« viens! », « oui, je viens…»
« viens, Seigneur Jésus ! »
On dirait qu’il y a comme une obsession.
Et Jésus… veut qu’on devienne parfaitement un…» Là-dessus, je crois qu’il souffre toujours.
Étienne, lui, a trouvé le chemin…
« voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu »
Mais qu’est-ce qui nous apparaît dans tous ces textes, en perspective ?
Et bien justement, il apparaît que notre vie ne se suffit pas, et que le dernier cri de l’homme c’est : « viens » !
Au terme de notre vie, au terme de notre monde, au terme de nos désirs, nous attendons un accomplissement.
Au terme de sa vie, notre chien, le lapin des champs, le rossignol ou le moustique, n’attendent rien.
L’homme, lui, attend, au-delà…
Ces textes qui nous ouvrent a une beauté finale.
Il y a quelque chose en nous qui est avide, comme une nostalgie, d’une beauté parfaite, d’une jouissance sans fin.
Nos petites jouissances d’un moment, même si elles durent 30 ans, sont toujours insatisfaisantes, surtout quand elles sont basées sur des abrutissements.
Ce désir qui brûle dans les profondeurs c’est ce qui fait l’homme.
Si l’homme ne va pas jusqu’à lui, il n’existe pas à sa hauteur d’homme.
Il devient animal, avec une vie de poussière parmi les autres poussières des astres et du vent.
Mais il y a en nous une faim, une faim d’être infini, en permanence.
Comme une vague de fond qui vient du secret de notre âme.
On ne la voit pas, mais c’est elle qui fait les grands remous de surface.
Parfois elle signe, mais le plus souvent elle ébranle les profondeurs de notre personnalité, sans donner son nom.
Et on a de cesse de plonger dans cet océan de joie.
Voilà pourquoi l’homme est si mal quand il regarde le bout de son nez, le bout de ses intérêts ou le bout de ses souffrances.
Parce qu’il refoule la vague de fond.
Et refouler la vague de fond de nos désirs, ça demande des énergies démesurées, et ça provoque maladies et souffrances.
Et voilà pourquoi l’homme est si bien quand il goûte quelqu’avant-goût de la vie éternelle.
Quand une étincelle de grâce le fait frémir jusqu’au fond de lui-même.
Il sait qu’il ne peut pas bénéficier de la vague de fond immédiatement, mais il la rejoint par une étincelle, un avant-goût d’éternité, qui est en fait une expérience d’union avec la divinité.
C’est pour ça que l’homme est fait.
Et quand il fait cette expérience, tous les remous de surface ne lui font plus peur parce qu’il devient obsédé par le désir de la vague de fond.
« viens »
Un chrétien c’est celui qui dit « viens ».
Et rien d’autre ne l’intéresse.
Tout le reste c’est de la paille qui brûlera au feu.
Ce « viens », on peut le décliner de nombreuses façons.
Quand on demande pardon, on dit « viens Jésus ».
Quand on va communier, par le fait même, on dit « viens ».
Quand on se marie, c’est pour dire à Jésus : « viens en lui, viens en elle ».
Et il y a 3 degrés, 3 façons de dire « viens ».
Il y a la façon : ‘ fais-moi plaisir.’
C’est-à-dire ‘calme mon désir’.
Et toute notre vie nous essayons de calmer nos désirs.
Parce que le désir fait mal.
Le désir peut même nous faire perdre la tête de douleur.
Généralement, on veut le calmer.
J’ai faim… je mange.
J’ai envie… de boucles d’oreilles, de chaleur, de découvertes, alors je m’achète des boucles d’oreilles, je vais à la plage, j’achète un billet pour les Caraïbes.
C’est ce que la Bien-aimée dans le Cantique des Cantiques appellent ‘les petits renards’. (2, 15)
Ils peuvent même être des grâces sensibles. Ils peuvent nous évoquer Dieu.
Ils nous occupent un instant, ils nous soulagent, et puis d’autres désirs se creusent. Et on aura besoin d’autres petits renards.
C’est le premier degré.
« viens », « viens », et 100 fois par jour le désir se creuse et trouve, ou ne trouve pas, sa satisfaction.
Il y a un deuxième degré de désir qu’on peut nommer par son nom ‘d’amour’.
C’est celui qui cherche une permanence.
Et la permanence elle ne se trouve qu’au fond de notre âme.
Une âme éprise d’amour cherche un repos durable.
Je devrais plutôt dire une paix durable.
C’est la paix du Christ tout simplement, que le monde ne connaît pas.
La paix du Christ c’est le vide de la solitude en nous qui est comblé par une Présence.
Comblée par un amour qui est toujours dans un mouvement de croissance.
Or, pour atteindre cet amour qui est autrement plus nourrissant que les petits renards, il faut accepter de ne pas combler les désirs de la chair.
Pas uniquement notre sensibilité, nos sentiments, nos pulsions, mais aussi notre psychologie et nos curiosités de tous les jours.
Quand on accepte de rester insatisfait, inassouvi, alors on peut ouvrir la porte des profondeurs de notre âme qui sera comblée de paix.
C’est très difficile d’ouvrir cette porte, surtout quand on est jeune, et surtout si l’on prête attention à toutes les sirènes si séduisantes de notre société.
C’est un signe que l’on entre dans la paix profonde de l’esprit, que de porter nos désirs sans les assouvir.
C’est un signe de la grâce, de maturité spirituelle.
Avant que la présence de Dieu pénètre notre âme, il y a toujours les grands remous des frustrations.
Si l’on essaye de tenir la barre vaille que vaille dans les grands remous des désirs inassouvis alors Dieu nous fera goûter la paix très douce de sa présence lumineuse.
Il restera toujours cet appel : « viens » mais il sera une douce plainte comme une musique de fond paisible.
Et enfin, il y a le troisième degré.
Parce que notre âme ne se suffit pas de cette plainte.
Elle veut l’union avec son Dieu, avec celui qui est source de son être.
L’union éternelle.,
Et cette union elle ne sera qu’au retour du Christ.
C’est le cœur à cœur avec Dieu que l’on attend en tant que chrétien dans l’espérance.
Ou tout autre désir sera oublié.
C’est le « viens » du texte de l’Apocalypse d’aujourd’hui.
C’est aussi le « viens » de Saint Étienne qui contemple les cieux ouverts.
On retrouve ces différents degrés d’attente et de joie chez les artistes.
Par exemple dans la poésie de Jules Supervielle.
« être homme ou minéral, d’air pur ou de tourment c’est attendre quelqu’un qui tarde à s’éveiller. »
C’est le deuxième degré, « où l’âme vient à la lumière.»
Et puis dans un autre poème, il écrit :
« un instant dont l’homme est maître, au point le plus secret du cœur, noue et dénoue l’éternité ».
J’ajouterai, quand l’homme a trouvé le sentier de la prière..
Alors oui, Dieu se plaît à venir, à le rassasier de sa grâce et de sa paix.