11° DIMANCHE – B – 2024

Vision de Dieu
Quand on lit les textes d’aujourd’hui, chers frères et sœurs, nous pouvons avoir quatre réactions…
J’en élimine tout de suite une, très improbable dans notre assemblée : Celle d’avoir rien compris parce qu’on n’a rien écouté.
Donc il reste trois solutions pour nous.
J’en élimine une autre :
Celle d’un manque de foi.
En dehors de notre église, c’est très fréquent. Pour le monde. Mais sans la foi, pourquoi vit-on ?
Pour le plaisir, pour une ambition ( mais pourquoi celle-là et pourquoi pas une autre ?)
Pour un amour ? mais ne sachant pas pourquoi cet amour et pourquoi pas un autre… Et bien souvent pour un amour qui nous est utile.
Comme le constatait déjà Sénèque en son temps : « Il n’y a pas de vent favorable pour celui qui ne connaît pas de port où se rendre ».
[ lettre à Lucilius LXXI]
Bref sans la foi, on est court ou fumeux.
Alors même que l’on poursuit un bien séduisant, captivant.
C’est la grande fragilité de notre monde actuel, en dehors de l’Église, et parfois dans l’Église.
Le jour de demain est incertain pour notre tranquillité.
C’est notre monde, qui tourne avec les vents et qui retourne selon ses humeurs ou parfois les tempêtes, et reprend ses tours avec ou sans nous.
Or nous venons d’écouter le Prophète Ezechiel, Paul ou Jésus-Christ, parler du règne de Dieu…
Donc, nous savons où nous allons.
Cela ne veut pas dire que nous sommes, chacun, dans la même course. Mais nous sommes sur la même piste.
Et Saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens est très clair.
Le but de notre vie,
ce qui est inscrit au plus profond de notre nature,
ce dont nous sommes affamés, tout notre être…
notre intelligence, nos amours, nos passions, notre âme et notre corps, ce qui va donner à notre vie un goût de délices,
C’est le désir d’union à Dieu.
Nous sommes faits pour nous unir à quelqu’un, nous unir intimement et d’amitié au Seigneur.
Pour être divinisé.
Comment pourrais-je le dire avec la force nécessaire des mots…?
Notre âme a été créée, œuvre d’art de Dieu, pour être une épouse, en communion permanente avec Dieu.
Jusqu’à ce qu’il nous enveloppe de sa grâce.
Nous envahisse de sa lumière délicieuse.
C’est ce que dit saint Paul.
L’union à Dieu n’est pas une option de la foi.
C’est l’objectif final que Dieu a dessiné dans son œuvre, pour nous, et c’est pour cet objectif qu’il a envoyé son Fils unique pour achever l’union, récapituler toutes choses dans un amour nuptial.
C’est le fondement de l’Église pour notre bonheur.
Le but de l’union au Christ, c’est la manifestation du règne de Dieu.
Cela nous le savons, nous, dans cette église, parce que tout simplement nous venons communier au Corps du Christ, à sa personne et à son immense paix .
Et pourtant nous avons deux réactions différentes. Nous pouvons vouloir courir derrière saint Paul. Pour lui, la foi est un désavantage. Il y a mieux.
Le corps est un désavantage.
Notre corps charnel qui pourtant nous appelle à tant de plaisir…
Parce que pour Paul, l’expérience de Dieu se fait dans l’obscurité.
Et il veut la vision.
Il veut l’expérience unitive, d’union, dans toute son immédiateté et intensité. Pour lui, notre condition d’aujourd’hui, dans la foi, c’est un accouchement. L’enfant est là, mais il est en douleur.
Il manque la dilection, la douceur de le tenir dans ses bras, en silence.
La vie contre la vie, le cœur débordant d’amour.
Bien sûr, on peut demeurer ici dans l’amour de Dieu.
 » demeurer dans mon amour », dit Jésus.  » Que vous soyez un, comme moi et mon Père sommes un ».
C’est possible, mais il reste la distance du mystère de la foi.
Là aujourd’hui pour moi et pour vous.
C’est pas grand-chose, mais notre cœur veut abolir cette distance.
Et pourtant, certains d’entre nous ont une autre réaction que celle de Paul.
La réaction qui consiste à considérer la foi comme un chemin très élevé pour toucher Dieu.

Vous voyez frères et sœurs, il y a ceux qui sont fermés sur eux-mêmes: le monde. À l’extrême opposé, il y a ceux qui n’attendent qu’une chose : qu’il n’y ait plus aucune distance pour vivre l’union à Dieu… les brûlés de l’amour de Dieu.
Ils veulent l’expérience d’être divinisé par le Verbe de lumière infinie .
Et puis, il y a ceux qui vivent cette expérience amoureuse de la connaissance de la foi sans avoir cette confiance absolue de voir Dieu, de le contempler dans la douceur intense de la vie éternelle.
Recevoir Jésus-Christ dans le sacrement de la communion cela peut nous porter déjà à l’extase.
Et l’extase peut suffire à certains.
Et bien non…
L’extase n’est pas encore suffisante.
Elle réclame de contempler la gloire de Dieu.
Pour reprendre l’image de Jésus, il y a le règne de Dieu qui pousse dans l’obscurité de la foi si nous n’y mettons pas obstacle par les désirs du corps et du monde.
Et puis il y a le règne de Dieu qui est au soir de la moisson.
C’est la même vie, la même expérience, avec, ici-bas, tous les oiseaux du ciel, les grâces de Dieu, qui viennent soutenir notre foi.
Au Ciel, nous volerons avec d’autres oiseaux, nous exulterons avec les anges et l’Église entière, pure, ravissante, en son vêtement de grâce, toute harmonieuse en son corps unifié par l’Esprit Saint et le regard de Jésus-Christ.
La foi, la plus petite branche de notre âme, intuition invisible, devenue grand arbre, disparaîtra, pour libérer son fruit éternel de charité.