Troisième Dimanche ordinaire – B – 2024

Sensibilité

 » Va à la grande ville païenne… « . C’est très curieux cette injonction de Dieu à Jonas… Parce que Dieu a largement assez à faire, d’habitude, pour essayer de convertir
son peuple prédestiné. Le peuple hébreu. Et là, Dieu veut convertir des païens. Le plus fort, c’est que ça va se faire. Le livre de Jonas n’est peut-être pas historique – sûrement pas – mais que veut il
dire ?
Je ne vais retenir qu’un aspect qui m’intrigue. Ninive, son roi et tout le peuple, se convertit. Quel est le déclencheur de ce revirement moral et spirituel ?
La peur ? Peur d’une vengeance divine qui reproduirait le scénario de la destruction
de Sodome et Gomorrhe ? … Ou bien serait ce par intelligence que Ninive se convertit ? ‘Tant qu’à faire, il vaut
mieux qu’on change. On a tout a y gagner…’ Ou encore, par fatigue d’une vie morale déconstruite ?
Je n’en sais rien. Mais quelle que soit la raison où la grâce de Dieu était déjà là, Ninive a été sensible
au message de Jonas. Pour se convertir, il faut être sensible. Il faut qu’il y ait en nous des cordes qui vibrent. Le message de Dieu, sa voix, sa douce voix, ne touche que les cœurs qui sont
sensibles. Et j’ajouterai : humbles. C’est l’avertissement de l’ange, dans le livre de l’Apocalypse à l’Eglise de
Laodicée : « Je sais que tu es ni froid ni brûlant . Alors je te vomis de la bouche…  » Le pire, c’est de s’installer dans la tiédeur.. Éviter les situations d’effort, se
laisser désensibiliser. Tout n’est pas gagné par notre sensibilité intérieure, parce qu’il y a des
sensibilités dispersées, certaines aussi détournées ou orgueilleuses. Et enfin des sensibilités bloquées, refoulées. La sensibilité dispersée est ce qui me fait le plus de peine pour les jeunes. Les jeunes sont sensibles. Ils n’ont pas usé leur capital sensibilité en des chemins sans issue. Les jeunes ont toujours envie de lâcher les fauves. Et en cela il y a quelque chose de magnifique en eux.

Alors que les anciens cherchent plutôt à calmer les fauves, à les garder en cage. Mais l’inconvénient pour les jeunes, et pour les anciens immatures aussi, c’est qu’ils sont prêts à croire tous les messages nouveaux, du moment que ça pétille. Et leur sensibilité se disperse. Elle se disperse dans les divertissements. Par curiosité, par une sorte de démangeaison que les médias nourrissent. Pour les jeunes et pour les anciens immatures. Notre monde est mauvais et favorise cette dispersion qui fatigue leur sensibilité. Et principalement leur sensibilité spirituelle. Le deuxième défaut est moins grave. Il peut être plus catastrophique, mais il est moins grave. Ce sont des chemins détournés. Les chemins qui ne visent pas juste. On investit alors notre sensibilité dans une recherche qui nous laissera sur notre
faim. Un idéal trop court ou mal orienté. Une recherche d’excellence, mais sur des bases fausses, de mauvaise philosophie
ou d’ésotérisme poison. Parfois de franc maçonnerie ou de pratiques New âge. Notre esprit et nos forces seront diminuées, mais notre sensibilité peut rester
vive, ouverte. Et j’ai envie de dire aux jeunes :  » n’ayez pas peur. Vous allez vous tromper, mais ce n’est pas grave. Visez loin. Car l’appel de la vérité pourra toujours faire vibrer votre cœur. L’échec, même s’il est humiliant, est source de grâces, parfois magnifiques. Il y a aussi la sensibilité bloquée. Où quelqu’un est sensible, mais ne peut supporter aucune remarque. On ne peut pas l’approcher car c’est toujours dramatique. D’aussi loin qu’on le frôle d’une petite plume de remise en cause, il y a des
cataclysmes qui grondent pour la paroisse et la terre entière. Plus personne n’ose faire la moindre petite remarque. C’est très dommage, parce que ces personnes font le vide autour d’elles, même si
elles cherchent à faire beaucoup du bien. La question n’est pas de faire du bien ou du mal dans ce cas-là… La question serait d’ouvrir sa sensibilité à l’humilité. Dieu voit les cœurs…. Ceci dit, au-delà de ces défauts, revenons à Ninive et aux apôtres. Conversions
réussies. C’était des pêcheurs. Mais des pêcheurs sensibles. Ils attendaient le poisson.

Avec l’effort persévérant. Mais leur cœur attendait un autre épanouissement, aux dimensions d’une Providence qui leur restait inconnue. Jésus dit ‘bienheureux les pauvres’. Parce que les pauvres ont un cœur ouvert. Les riches ont un cœur endormi, fatigué. Et beaucoup de chrétiens ont perdu de leur sensibilité. Le feu d’amour, le sens du sacré, le sel de leur âme. Ils avancent dans leur foi, à petite vitesse. En ce moment où je parle, certains parmi vous accueillez ce que je dis, avec
l’appétit de la grâce de Dieu. Pour d’autres, vous accueillez des mots, dans un brouillard tamisé qui ne rejoint pas
la réalité. Or, dans l’appel des premiers disciples, mais en fait de tous les disciples, et dans cet appel que Jésus nous fait à chacun de nous, il y a quelque chose de fabuleux. Jésus prend l’effort que nous développons et s’il est porté par une sensibilitégénéreuse… Jésus provoque même cet effort et lui donne une nouvelle lumière. La lumière de la grâce. Jésus ne va pas faire d’un architecte de blockhaus un compositeur de symphonie, mais il peut en faire un bâtisseur de cathédrale. Quand Jésus appelle les disciples, il unifie leur vie et la rehausse. Et la sensibilité des disciples va trouver un affinement ouvert sur l’éternel. C’est ce qui se passera bien entendu pour la conversion de Saint-Paul. Il va donner à son message des dimensions universelles. Et dans le petit passage que nous avons lu de l’Épître aux Corinthiens Saint-Paul
nous livre le secret de sa foi. Si vous vivez cela, c’est-à-dire tout ce qui peut vous plaire ou vous faire de la peine, sachez que la grâce surélève votre peine et votre joie. Et cette grâce vous décentre de vos expériences immédiates. Où est elle ?
Nul ne le sait.  » L’Esprit souffle où il veut. On ne sait ni d’où il vient ni où il va…  » Mais ce que l’on sait, c’est que derrière le rideau, derrière le rideau de notre
conscience, de notre sensibilité, il fait grandir une vie intense en notre âme, une joie indéracinable. Vous voyez, frères et sœurs, la vie de la grâce, c’est-à-dire en fait l’amour que
Dieu nous porte et nous transmet, elle nous promet un épanouissement 10000 fois
plus riche et correspondant à notre nature, que tous nos ressentis et toutes nos cogitations, tous nos bavardages seul ou avec les autres, et nos projets…Mais Dieu a besoin de poser cette grâce, insaisissable pour nous, dans un vase qui vibre de désir. Et pour que notre vase vibre de désir et de sensibilité intérieure, il faut qu’il soit unifié. C‘est le grand effort d’un chrétien pour notre temps : S’unifier. Dieu aime les cœurs pauvres et unifiés, c’est-à-dire dirigés sur un seul désir. Ce peut-être un désir fou, à la limite ce peut-être un désir faux, mal défini, – Dieu rectifiera – mais de toute façon ce doit être un désir qui veut aller au-delà. Le pire dans le chemin de Dieu, dans le chemin du bonheur tout simplement, c’est quand le désir s’affaisse, quand il se décourage, quand il prend une voie de garage. Et c’est pour cela qu’il faut pousser le désir quand on est jeune. Car avec l’âge, la tendance naturelle préfère davantage la prudence au désir. Affaires de blessures, affaires de lassitude. ‘ que celui qui est blessé vive comme s’il n’était pas blessé. Que ceux qui pleurent, que ceux qui rient, comme s’ils ne pleuraient pas, ne riaient pas…’ Évidemment, le plus dur c’est que ceux qui vivent avec une femme soient comme
s’ils en avaient pas. Mais rien n’est impossible à la grâce de Dieu.

Deuxième Dimanche ordinaire – B – 2024

Ame et corps
Cet appel des disciples est un sommet. Du cristal.
C’est un appel silencieux…
Jean le Baptiste dit simplement :  » voici l’Agneau de Dieu ».
Sur cette parole, une demi-douzaine d’hommes vont engager leur vie, entière, jusqu’à la mort.
Imaginez, frères et sœurs… je vous dis :
 » voici l’Agneau de Dieu, en désignant quelqu’un qui passe… »
Est-ce que vous êtes prêts à tout lâcher pour le suivre ?
C’est ce qu’on fait les disciples.
‘Jésus va et vient au bord du Jourdain.’
Il y a eu des regards échangés…
Et voilà que deux hommes vont suivre Jésus sur simplement 4 mots :
 » voici l’Agneau de Dieu »
Et le sommet se trouve dans cette première journée avec le jeune maître.
 » où demeures-tu ? »
‘ ils virent… Et restèrent auprès de lui ce jour-là’
‘ nous avons trouvé le Messie’.
Ils sont restés scotchés.
Et pourquoi c’est un sommet ?
Parce que ces deux disciples puis ces 4, 6, 12, ont compris leur vie éternelle.
La vie éternelle c’est de rester auprès de lui.
Et rien plus.
Il n’y a pas eu de demande.
Il n’y a pas eu de dialogue contradictoire.
Pas eu d’énigme à résoudre.
Il fait bon rester auprès de Jésus.
C’est tout.
Ils se donnent.
Nous touchons là au cœur de Dieu. La gratuité.
Dieu aime donner pour se donner.
Et l’homme doit mettre toute une vie pour comprendre cela.
Pour arriver à cette gratuité du don.
Et c’est de ce don gratuit qu’émerge la fécondité.
Celle de l’esprit avant tout, mais pas uniquement.
Celle du corps suit le même mouvement. Plus pauvre, mais similaire.
Il y a fécondité, quand l’homme pose ses valises de bénéfice et d’intérêt pour soi.
Et la joie suit de très près la fécondité.
Il faut toute une vie pour comprendre la gratuité de l’amour de Dieu.
Et les apôtres l’ont compris au premier jour.

Voilà pourquoi c’est un sommet.
La vocation, l’appel de Dieu sur nous, inscrit au premier jour ce que nous devons atteindre… au dernier jour.
Une vocation n’a de cesse de retrouver et d’entretenir la folie qu’elle a provoquée au moment de l’appel.
 » Je me donne à toi. Me voici. Je ne retiens rien. »
 » parle, Seigneur, ton serviteur écoute »
Je voudrais rebondir maintenant sur la lettre de saint Paul aux Corinthiens.
Si loin des barbouilles de notre société.
Qu’y a-t-il de plus beau que le regard de Saint Paul sur le corps de l’homme, de la femme ? La vocation du corps :
‘ votre corps est sanctuaire de l’Esprit-Saint’
‘ Il est sacré parce qu’il vous est donné de Dieu. ‘
Voilà la plus merveilleuse dignité de l’homme…
Notre corps ne nous appartient pas, parce qu’il est reçu de Dieu et qu’il doit être donné à Dieu.
Et là oui… il y a beauté.
Quand le corps n’est pas reçu de Dieu, il devient matière à manipuler, à supporter, à doper.
Matière sensible peut-être, matière à plaisir, mais matière.
Si l’on ne reçoit pas l’autre ( son conjoint par exemple), en son âme et en son corps, comme un don de Dieu, il devient objet.
Objet dont on voudra, inconsciemment ou volontairement, briser la résistance ou l’opacité.
Mais si cette personne bien aimée est reçue en son corps et en son âme comme un don sacré de Dieu, alors oui, elle devient le chemin respecté pour un don et une fécondité.
Parce que je te considère comme sacré, mystère d’esprit et de personnalité, et en ton corps vase sacré de l’Esprit Saint, alors par le don de mon corps je peux féconder ce mystère, en beauté.
Si je reçois ton corps comme sacré, par lui j’attends le mystère de la vie éternelle en te donnant mon corps.
C’est en considérant le corps comme don sacré, qu’il prend sa signification conjugale de complémentarité pour une communion.
Si nous voulons posséder notre corps, (‘ mon corps m’appartient….!’), alors il n’est plus l’expression de mon âme et de ma personnalité.
Je ne sais plus ce que je signifie.
La conscience de moi-même se dérègle.
Je ne sais plus qui je suis si je ne reçois pas mon corps comme don sacré de Dieu.
Mon corps n’est pas à moi, il est… moi !

Je suis mon corps au même titre que je suis mon âme.
Quand on veut définir son genre soi-même, il y a une erreur fondamentale du rapport de l’âme et du corps. C’est une maladie de la conscience de soi.
Si mon genre est une option qui dépend de ma perception, inévitablement, je m’embrouille les pieds et je perds ma signification profonde.
Je perds la signification du don gratuit de Dieu.
Je ne comprends plus que je suis fait pour une complémentarité, et que cette complémentarité c’est la plus pure joie que Dieu a posé dans sa création.
Si je peux décider ou définir mon genre (masculin ou féminin ou non-binaire ou fluide…) ce n’est plus un genre, c’est une option. Comme d’être gros ou maigre, sportif ou addic à la télé, matheux ou littéraire.
Mon genre, masculin ou féminin, est indissolublement lié à mon corps et à mon âme.
L’homosexualité est une déviation du projet de Dieu sur la nature humaine. Déviation souffrante, je l’admets, mais déviation.
Car la complémentarité qui engage la sexualité implique une différence inscrite dans notre nature avant notre naissance, masculin ou féminin, dans notre corps et notre âme.
Cela ne m’appartient pas.
En fait c’est très simple.
Dieu m’a créé dans un mystère que je dois respecter pour trouver mon épanouissement.
Ce n’est pas de me trouver qui compte.
Ce n’est pas de trouver l’utilisation de mon corps qui compte.
Ce n’est pas de définir mon désir qui compte.
Car de toute façon je vais me tromper si je le prends par ce bout.
Ce qui compte, c’est de me recevoir de Dieu pour pouvoir me donner, avec mon mystère.
Ça ne peut se vivre que si on prie souvent et régulièrement.
Lorsque deux époux unissent leur corps, et par conséquent bien sûr leur âme, puisque leur corps est expression de leur âme, ( il n’y a pas de neutralité dans la sexualité, notre corps engage toujours notre âme) lorsqu’il y a union des corps, par l’expression d’un désir – masculin d’un côté et féminin de l’autre – c’est le mystère de deux âmes qui se rejoignent. Soit dans la lumière de Dieu, soit dans la fausseté d’un mensonge.
Et évidemment, nos corps ont toujours une signification par rapport à l’autre.
Le masculin ne se définit pas en soi, mais par rapport au féminin, et réciproquement.
Même si l’on est consacré à la chasteté pour le royaume de Dieu.
En ignorant le mystère de Dieu, notre corps tombe dans la neutralité de la matière.
Un corps qui n’est considéré que matière devient le champ de bataille de notre sensibilité et du plaisir qui appartiennent au côté matériel de nous même.

Alors, évidemment, il y a un autre élément qui contrarie le langage du corps :
la morsure du péché.
Notre corps et notre âme, à cause du péché, ne peuvent plus trouver d’harmonie parfaite qu’ils désirent pourtant.
Ils s’amusent à se tromper l’un et l’autre.
Seule, la grâce du Christ nous permet de rétablir l’harmonie.
Autrement dit, un couple qui n’est pas marié à l’Eglise ne trouve pas sa signification ultime.
Il n’a pas accès à la gratuité d’amour que Dieu a inscrit au profond de la complémentarité de l’homme et de la femme.
Un couple qui n’est pas marié à l’Eglise ( et j’ajouterai, qui ne prie pas) joue un jeu de couple, mais ne peut pas être comblé jusqu’aux profondeurs de sa nature.
La grande question, et même le grand problème dans la rencontre d’un homme et d’une femme, ce n’est pas de découvrir l’autre, de le comprendre mieux, car à ce moment-là il serait beaucoup plus facile d’être homosexuel.
Ce n’est pas de découvrir l’autre, c’est de respecter l’autre dans son mystère de complémentarité qui nous appelle au secret de sa différence.
Et là, la foi est nécessaire.
Alors… Si je suis une femme, l’homme, par sa masculinité me révèle ma féminité. Par son mystère, que j’admets et respecte, et même que j’honore (pas facile, tellement ce mystère me provoque et tellement j’ai envie de l’amener au grand jour, de le résoudre une fois pour toutes, pour moi. ) je découvre donc, si je le respecte, que je suis un mystère moi même. Un mystère de femme.
Et si je suis un homme, – à vrai dire je crois que c’est mon cas (!) – d’admettre que l’autre, la femme doit être respectée en son mystère qui doit rester, dans la foi, mystère de complémentarité, va me donner l’occasion de grandir dans mon identité masculine.
Comment ? Mais je n’en sais rien !
C’est ainsi que Dieu le veut.
Être homme, ou être femme entre dans le même appel que la vocation, le même désir de Dieu sur moi.
Pour un mariage, c’est le conjoint qui provoque par la différence de genre, masculin ou féminin, à admettre la nécessité de la grâce du Christ, sinon tout s’embrouille et je ne sais plus où est ma place ni celle de mon conjoint.
Pour d’autres vocations, c’est l’Église qui suscite par sa grâce surnaturelle, un don de soi, féminin ou masculin et lui donne sa place,
Église personne humaine et divine, maternelle, qui porte à Jésus.

JOUR DE NOËL 2023

Qu’est-ce que provoque… qu’est-ce que suscite un enfant ?
Un petit enfant, un tout petit enfant…
Disons, un enfant qui ne sait pas encore parler ?
Justement dans les premiers mois, parce qu’il n’a pas conscience de lui-même, l’enfant réveille en nous… l’émerveillement.
Tout enfant.
Et puis les saints aussi, ceux qui ont retrouvé une âme d’enfant.
L’enfant par nature.
Le saint par grâce.
Et puis entre les deux, quelques exceptions.
Des gens simples.
Pauvres et simples. Les deux à la fois.
Eux aussi, ils réveillent un frémissement, un certain étonnement originel.
Les enfants et les saints sont comme des vitres transparentes, bien propres.
Dans un sens elles laissent passer la lumière sans la retenir.
Dans l’autre sens, elles laissent passer le regard jusqu’aux montagnes qui se dessinent à l’horizon.
J’ai oublié une autre catégorie de faiseurs d’émerveillement.
Est-ce que vous devinez ?
Facile…
Ce sont les anges.
L’ange étonne.
C’est presque son métier.
En tout cas, il est fait comme ça.
L’ange est fait pour étonner.
Parce qu’il est spontané, immédiat, transparent lui aussi à la lumière qui le traverse. Si c’est une lumière divine, c’est un ange bon.
Si c’est une lumière ténébreuse, il fait partie des mauvais copains.
Mais il étonne toujours.
Je reviens à l’enfant.
Et aux saints.
Et aux simples.
L’enfant, l’enfant au sein, et les hommes saints, les femmes saintes, réveillent tout au fond de nous le souvenir inconscient du monde originel.
Comme s’il restait une petite miette de notre cœur qui crie vers le paradis terrestre. Au-delà des siècles et du temps, un petit atome du cœur de Adam et Ève, avant le péché originel.
Avant qu’il existe des larmes pour pleurer.
Et c’est pour ça qu’un enfant petit, on le respecte, on l’approche avec délicatesse, comme un trésor, ou mieux, comme du sacré que l’on contemple et vénère.

Parce qu’il nous relie à un espace, pur, du paradis terrestre.
D’abord de notre enfance, mais plus loin encore…
Et le saint nous relie à l’espace pur du paradis céleste. Non pas derrière, mais au-delà de nous. A venir. Émergence émerveillée dans notre monde impur.
Alors, après avoir dit tout cela, on découvre qu’il y a une autre fenêtre… Et nous le savons aujourd’hui.
Cette fenêtre, c’est un enfant, un autre enfant, le seul enfant, pur.
Pur et saint.
C’est l’Emmanuel.
Dieu avec nous.
Le seul enfant absolument pur qui réveille en nous l’émerveillement des profondeurs les plus profondes de notre âme, du souvenir du paradis terrestre.
 » Tout a été fait par lui.
Et sans lui rien ne fût. »
Et rien autour de lui, à ce moment-là dans la mangeoire, ne vient supplanter ni même troubler l’émerveillement.
Aucune richesse, aucun bluff, aucun bruit.
De la paille, le souffle des animaux ( les animaux sont purs, ils sont tous purs)…
Mais il y a quand même quelque chose qui aurait pu détourner le regard des bergers de la vision de l’enfant.
C’est le visage de Marie.
Les bergers auraient pu tomber en extase devant le visage de Marie.
Mais non !
Simplement parce que le regard de Marie était pour son enfant. son sourire était pour son enfant.
Sa paix était pour son enfant.
Le visage de Marie était donné par son enfant, pour lui.
Le sourire de Marie était porté par la grâce de son enfant.
Et donc retournait à son enfant.
Décidément, il y a juste l’enfant.
Cet enfant, premier témoin parfait du paradis terrestre depuis tous les âges.
Mais aussi, cet enfant est le premier témoin de la vie éternelle.
Il est la Vie éternelle.
Il est à l’origine du paradis terrestre et, en même temps, la porte de la vie éternelle. Ceux qui tombaient dans cette étable, à Bethléem, étaient tentés par l’extase.
Et puis, il y a une autre circonstance. C’est que nous ne sommes pas des anges.

Or, les anges préparent le chemin des autres. C’est leur mission.
Oh bien sûr… c’est sous l’inspiration du Saint-Esprit, de Dieu lui-même.
Les anges ne font rien par eux-mêmes.
Ils reçoivent tout de Dieu.
Et Dieu leur a dit de préparer le chemin du Seigneur.
De préparer les cœurs.
Bien sûr… de Marie, de Joseph ! bien sûr… des bergers ! plus tard… des mages !
Et là, c’est une délicatesse de Dieu pour nous.
Si Dieu n’avait pas préparé la nouvelle de la venue de Jésus, nous serions restés ignorants.
Mais Dieu a voulu partager l’émerveillement.
Dieu a voulu que son salut pénètre le monde par un chemin de joie.
Et ça c’est divin..
Pour grandir, les hommes doivent faire des efforts, souvent douloureux.
Il faut aller à l’école, faire ses devoirs, persévérer, craindre les mauvaises notes,
Il faut entrer en apprentissages et faire des expériences souvent pénibles, pour devenir plus mature, plus solide..
Hé bien, Dieu a choisi d’introduire son chemin de salut par la joie.
Simplement en regardant un petit bébé.
Aucun effort obligé. Aucun devoir à faire.
Simplement ouvrir notre oreille à la voix des anges.
Et s’agenouiller devant une mangeoire transformée en berceau – je dirais ‘consacrée’ en berceau divin.
Se laisser transpercer notre cœur dur par la douceur de l’appel du Paradis
Et ça marche, puisque tous les durs de cœur et les païens et les athées ont fêté Noël cette nuit.
Et ceux qui ne l’ont pas fêté ont pleurer de ne pas le fêter.
Le Paradis derrière comme un rappel lancinant.
Le Paradis devant, celui du Ciel, comme un appel incontournable, presque obsédant. Et la joie qui coule de partout, parce que Dieu a voulu que tout soit joie, ce jour-là. Où cela ?
Dans le tout petit corps de Jésus dormant dans sa mangeoire.
Et dire que c’est le même rappel, le même appel, la même joie auxquels nous allons communier dans un moment sous l’apparence du Pain et du Vin consacrés….
Joie surabondante…..

NUIT DE NOEL 2023

 » Gloire à Dieu au plus haut des Cieux… »
Qu’est-ce que ça veut dire ?…
Quand on touche à la beauté, simplement quand on regarde la beauté, on est obligé d’y perdre des plumes.
Alors quand cette beauté est au plus haut des Cieux – au plus haut des Cieux, ça veut dire dans l’espace le plus pur de notre cœur, à l’origine de la pureté de notre cœur – là, on ne perd pas de plumes, on est plumé, on est tout nu, on est vierge. La beauté elle ne peut se saisir que par un regard vierge, une main vierge, une âme pure et saine, autrement dit ressuscitée.
Pourquoi Dieu a-t-il construit le monde ainsi ?
Je veux dire, de façon à ce que nous le comprenions vraiment, que lorsque nous aurons atteint la pureté de notre cœur, par grâce ?
Dans notre vie, les belles choses, on ne peut les saisir qu’après avoir renoncé à les posséder.
 » Gloire à Dieu au plus haut des Cieux… » de toute façon on ne le comprendra qu’après.
Il y a, pour chacun de nous, au fond de notre âme, le désir de se perdre dans un océan de délices, de Gloire.
Un appel mystérieux et inexprimable qui nous donne la note de ce que sera notre éternité.
Mais il y a eu un deuxième lieu de Gloire, délicieux, qui est aussi au plus haut des Cieux,
Un autre monde, oui…. C’est à la crèche !
Phénomène incroyable !
Cette Gloire qui est au plus haut des Cieux, Dieu s’est plu à la mettre sur la paille, sous le museau d’un bœuf, sous l’œil attentif, doux et têtu d’un âne.
Alors poursuivons notre lecture :
…  » et paix sur terre aux hommes… virgule…, que Dieu aime  »
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Parce que, ça aussi c’est impossible de le trouver sur terre.
La paix entre les hommes !
Mais ce n’est pas ce qui est dit. Ce qui est dit : Paix aux hommes…
Autrement dit ce n’est pas une paix qui s’applique aux événements.
C’est une paix qui s’applique à l’intimité du cœur.
Enfin, pour être bref, c’est une paix qui se marie à la Gloire de Dieu au plus haut des Cieux.
Cette paix est aussi inaccessible que la Gloire de Dieu, si elle ne descend pas de l’Esprit Saint par une échelle qui vient du Ciel.
Chacun de nous connaît l’histoire de la belle au bois dormant.
La plus belle des filles, Princesse la plus douée, qui se pique sur la pointe d’un

fuseau, et puis … s’endort pendant 100 ans. C’était prévu par la mauvaise fée.
Non seulement elle mais tout son château, ses serviteurs et ses servantes, ses chiens et ses canards, et même le feu dans la cheminée… s’endorment…
100 ans pour qu’un jeune prince courageux trouve, au milieu de la forêt, un passage qui lui découvre le château.
Le château et la belle qui dort.
Il l’embrasse sur le front, je crois, et tout revit, et ils eurent des enfants et vécurent heureux.
Mais il y a mieux.
Encore plus beau que ce conte.
Il y a la crèche de Marie et de Joseph. Et de Jésus. A Bethléem.
Au moment où Jésus naît sous le museau du bœuf et celui de l’âne, le monde renaît. La différence avec le conte de la Belle au bois dormant, c’est qu’au moment du baiser du prince, tout le château ne va pas revivre d’un seul coup.
La différence, c’est que quand Jésus, Dieu lui-même – pas de Prince plus beau que lui : Prince de la Paix – quand Jésus apparaît dans l’étable de Bethléem, le monde va s’éveiller peu à peu, cœur après cœur.. jusqu’à la fin du monde..
On a besoin de quelqu’un pour nous réveiller.
On a besoin de quelqu’un qui nous a vu dormir et qui nous a aimé.
Hé bien, à chaque fois que quelqu’un va reconnaître Jésus, celui-là va se réveiller. À chaque fois que nous reconnaissons Jésus par une grâce nouvelle, notre cœur se réveille.
Nous sommes endormis dans notre monde, par le péché, et par la lourdeur de nos héritages, de nos peurs, de nos fragilités qui se ferment sur elles-mêmes, sur nous-mêmes.
Et nous avons besoin d’un baiser du bon Dieu sur le front, au profond de notre âme, pour nous réveiller à la lumière.
Mais Dieu ne veut pas réveiller le monde entier d’un seul coup.
Il veut que chacun de nous ouvre l’œil de son cœur.
Et le monde entier depuis 2000 ans se réveille.
À chaque âme qui se convertit, le monde se réveille, une nouvelle étoile scintille, une nouvelle pureté vient féconder l’Histoire du monde.
À chaque prière confiée à Dieu, qu’elle soit dite dans la paille, qu’elle soit dite au milieu d’un champ, qu’elle soit dite dans la nuit, dans le froid ou sous le plein soleil, une nouvelle beauté qui sommeillait rejoint la vie de la grâce divine.
Monte un peu plus haut dans la Gloire de Dieu.
Et le monde s’en réjouit.
Frères et sœurs, si vous avez l’impression que votre vie est endormie, pas depuis 100 ans mais quand même depuis trop longtemps, appelez donc le prince charmant, Jésus… il fera le nécessaire et vous redonnera du sel.
Mais il faut l’appeler sérieusement..

Un par un, Dieu veut que l’on se réveille.
Et il passe de châteaux en étables, de cœur abîmé en âmes affamées, au-delà des obscurités et des doutes, et, de ses lèvres divines, il frôle chaque âme et la réveille à sa vocation.
Tant que Dieu n’est pas passé, nous restons en sommeil, nous ne vivons pas notre capacité de joie et de bonheur.
On peut se croire dans un château, on peut se croire entouré de serviteurs ou d’amis, tant que l’on n’a pas reconnu le regard de Jésus qui nous aime ( et j’ajouterais, juste derrière lui, la beauté de Marie) tant que ne s’est pas allumé en notre cœur le feu d’amour que Dieu dépose par une grâce mystérieuse, très fine, très discrète, nous dormons et notre monde dort autour de nous.
Et il dort souvent dans des conditions misérables.
Alors nous comprenons enfin :
 » paix sur terre aux hommes, … virgule… que Dieu aime… » C’est la paix de celui qui se réveille au baiser de Dieu. Homme après homme.
Femme après femme.
Enfant après enfant.
Cœur après cœur.
Et puis ensuite….
Il faut passer de réveil en réveils, de grâce en grâces, jusqu’au plus haut des Cieux.
Jusqu’au plus profond de notre âme.
Jusqu’au sommet de l’intimité avec Dieu;
qui s’est trouvé dans la crèche;
et qui se trouvera dans l’Église triomphante à la fin des temps. Rendez-vous à ce festin.

Quatrième Dimanche de l’avent 2023

Juste avant cette fête de la Nativité ( ce soir)
Je voudrais reprendre un texte sur lequel il y a bien des années j’ai médité pour prier le ‘Je vous salue Marie’.
Je vais abréger ces 7 ou 8 pages que Père Jérôme, fervent du chapelet, m’avait données. ‘Sa manière’… d’amarrer sa prière à celle de la très Sainte Vierge.
Voici un petit résumé de son écrit :
« JE VOUS SALUE, MARIE. »
Lorsque nous prions seul, arrêtons-nous après ces premiers mots.
Car il faut que Celle à qui nous nous adressons ait le temps d’être prévenue:
« quelqu’un désire vous parler… » Avant qu’elle le sache, inutile de continuer.
Or, il faut un certain temps pour qu’elle soit prévenue, même si celui qui s’en charge est, aujourd’hui encore, l’Ange de la première salutation.
Donc, arrêtons-nous, que l’Ange ait le temps d’aller la chercher au plus haut du Ciel et de lui dire: « Quelqu’un, sur terre, recommence la toute belle salutation; venez, Reine, daignez montrer que vous écoutez, ce sera plus poli. »
Laissons donc, à Celle que nous voulons saluer, le temps de se disposer à nous rendre la politesse..
D’autre part, et ceci nous est dicté par une longue pratique, ce petit arrêt nous permettra de nous recueillir dès le début de chaque « Je vous salue, Marie », avant de continuer par l’énumération trop dense des privilèges reçus par cet être exceptionnel.
Les mots de la prière coulent vite, trop vite. Il faut donc les retenir dans le calme.
C’est pourquoi, faisons un arrêt après: « Je vous salue, Marie », un arrêt attentif et souple. Pensons que pour chaque « Je vous salue, Marie », nous sommes deux qui devons comprendre chaque mot: Elle et nous.
Peut-être l’ange lui-même, après avoir dit: « Je vous salue, Marie », eut-il un instant de saisissement et de silence ? Au minimum, nous pouvons le supposer intelligent:
Il a donc respecté les virgules. Ne faisons pas moins bien que lui.
« PLEINE DE GRÂCE ».
Cette prière toute naïve, faite pour les simples, voici qu’elle commence par un beau mystère !
Plusieurs d’entre nous ont reçu quelques petites grâces d’union avec Dieu.
Grâces non négligeables, et même plus désirables que tout avantage matériel.
Ces grâces, disons qu’elles nous font comme une provision d’un quart de litre d’eau fraîche, pour nous aider à cheminer vers Dieu, sans que nous risquions de tomber durant la sécheresse du désert.
Et voyez à quel point déjà cette petite provision nous fortifie et nous rassure !
Mais Elle ! Toutes les eaux pures et toutes les sources lui ont été données, alors que – comble de libéralité – elle ne devait même pas connaître la sécheresse du désert.
Et maintenant, au Ciel, elle jouit encore de cette abondance.

« LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS. »
(…) L’ange pouvait-il dire plus clairement que, dans Nazareth, vous étiez déjà, patiente et sûre, une âme de prière ?
Il dit: « Le Seigneur est avec vous », et la réciproque va de soi, vous êtes avec le Seigneur. A genoux devant votre image, ne trouve-t-on pas le silence et la solitude?
Si parfois j’ai peur de m’ennuyer, je me dis que je m’ennuierais bien davantage ailleurs. Parfois je crois vous donner mon temps en pure perte; en réalité je le sauvegarde. Comment, en effet, mieux l’employer?- et je reçois en surplus apaisement et confiance.
« VOUS ETES BENIE ENTRE TOUTES LES FEMMES ».
Avec ces mots, nous quittons la salutation apportée par l’ange, pour passer au compliment prononcé par Élisabeth (Luc 1, 28-42).
Est-ce la raison pour laquelle ces paroles me paraissent moins hautes?
Comment ne pas sentir un changement de niveau? Pour les sauver, ces paroles, disons qu’elles prolongent le compliment précédent: « Le Seigneur est avec vous ».
Elles précisent que le Seigneur est avec vous, Marie, non pas, bien sûr, pour surveillance et sévérité, mais par dilection et par choix; c’est en cela que Marie est bénie.
« ET JESUS, LE FRUIT DE VOTRE SEIN, EST BENI ».
Ce qui accapare le coeur, l’attention, les soins de toute femme, c’est évidemment son enfant. Celui-ci peut aussi devenir l’objet autour duquel elle se replie, inattentive à tout le reste, et donc indifférente. Et la raison de cette indifférence paraît si profondément naturelle qu’on ne s’en choque pas.
Mais c’est tout le contraire ici, dans le cas de la Mère de Jésus: voici que sa maternité sera l’origine de sa relation inconditionnelle avec chacun de nous.
Parce que son Fils est lui-même le Frère et le Sauveur de tous les humains.
Maternité qui dilate le cœur de cette mère, ni jalouse ni exclusive, parce que c’est en conformité avec la volonté toute puissante de son Fils qu’elle s’étend à tous.
Je sais donc que la Très Sainte Vierge Marie ne dira jamais: « Je me dois à lui, d’abord. Ensuite, quand je le pourrai, je m’occuperai de toi ». Elle dira tout au contraire: « Je ne crains rien pour lui; donc toi d’abord, et aussi longtemps que tu auras besoin de moi ».
Les deux parties se disent avec lenteur. Car à quoi bon se presser?
A quoi bon finir, sinon pour recommencer? Quand on prie, tout va bien, donc laissons durer.
Faisons durer. Peu importe le nombre de « Je vous salue, Marie » que je dis;
ce qui compte, c’est le temps durant lequel, pour dire un ou plusieurs « Je vous salue, Marie », nous sommes retenus là, le regard tourné vers le Ciel.
« SAINTE MARIE, MERE DE DIEU ».
La demande commence de façon câline et insinuante.
Sans ce privilège de « Mère de Dieu », l’ange n’aurait pas volé vers Nazareth;
et il n’y aurait pas eu de salutation, ni celle de l’Ange, ni celle des chrétiens.
« Mère de Dieu ». (…) Je me délecte allègrement à penser à ceux qui jugent le « Je vous salue,

Marie » comme dévotion infantile ou prière pour vieilles bonnes femmes !
Pourquoi ne pas avouer que, lorsque certaines paroles ont un trop grand poids, on n’aime pas les dire ?
« Mère de Dieu »: Je sais qu’en répétant ces mots, j’engage toute ma foi, je me compromets comme catholique ferme, j’adhère aux affirmations naïves ou audacieuses du « Credo », affirmations que certains voudraient passer sous silence. Je sais qu’en voulant aimer et servir Marie, « Mère de Dieu », je brave, de notre religion actuelle, les réticences et la misère.
« PRIEZ POUR NOUS, PAUVRES PECHEURS ».
Mère de Dieu, et Mère des hommes, vous êtes sainte, vous êtes toute sainte. Or, que demander à une sainte, à la créature la plus élevée en sainteté sinon de joindre les mains et de prier pour nous?
On ne demande pas à n’importe qui: « Priez pour nous ». On ne le demande pas non plus à la légère, car, même pour les saints, la prière peut être encore un effort pénible et dramatique; alors, comment requérir d’eux cet effort ?
Votre prière, qui consiste en une simple adoration de la volonté de Dieu, a plus de précision que nos demandes les plus détaillées et votre simple acquiescement a plus d’efficacité que nos arguments. Ainsi, vous nous obtenez le mieux et le meilleur, lequel est toujours le plan arrêté par la bienveillante volonté de Dieu.
« MAINTENANT… ».
Après ce mot, arrêtons-nous, comme nous l’avons fait au début du « Je vous salue Marie ». Arrêtons-nous: puisque la Mère de Dieu se met à prier pour nous, laissons-lui prendre la relève. Puisque, pour obéir au désir que nous venons d’exprimer, elle se tourne vers Dieu en notre faveur, laissons-lui le temps de parler à Dieu.
Ne rappelons pas trop vite vers nous son attention.
Ne sentez-vous pas que durant ce moment où vous vous taisez, où c’est Elle qui prie, vous êtes protégé? Je viens d’écrire « protégé ». Oui, pensons aux passages protégés qu’il y a sur la route: chaque fois que, au bout d’un « Je vous salue, Marie », nous avons dit « Priez… maintenant », c’est comme l’ouverture d’un passage pour les piétons: alors, vite, avançons, pendant qu’Elle prie maintenant, avançons vite vers l’autre bord, vers l’Éternel. Il n’y a plus de danger sur la chaussée durant ce « maintenant » pendant lequel la Mère de Dieu prie pour nous!
« ET A L’HEURE DE NOTRE MORT ».
Durant ma vie entière vous m’avez tenu par la main, ô ma Mère. Se pourrait-il qu’à cette heure-là, je sente vos doigts se dénouer et votre main me lâcher? Certes non! Si votre main souveraine quittait ma main, ce serait certainement pour saisir un pan de votre manteau et m’en couvrir. Mère de mon long cheminement et Mère à mon instant suprême, enveloppez-moi dans la retombée de votre manteau durant ce court moment, après lequel, sûr d’avoir passé la porte je me dégagerai soudain, pour vous faire entendre mon rire, le rire de l’enfant, qui rit, qui rit, parce que, par les soins de sa Mère, il a tout réussi.