Les apôtres sont avec Jésus, et ils demandent que leur foi augmente…
Être avec Jésus physiquement, entendre ses paroles, ne leur suffit pas.
Peut-être même est-ce un inconvénient d’être trop proche de lui ?
Parce que l’aspect ‘ beauté morale ‘ et même ‘ beauté physique ‘ de Jésus devait captiver ceux qui l’approchaient.
Et favoriser un plaisir humain, un bien-être trop humain qui nuisait à l’acte de foi.
Remarquons que Jésus prend pour la foi la même image que pour le Royaume des Cieux.
Une graine de moutarde… la plus petite des graines, qui peut donner un grand arbre.
Qu’est-ce que c’est que cette graine dans notre esprit, qui ne pèse rien, et qui peut transporter des montagnes ?
Et surtout comment peut-on la faire grandir ?
On a la foi ou on ne l’a pas ?
Si on avait simplement cette petite graine, dit Jésus, on arriverait déjà à déraciner des arbres…!
Qui, dans cette église, ce matin, a un gramme de foi…?
Bon alors, je vais essayer de décortiquer ce phénomène mystérieux qui s’appelle la foi.
Qui peut augmenter;
Qui peut donc aussi diminuer;
Et qui peut être agissante d’une force redoutable.
La foi qu’est ce que c’est ?
Ça commence comment ?
Certains diront c’est un sentiment qui se rapproche de la confiance.
Peut-être qu’il y a un peu de ça quand on parle d’une relation naturelle qui peut aller jusqu’à l’amitié.
‘ j’ai foi en toi !’. c’est un beau compliment.
Seulement voilà, dans une dimension religieuse, de vie intérieure, la foi ne s’attache pas aux sentiments, ni même à la sympathie.
La foi théologale est une intuition plus profonde que le ressenti sensible.
La foi est une certitude.
Qui surgit d’une vérité reçue ou d’une présence.
La foi théologale c’est une présence qui se fait vérité, certaine, et saisie par une intuition qui est une grâce, c’est à dire qui nous est donnée, indépendamment de nous. On ne sait pas comment, mais ça demande notre accord.
Vous allez me dire :
Pourquoi alors les apôtres parlent de croissance ?
On a la foi ou on ne l’a pas !
On a cette intuition ou on ne l’a pas.
Oui c’est vrai.
Il y a un premier mouvement de foi, surnaturel, qui jaillit du cœur de nous-même dont on ne peut pas douter sur le moment.
De la même façon qu’on ne peut pas douter de notre vie,
ou de l’existence du soleil quand on ouvre les yeux.
Mais qu’on peut refuser et rester athée.
Et là, il n’y a pas place pour du plus ou du moins.
Cependant, ce pur jaillissement d’une lumière qui envahit les profondeurs de notre âme a besoin d’être nourri pour ne pas être feu d’artifice qui se dissipe dans la nuit.
Dans le biberon de la foi, il y a deux ingrédients absolument indispensables.
Imaginons quelqu’un, un garde forestier, qui revient en courant au village, et qui, essoufflé et tremblant, entre chez lui et dit à sa femme :
‘J’ai rencontré un ours !’
S’il décrit simplement un grognement derrière les buissons, son épouse va se moquer de lui.
‘ mais mon brave Gaston. – en fait il s’appelait Gaston effectivement – entendre un grognement dans un buisson ce n’est pas rencontré l’ours !
Il faut avoir vu l’ours pour parler d’une rencontre.
Et si Gaston lui dit : ‘ Mais oui ! il faisait deux mètres de haut, avec des petits yeux, il se léchait les babines, il remuait ses pattes avant comme si j’étais déjà dans son assiette…’
Alors là, Simone – son épouse s’appelle Simone – elle va commencer à le prendre au sérieux.
Quel rapport avec la foi ?
C’est très simple.
Le grognement c’est la première intuition de la grâce qui vient toucher l’oreille de notre cœur.
Mais qui peut disparaître aussi vite qu’elle s’est produite.
Alors, il y a les petits malins qui veulent que l’ours sorte de son buisson. C’est quand même mieux !
Pas pour la tranquillité de Gaston, mais pour la certitude qu’il ferait bien de courir !
Et bien, la foi doit adhérer à des vérités qui sortent de derrière les buissons.
Le jaillissement de l’intuition trouve sa consistance quand on reçoit des vérités qu’elle va illuminer par l’intérieur.
Combien j’ai rencontré de personnes qui me disent :
‘ j’ai la foi ‘…
Très bien !
Mais leur foi est une sorte de nébuleuse sans vie; elles ont le ressenti d’une bonne étoile, d’une Providence protectrice et très générale.
Elles ne vont pas plus loin. Ça risquerait de les engager trop.
Leur foi ne leur donne pas de vérité.
Simplement du ressenti diffus.
Ça leur permet peut-être de dormir une heure de plus chaque nuit, de savoir qu’il y a quelque chose de favorable au milieu de leurs malheurs ou de leurs épreuves.
Ils ont une foi informe et floue qui est souvent un sentiment, rempli d’illusions qui les arrangent, pour se rassurer.
Quand les apôtres demandent : ‘ augmente en nous la foi !’ il ne parle pas de cette foi sentimentale qui peut s’évanouir dans les difficultés.
En fait, la foi que demande Jésus-Christ, la foi chrétienne, peut augmenter, en précisions, en profondeur de vérité, en compréhension des mystères qu’elle révèle comme à travers un voile.
Mais il faut recevoir cette grâce, lumière après lumière, pour clarifier notre esprit qui reste pourtant dans la nuit, la nuit de la foi.
Lumières après lumières doivent être reçues par tout notre être depuis l’intuition jusqu’à notre raison qui n’est pas très contente de rester dans ses limites.
Le pur mouvement de la foi réclame de recevoir de l’Église la vérité des mystères.
Si l’on ne reçoit pas ces vérités de l’Église, nous restons soit dans un flou fragile et nocif, et c’est le fond commun de notre société, troupeau aveugle et manipulé, soit dans les idées fausses, qui peuvent aller de l’ésotérisme empoisonné, aux fantômes un peu débiles, à la superstition, ou un peu plus évoluée mais non moins dangereuse, à l’hérésie qui va amputer notre esprit et notre vie.
Donc nous pouvons grandir dans la connaissance de notre foi.
Mais ce sera toujours en recevant la grâce de Dieu, première, et illuminatrice.
On peut lire la Bible de long en large ou écouter multiples prédications, si l’on n’a pas la grâce illuminatrice, tout cela restera stérile.
Mais je n’en ai pas fini avec la croissance de la foi.
Parce que, Gaston, il peut bien décrire les dents de l’ours, ses yeux, ses griffes, et sa fourrure un peu plus blanche sur le ventre que sur le dos… Simone le croira beaucoup plus s’il a une balafre qui lui descend du visage jusqu’en bas du dos.
Si Gaston s’est battu avec l’ours, alors là, c’est un vrai témoignage.
On peut même appeler Paris Match.
Vous voyez, frères et sœurs… la foi peut augmenter en certitude et en densité.
À quoi correspond cette bataille avec l’ours?
C’est très simple.
C’est que notre foi, ce jaillissement intuitif vers la lumière, vers des vérités, elle ne trouve son achèvement que si elle atteint son objet, qui est Jésus-Christ, Dieu amour, une Personne, qui nous invite à une relation d’intimité.
Et donc… la bataille avec l’ours, c’est l’amour de Dieu qui passe dans nos œuvres. c’est la bataille de Jacob avec Dieu, dans la nuit.
Je ne peux pas croire en un Dieu amour si cet amour ne me transforme pas de sa tendresse, concrètement, et si je ne lui réponds pas par l’amour de mon cœur.
Je dois me laisser griffer par l’amour de Dieu.
Et là, oui, je peux augmenter en foi et en charité, à l’infini.
Jusqu’au don de moi-même.
Au don permanent de moi-même.
Quand j’aurais gardé les bêtes, je veux continuer à servir Celui qui m’aime.
Et le servir, c’est ouvrir mon cœur à sa louange, c’est ouvrir mon cœur à sa rencontre, c’est répondre à son amour par mon amour permanent et fidèle.
Alors oui, la petite intuition de la foi – qui demeure – peu illuminer mon esprit d’un horizon à l’autre de la présence de Dieu.
Et je peux rejoindre Dieu en lui-même, dans une fidélité persévérante, fidélité aux vérités de la foi dans toute sa beauté, avec l’aide de l’Esprit Saint.
Et si je rejoins Dieu par la foi, je vivrai de la force de Dieu jusqu’à la croix et jusqu’à la résurrection.
En fait, jusqu’à la vision jouissive, immédiate, nue, de Celui qui me sauve.
‘ Seigneur, augmente en nous la foi jusqu’à la vision ‘
Fais-moi rencontrer l’ours jusqu’au contact de sa fourrure dense.