TROISIEME DIMANCHE DE L’AVENT 2023

Béthanie, au-delà du Jourdain…
Un lieu qui n’est pas encore vraiment identifié.
Toujours ces imprécisions, qui nous entretiennent dans un certain mystère et que désire Dieu…
Mais qui signifie que l’œuvre de Dieu dépasse les cadres.
Et qui signifie aussi que Dieu, si clair, si limpide, aime passer par des causes imparfaites, fragiles, qui comportent elles-mêmes un certain mystère, une certaine opacité.
Dieu qui habite les cœurs, veut se donner tout entier dans des événements qui sont limités, par les personnes pauvres et pécheresses.
Dans une histoire qui contient tellement d’obscurité pour notre raison.
Dieu veut passer par l’Église.
Il veut prendre le chemin des voix du désert.
Il n’y a rien à voir, il y a si peu à entendre, il y a tellement à deviner… Et c’est ici que la grâce de Dieu opère en profondeur.
Dieu pourrait tellement faire tout seul… avec des manifestations tellement plus lumineuses et précises.
Mais il veut Marie
Il veut Joseph
Il veut Jean baptiste Il voudra les apôtres Pierre et les autres. Il veut l’Église
Il nous veut, nous, là, personnellement.
Pour nous aimer.
Et pour que nous l’aimions d’un pauvre amour. Et même d’un amour boiteux.
Pourquoi ?
Parce que Dieu a inscrit dans la Création que tout est signe de sa présence.
Et les signes les plus directs, ceux qui sont l’autoroute de la grâce, ce sont les signes pauvres. Des signes qui sont tellement des signes pauvres qu’on ne les voit même plus comme des signes.
Avec, par excellence, les signes spéciaux de l’Église :
Les hommes.
Et les sacrements.
Ce sont les signes qui sont les plus sûrs, avec le moins d’illusion.

Imaginez-vous que vous sortiez d’une grande ville.
Vous êtes dans les labyrinthes de la banlieue.
Si vous n’avez pas de GPS, ou si vous n’avez pas de boussole, vous ne vous en sortirez jamais si vous ne suivez pas les panneaux.
Ou si vous ne demandez pas votre chemin à quelqu’un.
Je me rappelle m’être perdu comme cela dans la banlieue du Caire, ville gigantesque entre toute, où il fallait faire autant attention aux chèvres qui traversaient qu’aux camions qui roulaient à contre sens.
Je voulais me diriger vers le désert.
Les panneaux en arabe ne m’inspiraient rien.
Et j’ai donc demandé mon chemin aux piétons qui se trouvaient sur le bas côté.
Ils me répondaient tous d’un air rassurant :
 » dar el Salaam » ? tout droit. »
À force d’aller tout droit, il a bien fallu que l’on revienne sur nos pas.
C’est à force de demander que l’on trouve, je dirais presque de gré ou de force. Et bien, dans la vie de foi, c’est ainsi que la grâce nous est donnée. Tout droit… ! Et il faut aller jusqu’au bout…
Et il est facile de distinguer deux vitesses de religion. Deux itinéraires. En fait deux familles de vie intérieure.
Le premier itinéraire, c’est le chemin des piétons.
Je l’appellerais aussi «la famille utile»
C’est le chemin où l’on trouve son compte.
Cela peut-être très subtil, c’est aussi le chemin où se réfugient les indécis et les menteurs.
Ceux qui cueillent les vérités de l’Eglise pour leur avantage.
Qui font les gestes de la religion pour être reconnus, respectés, honorés.
Qui suivent la morale de la religion pour avoir bonne conscience.
Ou qui vivent la foi et ses mystères pour être mis au moins sur un piédestal.
Oui, Dieu fait couler sa grâce, mais à petits filets, avec patience. Il attend.
Il rectifie avec des petites touches pour inviter l’âme à l’abandon.
Très vite cette religion peut devenir pharisienne ou persécutrice pour se protéger.
Et puis il y a une religion des cavaliers. Autre famille dont le désir n’est pas sur soi et ses intérêts mais orienté vers l’autre (l’Autre)
Désir d’union avec Dieu.
C’est la religion du tout amour pour l’amour.
La religion du sacrifice.
La religion de la foi obscure.
Et cette religion c’est l’adhésion à la présence de Dieu dans tous ces signes. Mais… En pauvre.
En petits pas et en désert, en marche de famine.

En marche de famine et en vitesse de cavaliers.
Il existe un signe qui fait le partage entre les piétons et les cavaliers.. C’est que les cavaliers reçoivent de l’Église la sève de leur vie spirituelle. Et ils boivent à grands traits de l’eau vive.
Ils sont inutiles et le savent.
Mais ils réjouissent le cœur de Dieu.
Et c’est tout.
Et Jean Baptiste c’est un cavalier monté à cru. Rien pour lui.
Tout pour son Seigneur.
Qu’est ce qui change entre les deux familles spirituelles ?
Rien ! puisqu’elles font les mêmes choses et qu’elles sont fatiguées toutes les deux, qu’elles ont à peu près les mêmes réussites et les mêmes échecs.
Mais dans la première on râle, on donne des conseils quand même, on vit entre excitation et d’apathie. On protège… enfin on essaie de protéger son espace. Dans la seconde, discrètement, il y a une écoute.
Il y a ouverture d’esprit.
Et surtout le signe habituellement…. C’est que les petits chacals ne sont pas loin. Souvent, les œuvres sont confisquées, et le silence recouvre la nature environnante.
C’est là que la comparaison avec la formule 1 n’est pas ajustée…
Bref, il y a une onction et une harmonie, même dans la douleur.
C’est la famille de l’audace et du désir qui s’oublie et qui seul comble.
Le retour sur soi est l’ennemi.
Règne du non-savoir, de la nuit, de la perte de soi et du troupeau ;
d’où émane les délices de l’amour.
Mais cette famille n’a pas de fondations humaines, de chair et de sang, comme dit saint Jean.
Pour vivre de joie parfaite, il faut permettre à la grâce divine de pénétrer les notre cœur dans ses angoisses et jusqu’aux racines de notre jugement pour que Dieu les purifie et les apaise de sa tendresse.
Jésus n’est pas né et n’est pas mort pour de la demie mesure.