Le chrétien réaliste
Bon alors…
Il semble qu‘on ait affaire à une parabole…
L’homme riche c’est qui ?
Est-ce Dieu lui-même ?
Le gérant c’est qui ?
Est-ce que ce peut être Jésus ?
Ou nous-mêmes, puisqu’on est quand même plutôt mauvais… ?
Habituellement, pour les paraboles on trouve des correspondances entre la vie
spirituelle et les images qui nous sont présentées.
Mais là, frères et sœurs, ça colle pas.
Jésus dans les évangiles est précis au millimètre près.
Dans chacune de ses paroles.
D’ailleurs, toute la Bible est ainsi.
Jésus dans chacun de ces gestes, des moments qu’il choisit pour agir, dans ses explications et dans ces silences, dans le choix des personnes, Jésus travaille dans la perfection.
Or, dans l’évangile d’aujourd’hui ça ne colle pas !
Le gérant est tordu de chez tordu.
Le maître félicite le jeu de malhonnêteté de l’escroc.
Qu‘est-ce que c’est que cette parabole véreuse ?
Saint Luc ne se serait-il pas trompé?
Mais attendez… Jésus n’a jamais dit que c’était une parabole !
à moins que ce ne soit une parabole de panier de crabes.
En fait, là, il fait simplement le constat des relations des fils de ce monde, affaires de duperies et de mensonges.
Jésus parle à ses disciples.
Mais ce qui n’est pas dans l’Évangile aujourd’hui, la phrase qui suit, c’est que les pharisiens entendent ce que Jésus dit.
Et vous allez comprendre..
Jésus, après, s’adresse à eux et leur dit : vous êtes, vous, de ces gérants boiteux, qui se donne pour juste aux yeux des hommes mais vous êtes au service du diable
Vous êtes de ces fils du monde qui sont plus habiles que les fils de lumière.
Plus habiles dans vos manipulations et vos escroqueries.
Effectivement, la spécialité des chrétiens, des hommes de Dieu, peut-être même je dirais de l’Église, n‘est pas l’habileté.
Le monde se rit et profite de cette pauvre Église qui ressemble parfois dans ses enfants, à l’Albatros de Victor Hugo. Maladroite en ses affairesBref, revenons à l’Évangile…
Jésus décrit une situation où tout le monde essaie de tirer son épingle du jeu.
Tous les coups sont permis.
Le gérant est incompétent, il est menteur, paresseux, orgueilleux. Mais il est habile…
Selon les méthodes du monde.
L’homme riche se satisfait de l’entourloupe de son gérant qu‘il met à la porte.
Donc de la part du Christ, c‘est un constat du mensonge ambiant qui règne.
Mais à un moment donné, il y a un changement de point de vue.
Le Christ prend la parole en son nom :
« eh bien moi je vous le dis…»
Ça y est, là, il envoie la lumière…
« faites-vous des amis avec l’argent malhonnête…»
Autrement dit, cet argent pourri n’en n’ ayez pas peur.
Utilisez-le en l’orientant vers le Royaume des Cieux.
C’est pas celui qui utilise l’argent qui est malhonnête c‘est l’argent lui-même, qui est trompeur.
Il peut nous servir si nous-même nous ne lui sommes pas asservis.
Quand on le retient ça veut dire déjà qu’on lui est asservi.
Donc, après avoir fait un portrait désastreux des relations des fils de ce monde, Jésus pose ses bases de vertus.
«Celui qui est digne de confiance dans une petite chose sera digne de confiance dans une grande.»
«Celui qui malhonnête dans une petite chose ( qui vole un œuf…) sera malhonnête dans une grande ( il sera capable de voler un bœuf)».
Alors je voudrais revenir sur cette constatation de Jésus, que les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.
De la part de Jésus ce n‘est pas une critique c‘est simplement une constatation.
Que les fils de la lumière ne soient pas habiles dans les affaires du monde, hé bien.. tant pis, faisons avec. Mais qu‘ils ne soient pas habiles dans la vérité et ne soient pas réalistes, ça c‘est autre chose. Et ça c´est très gênant.
Très gênant pour l’Église.
Que l’Église soit maladroite, qu’elle se emmêle les pinceaux, que parfois elle patauge même…
On peut le regarder avec un doux sourire et compassion.
Parfois avec douleur. Mais que les chrétiens ne soient pas réalistes, c’est un péché.
Je dirais… pire ! C’est un contre témoignage.
Parce que notre Dieu est le Dieu du réel.
Et notre Dieu nous a fait avec des yeux en face des trous, normalement.Or qu’est-ce qu’on constate ?
Que beaucoup de chrétiens ne se suffisent pas de la vérité, de la vraie réalité, qui peut être parfois, et même souvent, abrupte, insuffisante et frustrante.
Quels sont nos défauts fréquents ?
D’un côté il y a les doux.
Les défauts des doux.. Le rêve.
Les doux chrétiens confondent la charité avec la douceur, l’espérance avec une
sorte de rêve idéaliste; vous savez ce rêve de la paix, de la fraternité où tout le monde se tient par la main.
Appuyé tout cela sur un sentiment vague d’une présence qui les protégerait et qu’ils appellent la foi.
Mais ce n’est pas la réalité.
La communion chrétienne n’est pas une caresse de petite fille sur le bras de sa copine. C’est une union avec un Sauveur sacrifié, crucifié par ceux qui sont aux prises avec
le démon.
Le rêve, il est à des années-lumière de la croix.
Frères et sœurs, nous sommes en lutte contre l’esprit du mal qui est le Prince de ce monde.
C’est ça la réalité.
Et nous mourrons sur la croix pour suivre le Christ-lumière jusqu ‘à sa résurrection. C’est ça la réalité.
Elle nous dépasse. Si on n‘a pas la grâce c’est impensable à vivre, mais en tout cas c’est ça la réalité.
Et puis il y a les chrétiens collaborateurs.
Les collabos d’avec le monde.
Ceux qui arrivent à servir à la fois Dieu et l’Argent.
Ou bien Dieu et la gloire.
Certains arrivent même à servir Dieu et la malhonnêteté.
Oui oui c‘est vrai! on peut y arriver !
On est un escroc, on travaille au noir, on filoute la société ou les impôts, ou on est tout simplement un mafieux, et on prie la Sainte Vierge.
On peut même aller à la messe.
Il y a plus subtil aussi.
On a notre religion mais faut pas qu‘elle freine notre réussite dans le monde. … faut pas qu‘elle nous prive de notre fauteuil et de notre télé et peut-être aussi de notre petit café après le déjeuner.
On va avoir le discours peut-être même l’apparence mais c‘est pour tromper la réalité.On ne peut pas servir à la fois Dieu et son fauteuil, et sa promotion dans le travail,
et l’abrutissement devant la télé, et les satisfactions du ventre et du bas-ventre.
On ne peut pas servir à la fois Dieu et nos émotions, et nos affections.
Avant de devenir péché c’est un manque de réalisme.
Qui devient péché oui, quand on se met à préserver nos intérêts contre Dieu et contre nos frères.
Mais ça, on ne le dit pas. On ne le montre pas.
Il existe une autre espèce de chrétien qui n‘est pas réaliste et par conséquent qui réduit de façon désastreuse le témoignage de l’Église.
Cette espèce n‘est pas si rare que ça.
C’est le chrétien superstitieux.
Le chrétien qui se sert de sa foi pour vivre de piété superstitieuse.
Ça veut dire qu’il va chercher des révélations, ou simplement des
correspondances ou des grâces, pour les posséder à son profit.
Qu’elles soient vraies ou fausses ça ne l’intéresse guère d’ailleurs
Et cela est très néfaste pour une croissance spirituelle.
Il va s’attacher par exemple à tel ou tel objet telle ou telle médaille, il va voir des correspondances dans tel événement, bref il va essayer de se rassurer quelquefois
même de se faire peur, agrémenté de magnifiques prières teintées de superstition
qui n‘ont rien à voir avec la relation intime avec notre Dieu et Sauveur.
Chrétiens souvent inquiets ou irritables, ou encore plus simplement, malades.
On ne peut pas servir Dieu et notre imagination.
Dans ces cas-là, on s’attachera à l’imagination et on vivra dans l’illusion.
Quand je dis imagination je pense aussi à notre sensibilité à nos émotions, à nos souvenirs.
Et puis, il y a les chrétiens agressifs.
Agressifs dans le sens de volontaires , mais qui déplacent le cœur de la foi dans une réalité qui n’est pas celle du cœur de la foi.
Chrétiens idéalistes, qui ne s’attachent pas au Christ, premier servi, mais à une cause.
Une cause très noble, humanitaire, qui n‘est pas mauvaise mais qui devient la lumière principale de leur vie en cachant la lumière du Christ.
Ils oublient la toute puissance de Dieu.
Chrétiens qui se focalisent sur une amélioration du bonheur terrestre.
Lutte pour la justice sociale.
Et c’est très bien.
Lutte pour la vie, pour l’éducation… et Dieu sait si on a besoin d’être vigilant…
Lutte pour l’égalité, n’importe quel égalité, c‘est un slogan qui fait bien…
Dieu n‘a rien fait dans l’égalité.
Lutte pour la survivance de notre terre.Et c’est très bien.
Lutte pour mieux manger, pour mieux respirer, pour être mieux logé, pour mieux circuler, pour mieux baiser, enfin pour tous les mieux possibles.
Et c’est très bien….
Mais il se fait une confusion avec ce que nous demande Jésus.
Jésus a dit :
« Chercher le royaume de Dieu et le reste vous sera donné par surcroît.
Or celui qui ne cherche pas le Royaume de Dieu, premier servi, n’»
est pas réaliste. Il est pollué.
Il n‘est pas réaliste sur son bonheur.
Il va chercher la paix qui ne sera pas la paix du Christ.
Son amour sera un faux amour, pas la charité du Saint Esprit .
Il va chercher à aider son frère et il va le rendre plus mauvais que lui.
Il s’imaginera trouver son salut, mais il ouvrira des chemins de perdition.
Mais alors… Comment reconnaître le chrétien réaliste ?
Facile…
C’est celui qui proclame par ses paroles et par son cœur et par ses actes, Tout autre sacrifice étant valable, que: « il n’y a qu´un seul Dieu. il n’ y a qu’ un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, le Christ Jésus qui s’est donné lui-même en rançon pour tous.»
Ce n‘est qu’à partir de lui que toute prière sera bonne et agréable.
Et que nous libérerons nos intentions des rêves et des déviations..
Qu’on deviendra plus réaliste et plus témoins de notre foi.
Nous ne serons pas plus habile sur terre mais ajusté à la vie éternelle.
Bon, cette homélie a été un peu longue;
je rêve encore que les mots peuvent changer les cœurs.