnant prophète du siècle dernier, on peut même dire ‘détonnant prophète…’, écrivait :
« Dieu à créé l’homme à sa ressemblance pour que nous fissions ce qu’il a fait lui même.
Il a pris notre nature afin de mourir pour nous.
Nous devons prendre la sienne – la nature divine – afin de donner notre vie pour lui, ce qui est notre devoir strict, absolu. Or, tout le monde aujourd’hui s’y refuse…  »
C’est vrai, mais je changerais sa formule : «Dieu a pris notre nature afin de vivre avec nous. Nous devons prendre la sienne afin de vivre avec lui».
Veillez… Veillez…!
Plusieurs fois dans l’Évangile, Jésus nous demande de veiller.. D’avoir de l’huile dans notre lampe…
D’attendre le retour d’un roi, d’un maître..
« Veillez pour ne pas entrer en tentation ».
Mais, frères et sœurs, si on doit veiller, c’est que quelque part en nous il y a un désir qui s’est réveillé.
On ne veille pas pour quelque chose qu’on ne connaît pas…
Et ça change toute notre conception de la foi, de la religion.
Où est ce désir premier ?
Notre monde cherche à construire de nouvelles inventions, à trouver des plans de croissance nouveaux.
Mais quand on veille, c’est qu’on attend un bonheur auquel on a déjà goûté. Notre foi n’est pas fabriquer quelque chose.
Elle est de révéler ce que notre cœur contient de meilleur. Et qui reste enfoui.
Quand on plante une petite graine de tomate, nous n’avons pas à fabriquer sa croissance.
Le plus réjouissant n’est pas de disséquer la graine.
C’est quand apparaît les deux premières feuilles, qu’on découvre l’âme de la petite tomate et sa force de vie.
On connait le goût de la tomate.
Mais pour le jardinier il y a une joie plus grande encore à suivre la vie cachée de la graine qui se développe.
D’observer la force de vie qui monte du secret de la terre.
Il en est ainsi à chaque grâce nouvelle de Dieu.
A chaque grâce , on goûte sa nouvelle présence qui grandit secrètement.

Notre désir alors reprend son souffle pour veiller plus loin encore.
Le mouvement de la foi, enveloppée de charité, plonge toujours plus profondément dans le secret de la vie de la petite graine d’une grâce divine.
Ce que je veux dire, c’est que Dieu prend toujours le chemin de la petite graine plantée et cachée pour surprendre de sa vie.
Dieu ne joue pas sur l’originalité.
Et Noël sera ainsi.
Dans l’éblouissement d’une vie nouvelle, qui ouvre la nature à son bonheur.
Et cet éblouissement, nous pouvons le vivre chaque matin au réveil.
Si nous écoutons notre cœur.
Qu’est ce que veiller ?
N’est-ce pas simplement offrir notre cœur à être purifié par la lumière de Dieu ?
En demandant à Dieu qu’il nous mène dans un chemin de simplification.
Notre monde adore se compliquer la vie, multiplier les complications pour vivre plus facilement…
Notre âme dans sa nature la plus profonde désire un seul mouvement.
L’union avec un amour.
Et l’amour premier s’appelle Dieu.
Notre âme n’aura de cesse de se reposer dans le fond de sa nature.
Et ne pas veiller, autrement dit se disperser dans nos préoccupations volontaires ou pas, c’est irriter le désir fondateur de notre âme.
Et se rendre malade.
En fait …
Nous avons une structure qui s’appelle notre nature.
Cette structure est orientée vers Dieu.
Le mouvement qui jaillit de notre nature, c’est d’être un avec Dieu. De voir Dieu. Et c’est cela notre joie.
Simplement, découvrir l’appétit de notre âme vers Dieu…
L’unique destination de notre cœur.
L’apaisement final de notre âme, c’est de voir Dieu dans son essence divine. Tout ce qui est au delà ne peut pas procurer de repos et de paix définitive. Dans un autre sens, tout ce qui nous en éloigne sera frustration, démangeaison et semence de maladie.
Quand on pense, chers frères et sœurs, à tout ce que nous allons faire ou écouter ou dire jusqu’à la fin de la journée et qui nous détourne du mouvement de notre âme vers Dieu…
Ces paroles inutiles et qui nous brûlent les lèvres, ces petits plaisirs dont on a trop l’habitude et qui nous ligotent, ces curiosités de tout et de rien, ces attachements qui réduisent notre vie à des problèmes.

Je ne parle pas même des péchés avérés qui réclament pardon…
Tout ça, perte de temps au minimum, tristesse de fond, semence de maladie. Parce que non conforme au désir premier, naturel, de notre âme.
Il y a au fond de nous cet attirance irrésistible pour ce qui est vierge, de la pureté de l’enfance, parce que cela rejoint l’essence de notre âme.
Il n’est pas étonnant que dans notre monde qui pollue le silence et la pureté, la simplicité et la pauvreté, il y ait des conversions de cœur merveilleuses.
Des jeunes et des moins jeunes qui ouvrent leur âme à la tendresse de Dieu. Parce que plus on s’éloigne des fondamentaux de notre nature, plus la faim de Dieu se creuse.
Même si elle n’est pas consciente.
Et quand une petite brèche, toute petite, s’entrouve, la grâce entre comme un torrent de lumière dans le cœur qui reconnaît alors son bonheur.
Et ensuite, il reste, toute sa vie, à entretenir ce désir vers cette lumière bienfaisante à nos âmes.
Veillez dans une prière de plus en plus simple. ‘Priez sans cesse’, dit saint Paul.