Croix glorieuse

En fait on a presque un puzzle avec les textes de cette fête de la Croix glorieuse.
Première carte du puzzle :
un peuple au milieu du désert.
Un peuple qui n’est vraiment pas très spirituel.
Il râle, et plus il râle plus il a de malheurs. Classique…
Le désert le rend obsédé de ses frustrations.
Et puis il y a les serpents.
Non seulement il a faim, ce peuple. il a soif. il a chaud.
Mais en plus il se fait mordre par les serpents.
Ce n’est pas l’enfer mai tout proche.
Autre carte du puzzle :
Moïse, le prophète, fait travailler le bronze et fait fabriquer une image du serpent.
Qu’est-ce que vient faire un serpent de bronze dressé sur une pique ?!
Certainement qu’il y a un intérêt puisque Jésus reprend cette image, et se l’approprie.
Il se compare, lui, au serpent, de bronze, dressé au-dessus de l’Histoire des hommes.
Il va être comme le serpent de bronze une sorte de paratonnerre pour les peuples mordus et périssants par leurs péchés.
Autre élément du puzzle :
Ce n’est pas simplement la guérison de leurs morsures que les hommes vont gagner à regarder le Christ.
Jésus dit à Nicodeme que la croix va permettre le passage à la vie éternelle.

Voilà à peu près les éléments que nous avons.
Comment les mettre en ordre pour que tout cela est un sens ?

D’abord il y a une intuition que Dieu a donné à Moïse avec ce serpent de bronze.
Le serpent est un mal.
D’une certaine façon, tout ce qui est mauvais on pourrait le représenter par un serpent.
Tout ce qui nous rend malade et qui va même jusqu’à provoquer notre mort.
Si on considère le serpent physique son venin provoque la mort physique.
Si on considère le serpent comme l’expression du Mal, il provoque la mort de l’âme.
C’est ce qui s’est passé avec Adam et Eve.
Il y a une chose de très vrai que quand on veut vaincre un danger pour notre corps ou pour notre âme, la meilleure solution n’est pas de fuir ou de nier ce danger, c’est de le mettre en évidence.
Le pire pour une personne, une famille, une société entière, c’est le non-dit, c’est de cacher le mal qui le ronge.
C’est de vivre sur du pourri, mais attention… il ne faut pas le dire ! le ver est dans le fruit, mais on ne l’admettra que quand le fruit sera tombé et immangeable. Il sera trop tard.
Le pire mal c’est de ne pas vouloir mettre en évidence les racines du mal.
Et on va lutter contre tous les inconvénients qui se présentent, faire des programmes p, mais on ne va pas nommer la racine du mal.
Pour vaincre le mal il faut commencer par le dire.
Il faut le montrer, le dresser à la lumière.
Et souvent, cela suffit comme contre poison.

Pourquoi un serpent de bronze ?
Et bien tout simplement parce que ce procédé utilisé par Moïse, s’appelle ‘un rite.’
Le rite porte la réalité, toute la réalité, en gardant un aspect inoffensif.
Le rite est une espèce de théâtre de la réalité.
C’est ce qu’adopteront beaucoup les Juifs, notamment par le rite du bouc émissaire.
Tout au long de l’histoire de l’humanité, l’homme empruntera le rite pour vivre plus profondément la réalité sans se détruire.
L’animal ne sait pas faire cela. Jamais.
Le rite utilise des symboles, des paraboles, un langage imaginé, ou encore selon sa plus parfaite expression : des sacrements.
Seul le Christ, et l’Église, porte à sa plus parfaite expression le rite, au niveau du sacrement.
Le rite nous épargne la violence destructrice d’une communauté.
Par exemple, à la messe, la mort du Christ qui est toujours bien réelle est signifiée et portée par le pain rompu. Et pourtant c’est bien la mort du Christ que nous vivons à chaque messe.

Mais je reviens au serpent, de bronze.
Moïse le fait dresser au-dessus du peuple, sur un mât.
Chacun peut le voir.
Tout le monde est concerné.
Chacun peut conserver sa vie menacée.
Et voilà que Jésus, Jésus-Christ, s’identifie au serpent de bronze.
Mais en fait c’est l’inverse.
Le serpent de bronze était une préfiguration du Christ sur la croix.
Parce que le Christ ce n’est plus un rite qu’il traduit.
C’est l’inverse.
Il est la réalité qui donne un sens à ce serpent de bronze.
S’il n’y avait pas eu Jésus-Christ mort sur la croix, ce serpent de bronze aurait été complètement ridicule et sans aucun intérêt. Presque absurde.
Il y a certaines confréries, comme la franc-maçonnerie pour ne pas la nommer, ou certaines cultures primitives, qui se suffisent de l’explication du rite.
Elles fonctionnent par symbolisme; elles s’arrêtent aux symboles et à la signification.
Elles ne gardent que l’écorce du fruit sans atteindre la réalité qui produit le symbole.
On dessine un triangle, on met un œil au centre, on se met un chapeau sur la tête, on se serre la main avec le petit doigt tordu ou l’index relevé et on croit qu’on a touché à la vérité… !
En fait on en reste à cacher les choses, à vivre dans le non-dit, on en reste à la surface de la réalité sans s’engager jusqu’au cœur.
Et si ce n’était pas mauvais et tordu, ce serait au minimum ridicule.
C’est un mode d’esprit superstitieux.
La superstition s’arrête à l’apparence pour manipuler l’imagination et la sensibilité.
Notre religion catholique va tellement plus loin !
Elle va jusqu’à la réalité première, la seule vraie qui est le Christ.

Alors qu’est-ce qui se passe pour le Christ en croix ?
Le Christ ce n’est pas le serpent.
Le Christ n’a rien à voir avec le mal.
Et pourtant, il met en évidence sur la croix le mal des hommes.
La croix au-dessus de Jérusalem le jour où le Christ a été crucifié montre tout le mal que les hommes peuvent faire à un innocent.
Ce n’est plus un rite, c’est le cœur de la réalité que le Christ élève en lumière sur la croix.

Alors que se passe-t-il?
Le même phénomène que voulait signifier Moïse :
Par le mal exposé, mis en lumière non plus par une image mais par un innocent, nous avons le contre-poison… par cet innocent.

C’est absolument magnifique !
Nous avons une clé du mystère du mal et du bien, et surtout sa guérison.
Parce que le Christ nous a donné le sens, en présentiel, en réel, de ce que Moïse a pressenti en vision.
Et non seulement le Christ nous a permis de comprendre le désert purificateur, non seulement le Christ a la puissance de guérir nos corps, mais il a avant tout la puissance de guérir nos âmes en leur redonnant accès à la vie éternelle, c’est-à-dire à la vie divine qui seule peut nous donner le bonheur et la joie.

Donc vous voyez frères et sœurs, comment nous pouvons lire maintenant les textes de ce dimanche.
Il faut partir de la réalité accomplie par le Christ.
Quand Jésus dit qu’il n’y en a qu’un qui est descendu du Ciel pour remonter au Ciel,
Il signifie par là qu’il est le cœur du monde.
Il n’est pas simplement un symbole, ni même un ressenti.
Il est la réalité qui est le cœur du monde.
Et à partir de cette réalité qui est un sommet d’amour, sur la croix, tout s’explique.
Tout ce qui l’a précédé était de l’ordre du rite, prophétique.
Et maintenant le rite a changé de sens.
Maintenant le rite, c’est-à-dire principalement les sacrements, mais en fait tout ce que l’on vit au long de nos journées, tout devient le signe porteur de la réalité du Christ.
Tout prend du sens.
Tout est mis en lumière jusqu’à la fin des temps à partir du moment où le Christ est mort sur la croix à cause de nos péchés.
Chaque chrétien qui prie, qui souffre et peut-être même qui meurt dans la grâce de Dieu, est à la fois celui qui nous relie au Christ sur la croix et il est à la fois ressuscité avec le Christ.
Si l’on comprend cela frères et sœurs – et seul le chemin de l’amour nous permet de le comprendre – si l’on comprend cela, nous avons accès à la vie éternelle et nous sommes déjà ressuscités avec le Christ.
Et nous le serons dans la gloire du cœur à cœur avec Dieu.
Si nous comprenons cela le puzzle est complet.

Jésus nous révèle notre mal.
Sur la Croix.
Jésus nous regarde avec amour.
Sur la Croix.
Et alors, cela me rend capable de reconnaître mon péché.
Oui, je suis coupable !
Et je peux demander pardon.
Parce que je sais que mon péché peut être emporté dans le pardon et la résurrection du Christ.
Si je crois au Fils de l’homme qui m’aime, je peux croire à mon péché, je peux le reconnaître, et je peux croire à ma résurrection.
Je peux croire que je vivrai éternellement dans la vie éternelle ma plus grande joie !
Libéré.
Glorieux, avec toute l’Église, glorieuse.