que reste-t-il des apôtres ?
Vraiment pas grand chose.
Ils n’ont pas dormi.
Impossible de dormir une demi-heure après toutes les émotions et l’écroulement de ces
deux jours.
Ils n’ont pas faim.
Ils ont envie de rien dire.
Ils parleront, mais bien plus tard.
Que le reste-t-il ?
Un petit souffle de respiration et une prostration de honte, d’échec, même pas de révolte.
La révolte c’est avant.
L’anéantissement c’est maintenant .
Marie-Madeleine..
C’est la première qui va sortir de son anéantissement.
Peut-être parce qu’elle en a vécu d’autres.
D’autres fois.. où son cœur s’est arrêté, puis il est reparti comme il a pu.
Abîmé, avec un goût de mort, mais il est reparti à chaque fois plus lentement, plus sombrement.
C’est la première qui a pu affronter le tombeau au matin de Pâques.
Elle a pu franchir le ravin.
Parce qu’elle était déjà descendu dans le ravin.
Avant.
Les autres, ils faisaient leur première expérience du vide sidéral de leur intelligence et de leur conscience.
C’est une très mauvaise chose de donner à quelqu’un tout ce qui lui faut.
À un enfant, tout ce qu’il lui faut et bien sûr ce qu’il ne lui faut pas.
À un adolescent, tout ce qu’il lui veut.
À un mari, tout ce qu’il lui faut.
À une épouse… Heu.. on n’y arrivera pas, de toute façon..
Être saturé, c’est une bien mauvaise chose, pour tous.
Pourquoi ?
Parce que le Christ est ressuscité !
Ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que la grâce, l’amour, surgissent dans le manque, dans la solitude, dans le silence.
Un monde où il n’y a plus de solitude, de silence… et de manque, où l’on croit que nous devons être comblé de tout, c’est un monde qui n’aura jamais de résurrection.
Mass’oud de Tour Abdin disait :
“ par le commerce avec l’homme ( autrement dit par des relations nombreuses) se déchire le glorieux vêtement de la solitude qui unit à Dieu.”
[ exhortation à la vie solitaire]
C’est dans le désert que la présence de Dieu se fait la plus intense, la plus proche de chaque battement de notre cœur.
C’est dans l’abandon que la lumière du Christ surgit avec netteté.
Je vois très mal l’apôtre Jean arriver, essoufflé, au tombeau et s’asseoir avec Pierre et discuter de la situation ?
“ il vit et il crut”…
Si belle formule du don d’intelligence de l’apôtre Jean.
Il n’y a aucune place bruyante entre “ il vit” et… “ il crut”
Parce que la foi vive elle n’est pas dans un état des lieux documenté.
La foi vive c’est le Christ qui saisit l’esprit par une intuition imparable.
Il est vivant…
Il est ressuscité !
C’est magnifique de voir que la première certitude que le Christ est ressuscité n’est pas dans une apparition comme il en sera par la suite.
Elle est dans trois actes de foi.
Celui de Marie-Madeleine :
Un ange lui dit : “il n’est pas là, il est ressuscité“
C’est vrai qu’elle aura aussi son apparition :
“ Marie “ – “ Rabbouni “
“ ne me touche pas “
Comme ça dû être dur pour Marie Madeleine.
“ Lâche mes pieds…”
C’était la condition.
L’Acte de foi de Jean :
‘Il vit et il crut’, devant le tombeau vide.
À partir de son cœur vide.
Et puis, acte de foi de Pierre.
Qui, en même temps, a dû savoir qu’il était pardonné.
Jésus pendant ces 3 ans avec ses disciples avait inscrit son existence si profond dans leur cœur, dans leur espérance, qu’il devait rejaillir du plus profond de leur désolation.
Il pouvait ouvrir leur intelligence à une compréhension transparente de tout son message et de son être.
Pour qu’ils puissent, ensuite… être féconds de l’amour pour le monde.
Mais cela viendra à la Pentecôte jusqu’à nous.
Le mouvement de la foi est ainsi…
Une grâce infuse fait jaillir une intuition.
Et nous nous rendons compte que tout concorde, que tout s’harmonise, qu’il ne peut pas en être autrement que le Christ soit là, tellement sa lumière devient pure et éclairante.
Comme le dit Saint Jean de la Croix :
“ dans la solitude des profondeurs de notre cœur, l’âme ne sent pas qu’elle avance ou agit.
C’est Dieu qui la porte dans ses bras. “
Le Christ ressuscité, nous ne pouvons pas l’embrasser.
Nous ne pouvons pas lui saisir les pieds…
C’est lui qui nous porte dans ses bras.
On voudrait toujours se retourner, le saisir.
Mais c’est lui qui nous a saisis.
Par ses absences, nous croyons.
Par sa présence, nous jubilons et nous aimons.
Vous voyez, frères et sœurs, il y a une petite subtilité.
On découvre que le Christ est là, que le Christ est vraiment ressuscité, quand on croit qu’il
n’est plus là.
Mais ça ne suffit pas…
Quand on croit qu’il n’est plus là… Avec un cœur enflammé de désir.
Quand notre cœur est vide de toute chose autre que le Christ.
Quand il suit un chemin caché de solitude ou d’incompréhension…
Le Christ n’est pas loin.
Il creuse sa présence pour faire resplendir sa grâce de Ressuscité.