RAMEAUX 2024

Frères et sœurs, ne sentez-vous pas dans cette fête des Rameaux une certaine ambivalence ?
Quelque chose reste ambigu.
Rien que la liturgie favorise ce sentiment d’instabilité.
Avant de rentrer dans l’église nous avons lu l’accueil festif que les foules font à Jésus.
Une fois rentrés, nous lisons l’évangile de la Passion…
On ne sait plus sur quel pied danser. Et c’est bien le cas.
Jésus vient à Jérusalem.
Il enseigne et il est épié.
Et puis, il retourne à Béthanie, pour être dans un environnement ami.
Ce n’est pas spécialement facile, parce que tout le monde ne le comprend pas. Ou plutôt, tout le monde ne l’accepte pas tel qu’il est.
Mais à Béthanie, il se repose des tensions.
Quand Jésus est quelque part, qu’est-ce qu’il se passe ?
Il se passe qu’il charge la réalité, les événements d’une saveur de vie.
Chaque parole, chaque geste, prend un goût de profondeur, une forte densité d’existence.
Ça peut paraître aux limites de la normale, – et ça l’est – mais on ne s’ennuie pas ! Une femme lui verse un parfum sur la tête…
Une autre, ou la même, lui essuie les pieds avec ses cheveux.
Il commande un repas, non pas par un coup de téléphone au resto, mais par une vision prophétique.
‘Vous allez rencontrer un tel, vous lui dites cela et il va vous répondre ça.
Il y aura un petit âne, etc, etc,..’
Jésus, c’est de la vie !
Alors d’où vient l’ambiguïté de cette fête des Rameaux ?
Elle vient que nous fonctionnons sur plusieurs étages.
Et que, souvent, – je n’ose pas dire toujours … – nous ne laissons pas circuler la vie entre nos différents étages.
On limite notre fonctionnement de tous les jours à un ou deux étages, presque étanches.
Je m’explique..
Nous avons en nous des possibilités d’amour, de relation, d’ouverture d’existence, presque à l’infini.

Et nous vivons sur un ou deux registres.
Pour les plus courts, ce sera sur une gamme étroite de désirs et de satisfactions. Pour d’autres, l’étage sera celui de leurs intérêts.
Matériels ou spirituels, dont ils tireront satisfaction.
Certains fonctionneront sur un amour pas toujours très pur.
Et en plus on ajoutera quelques péchés cachés qui réduisent encore notre vie.
Il y a quand même un étage supérieur : celui de la foi.
On fait partie de la religion…!
Bien que ce ne soit pas très bien vu maintenant, notre âme sait bien qu’il y a quelque chose de grand et de noble, de valeur, à faire partie de l’église catholique. Très bien…
Mais attention, si on ne ferme pas cette foi au 5° étage.
On peut s’élancer avec nos rameaux à la main, saluer celui dont on sait qu’il est Sauveur.. mais est-ce que nous lui ouvrons notre cœur ?
Est-ce que nous laissons la vie de Jésus irriguer nos journées ?
Si nous devons choisir entre Dieu et faire nos courses, ou faire un footing, est-ce que Jésus entre dans notre choix comme une source ou comme une option parmi d’autres ?
Est-ce que je dois aller faire mes courses ou aller à la messe, ou prendre une heure de prière ?
Réponse : je vais réfléchir. Mais à quoi ?
La réponse c’est que Jésus est notre vie, notre Dieu..!
Le seul qui nous donnera une jouissance éternelle…
Il n’y a même pas à réfléchir.
Sinon notre foi reste une part de nos intérêts, elle reste une option qui n’engage pas notre être.
Elle n’entre pas comme une surexistence vitale qui donne sens à tout ce qu’on fait et pense.
Donc, on peut bien acclamer Jésus, et le moment d’après critiquer l’Église ou son prochain.
Et par conséquent on vit dans l’ambiguïté. On en prend et on en laisse.
Sans s’en rendre compte, nous cultivons nous-même l’insécurité de notre cœur. Parce que notre cœur a besoin de se donner tout entier à celui qui est notre vie.

C’est dans sa nature.
Notre cœur a besoin d’un don entier.
Et quand on ne sait plus placer les priorités dans nos journées, un certain malaise de fond gêne notre âme. Normal.
Notre foi et faite pour transformer notre vie au cœur de nous-même.
Si on l’enferme à un étage, habituellement l’étage d’une croyance qui n’est pas enracinée dans un amour brûlant de Jésus et de l’Eglise, il y aura toujours quelque chose d’ambigu dans nos actes, quelque chose de pas tout à fait vrai.
Parce que ça n’ira pas jusqu’au bout.
On acclame Jésus, mais on se tait s’il faut affirmer notre foi devant des adversaires.
Ou bien, on retourne ce que Dieu nous propose à notre avantage.
Ça veut dire qu’on vit la foi dans son étage mais que notre cœur n’est pas irrigué de l’amour de Dieu.
Notre foi n’est pas un projet, ce n’est pas une morale, une discipline hygiénique pour vivre plus écolo… OU un confort de conscience.
C’est une source féconde qui irrigue chacun de nos instants d’un amour qui prend toute la place.
Comme notre vie, notre foi doit être branchée dans notre corps et notre âme. Et notre monde a besoin de flammes hautes et claires pour témoigner de Jésus.
Des flammes qui montent des sources de notre être et de notre personnalité capables d’éclairer et de réchauffer.
Il y en a heureusement qui se réveillent avec Jésus et dont le cœur bat toute la journée pour lui.
Ceux-là pourront traverser les ravins de la mort avec lui. Pour Lui.