Frères et sœurs,
Je vais prendre une fable.
Pas de la Fontaine mais d’un autre poète, plus récent.
La Fontaine, c’est le 17e siècle, le siècle du Roi Soleil.
Cet autre fabuliste il est du XX°, un peu du XXI° siècle; malheureusement il n’est pas du siècle du Roi Soleil… Il se nomme… le Père Thierry…
Je commence donc par lire cette fable.
Son titre c’est, ‘ la belette, le loup et le renard’ :
… Un dimanche, le peuple des animaux se réunit.
Pour entendre des paroles de vie.
Entre dans l’église dame Belette.
Son œil curieux et agile, repère bien vite chacun de cette assemblée pieuse.
Puis elle tend l’oreille à la lecture d’Isaïe, toute simplette :
« La montagne de la Maison du Seigneur
se tiendra plus haut que toute colline.
Les peuples nombreux feront fondre leurs épées pour en faire des charrues et des faucilles. Dans les derniers jours… »
Dame Belette rêve de ce futur merveilleux.
Elle imagine un monde promis de paix et de beauté,
Qui la rassure des ennuis de sa vie.
Grandes vacances éternelles : rêve de belette…
Cependant, quelqu’un pousse la porte, et entre à pas feutrés, en retard.
C’est Messire le loup, qui sort à peine de derrière son ordi,
le cerveau encore pris d’un reportage sur l’élevage des moutons au Brésil.
Le loup arrive à la lecture de l’évangile :
« les gens ne se sont doutés de rien jusqu’à ce que survienne le déluge qui les a engloutis… L’un sera pris, l’autre laissé. L’une sera prise, l’autre laissée. »
‘ Oh mais ça !, pense-t-il, c’est ma spiritualité…’ .
Quand Robin mouton ne s’y attend pas, je l’engloutis.
Et la bique ne perd rien pour attendre. Elle y passera le lendemain, aussi. ‘
Quand au reste de l’assemblée, autres animaux sauvages ou apprivoisés,
n’étant perturbés ni par l’entrée de belette ni par l’entrée du funeste loup, puisque c’est un jour de trêve, ils avaient capté, vaguement, les mots de saint Paul :
« l’heure est venue. Conduisons nous honnêtement,
sans orgie ni beuverie, sans jalousie ni coucherie »…
oubliant d’ailleurs les quatre mots finals: «revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ».
Ce que personne n’avait remarqué, c’est que camarade renard était très attentif, de sa place discrète.
À vrai dire d’ailleurs, il ne perdait rien non plus des réactions de ses voisins…
En lui-même, il méditait sur les paroles d’Isaïe qu’il ne savait comment interpréter.
Il avait même notre malin renard, quelques doutes sur ces mots trop beaux pour être vrais.
‘ Doit-on prendre au sérieux, se disait-il, un prophète
qui, comme pense ma voisine belette,
n’offre, comme un marchand de sable, que rêves pour la fin des temps, …
Jésus lui-même si réaliste, ne contredit-il pas Isaïe
quand il annonce de grandes guerres et l’effondrement même de Jérusalem… !
Ce mirage d’une paix universelle
Isaïe l’inventerait-il pour tranquilliser les croyants, naïfs et idéalistes ?
Et puis Maître Renard regardait du coin de l’œil Messire loup aux longs crocs.
Il ne comprenait pas que cet escroc
puisse écouter un récit de fin du monde sans trembler de peur,
Sans se convertir ni changer ses habitudes de voleur.
Les mots de Jésus ne le concernaient pas plus que ça.
« veillez, priez, réveillez-vous ! car, sapristi, le retour du Christ est proche ! »
Tout cela glissait sur sa fourrure comme la neige en hiver:
Lui, Renard, voulait être en vérité au profond de son âme.
Alors, voyant ses pensées, Dieu lui envoya un ange,
pour lui expliquer le message des cieux.
Un ange silencieux.
Loup, belette, brebis, lapins, singes et chats, personne ne se rendit compte du passage de l’ange
qui parla doucement à l’oreille dressée de Maître Renard.
« frère Renard, lui dit l’ange,
Isaïe est un grand prophète. Il n’est pas rêveur.
Il plonge au fond de l’histoire et des cœurs.
Qu’annonce donc la prophétie d’Isaïe,
700 ans avant la naissance du Messie ?
‘ la montagne de la Maison du Seigneur’, ce n’est évidemment pas Jérusalem ou le royaume de Juda qui fument du désir de vengeance et de guerre !
Cette phrase d’Isaïe c’est la plus forte et réelle prophétie de l’histoire.
Comprend donc, Malin Renard, c’est l’annonce de l’Église du Christ !
Oui, l’Eglise, comme une montagne plus haute que tous les monts, que tous les mondes, que toutes les modes et que toutes les sectes.
L’Église, qui enseigne les chemins du Seigneur et qui apaise les cœurs de toutes nations et peuples.’
Jusqu’à la fin du monde.
Et l’ange dit à Renard :
‘ Notre Seigneur et Sauveur, Jésus, n’est pas un influenceur pour faire peur sur les temps de la fin.
Jésus-Christ est source d’amour divin,
pour nous permettre de trouver
au fond de nous, notre beauté. La vie de notre âme.
Tout l’inverse du désir de Messire Loup qui à l’instant se léchait les babines.
Et le plus beau conseil de Jésus, c’est
‘ soyez unis dans l’Esprit à Celui qui est lumière.
En tout temps, que votre cœur veille dans l’amour de Dieu.’
Alors Maître Renard osa poser sa question :
« En quoi Isaïe et Jésus se rejoignent ? »
« C’est très simple, souffla l’ange :
Si tu es dans la grâce de Dieu,
si tu appelles l’amitié de Jésus, alors tu es le cœur de l’Église.
S’ils sont en communion avec Jésus, loups, renards, brebis, lapins, grenouilles ou belettes, forment un seul corps, qui est l’Eglise, qui vir déjà du Ciel et de la joie éternelle
Enfin, l’ange, décidemment bavard… dit encore à Renard :
‘ les derniers jours’, dont parle Isaïe… Mais ils sont déjà là !
Ce sont les jours de l’Église du Christ. Et nous y sommes depuis la naissance de Jésus.’
‘L’heure est venue’, dit saint Paul… hé bien ‘oui, cette heure c’est le temps de notre conversion qu’il ne faut pas laisser passer.’
Dieu t’attend aujourd’hui ! Son cœur te désire.
Et ‘l’heure où nous n’y penserons pas’, selon l’expression de Jésus,
c’est à chaque seconde que nous devons entrer dans l’arche de l’Église en offrant notre cœur à sa lumière.
Grand silence… L’ange était parti.
Renard releva le museau.
On en était à la fin de l’homélie.
Il avait tant de joie à l’idée de communier
qu’il en oubliait les poules qu’il avait repérées pour le dîner.
Par contre, il vit que Belette n’était pas sortie de son rêve
Et se trouvait bien dans cette illusion d’une fin du monde toute douce.
Messire Loup, content de lui, désirait s’en retourner devant son écran, et trouver un plan pour se mettre biquette dans le gosier.
Pour lui, Evangile ou pas, rien de changé.
L’ange leur était resté invisible et les avait délaissés…
Leçon de la fable. Parce qu’il faut une leçon…
Malheureux les rêveurs. Malheureux les faussaires.
N’est pas intelligent
Celui qui a son seul point de vue et qui croit qu’il n’en existe pas d’autres…
Il reste sourd aux anges.
Pour lui n’existe pas de mystère puisqu’il ramène tout à lui-même.
Mais celui qui prie, discrètement, dans la foi en l’Église,
Qui aspire à la venue de Jésus, son ami,
dans l’impatience de son cœur, voilà celui qui reçoit l’intelligence de la grâce divine.
Qui écoute avec amour, voilà celui qui est intelligent et qui comprend.
Il pénètre le cœur de Dieu et de ses frères.
Et il sera illuminé d’une lumière neuve et de paix
quand le Fils de l’homme, le Bien-aimé du Père et de nos âmes,
entrera dans sa maison, comme par surprise.
