Première lecture : les Actes des Apôtres.
L’Évangile : l’Évangile selon saint Luc.
Tiens… qui a écrit les Actes des Apôtres ?
Il ne s’en cache pas. C’est Luc.
C’est le même Luc.
Qui nous donne une leçon.
Une leçon de lecture de l’Ecriture Sainte et d’Esprit Saint.
Luc, le médecin, historien, méticuleux.
Compagnon de Paul, mais ça c’est une autre affaire.
C’est Luc, et lui seul – ça montre l’application qu’il a mise dans sa recherche – lui seul qui relate l’enfance de Jésus.
Donc… Luc conclut son Évangile par le récit de l’Ascension.
Dernier acte de l’Évangile selon saint Luc :
‘ Jésus prend les apôtres. Il les emmène sur la colline en direction de Béthanie, à l’est de Jérusalem. Il leur parle. Les bénit. Et disparaît pour toujours. Ou presque, puisqu’il reviendra. Mais enfin, il y a encore un peu attendre, puisque c’est à la fin des temps.
Il les bénit et ils repartent tout joyeux annoncer la Bonne Nouvelle, l’immense nouvelle, la nouvelle de la fin des temps et de la lumière divine sur le monde.’
Voilà comment se termine l’Évangile écrit par Luc.
Et puis Luc a envie de raconter ce que lui-même a vécu de près, lui et ce que lui a raconté Paul.
Et il fait une introduction aux Actes des Apôtres.
Et il reprend le même épisode.
Le départ de Jésus.
L’introduction des Actes des Apôtres c’est la conclusion de son Évangile.
Mais il l’écrit différemment.
Sa conclusion était toute simple.
Son introduction des Actes des Apôtres est plus douloureuse. Et plus travaillée.
Avec des nuances qui vont rebondir sur ce que sera le vrai départ, c’est à dire la fête de la Pentecôte.
Et là, le tuilage entre les deux textes ne se fait pas complètement.
La petite promenade vers Béthanie, elle n’existe plus.
C’est au cours d’un repas que Jésus va partir.
La joie chez les apôtres, elle n’existe pas non plus.
Il va falloir attendre plusieurs jours, la venue très spéciale de l’Esprit Saint, qui va être le baptême de l’Église.
Au contraire, les apôtres sont inquiets, et même, ils ne comprennent pas.
Et même, dans les Actes des Apôtres, les disciples ne sont pas encore ajustés à la grâce de Dieu.
Qu’est-ce qu’écrit Luc dans l’Evangile … ?
« il les bénit. Ils se prosternent devant lui,
puis ils retournent à Jérusalem, en grande joie. Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu. »
Très bien, et dans les Actes ? :
« Seigneur, demandent-ils, est-ce maintenant le temps
où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Jésus leur dit: « ce n’est pas fini.
Vous ne comprenez pas encore, mais ça va pas tarder. »
Et puis deux hommes, deux anges, finissent de les secouer en leur disant :
« bougez-vous ! c’est bon… il n’y a plus rien à voir, retournez chez vous »
Le même événement, traité très différemment par le même témoin, Saint Luc.
En raccourci pour l’Évangile. Tout en finesse psychologique dans les Actes des Apôtres.
Ce qui nous intéresse ce n’est pas l’analyse, c’est le passage de la grâce de Dieu à travers ces textes.
Et le passage de la grâce de Dieu à travers ces textes, c’est le passage de l’Esprit Saint à travers nos yeux et à travers notre cœur qui nous le garantit.
Ça c’est beau, c’est grand.
Ça nous indique comment lire la Bible.
On lit la Bible en étant aux aguets non pas du sens logique, mais du passage de Dieu.
( ça veut pas dire que le sens logique est absurde, mais il permet simplement la respiration de l’Esprit, jusqu’aux poumons de notre intelligence )
Et c’est à ce moment-là que l’Esprit Saint peut envelopper et irriguer notre cœur, notre cerveau.
Alors je voudrais simplement rebondir sur la question des apôtres à Jésus ressuscité.
« Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le royaume pour Israël ? »
Les apôtres ont encore dans la tête une conception qui n’est pas finie, une conception erronée de la mission et de la personne de Jésus.
Alors qu’ils ont vécu plusieurs années avec lui !..
Erronée parce qu’ils cherchent quelque chose d’établi.
‘Rétablir le royaume’…
Ils n’ont pas compris que le royaume, il est déjà là.
Que le Royaume des cieux ne ‘s’établit’ pas.
Que le Royaume des cieux, c’est un flot qui inonde invisiblement les cœurs.
Première erreur.
Et deuxième erreur :
‘Pour Israël’…
Ils n’ont pas compris, et ce sera la douloureuse et bienheureuse découverte de Paul, que la grâce de Dieu est devenue universelle.
Elle est pour toutes les nations.
Et que la Bonne Nouvelle du pardon des péchés, de la Résurrection glorieuse du Christ, de l’union à Dieu, elle n’est pas pour Israël, en tout cas elle n’est pas pour Israël d’aujourd’hui, elle est pour tous les pauvres de toutes les nations. Pour les pauvres uniquement, et certainement, pour Israël, quand il sera devenu pauvre… à la récapitulation de l’Histoire.
La Bonne Nouvelle, elle est pour tous ceux qui demandent pardon.
Et bien ça, les apôtres, ne l’ont pas compris.
Et Jésus une nouvelle fois avec douceur, leur dit qu’ils sont trop petits, trop courts dans leur vision.
Et que le baptême de l’Esprit Saint, ( la confirmation, c’est un baptême d’Esprit Saint), que les dons du Saint Esprit vont achever en eux la compréhension du mystère divin, la beauté de la présence de Dieu pour l’Église, et la grandeur du souffle de la grâce.
Et c’est pour ça que le départ de Jésus doit ouvrir à une nouvelle joie, qui n’est pas immédiate dans les Actes des Apôtres.
Parce que, vivre avec Jésus, c’était un premier baptême, mais les apôtres ont encore le nez dans le guidon.
Retrouver Jésus par l’Esprit Saint, c’est la dernière libération.
Et cela nous donne une leçon à nous, aujourd’hui.
On n’est pas chrétien parce qu’on est chrétien.
On peut être un chrétien qui n’a pas encore tout compris.
Un chrétien qui s’accroche.
À quoi ?
À une grâce dont nous ne voulons pas nous déposséder, qui devient une grâce fossile.
À une image de chrétien que nous pensons avoir ‘acquise’, ‘établie’. (!)
Acquise par nos dévotions.
Acquise par les sacrements.
Ou même par notre fidélité.
Acquise par notre savoir de certaines vérités.
Acquise tout simplement parce que nous faisons partie, – en tout cas nous le croyons – de l’Église.
Et en fait nous n’avons rien compris.
Il nous faut perdre nos sécurités pour que l’Esprit Saint vienne enflammer nos cœurs du don de son amour.
Le moment où les apôtres voient Jésus s’en aller au Ciel, c’est le moment le plus triste, où ils perdent tout.
C’est le moment où ils doivent mourir de tout ce qu’ils ont vécu pour que ressuscite la joie de l’Église naissante.
Notre vie chrétienne, notre vie d’Eglise aujourd’hui, à nous, bons chrétiens qui venons à la messe le jour de l’Ascension, on peut se dire qu’elle n’est achevée dans la joie de l’Église, que si on admet de faire l’expérience de la perte de quelque chose dans notre vie.
Si on a fait l’expérience d’un échec, d’une mort, l’expérience du mystère de l’incompréhension pour un amour qui nous était promis ou cher.
Mais ça ne suffit pas…
Cette expérience doit être illuminée par l’Esprit Saint.
Alors oui, nous sommes l’Église… si nous sommes sortis de cette conception figée de la vie chrétienne, qui est une tentation à la stérilité, pour être vacciné par l’Esprit Créateur, l’Esprit Défenseur, l’Esprit de liberté et de force, l’Esprit de la joie de l’amour.
Ce fut peut-être le plus constant message de notre Pape François.
De libérer l’Église par l’abandon de ses rôles établis.
Quand l’Esprit Saint frôle notre cœur de sa pureté d’amour, alors notre cœur est blessé et brûlé, mais il est devient force et lumière de l’Église du Christ pour toutes les nations.
Nous devenons alors de véritables témoins.