Deuxième dimanche de carême 2024

Frères et sœurs.
Pour celui qui entrerait pour la première fois dans une église, ce matin, comment comprendrait il les textes que nous venons de lire ?
S’il est normal, il devrait se dire au minimum : ‘où suis je tombé ? Ils sont curieux ces chrétiens.  »
Il devrait même se dire : « mais je ne suis pas d’accord, ces récits sont injustifiables. »
Et effectivement, comment arrivons-nous à les écouter, chaque année, en restant sagement assis sur nos chaises, sans réagir ?
Un père qui va tuer son enfant, l’égorger.
Sur inspiration de Dieu…!!
C’est anormal, inconcevable.
Un qui a donné vie donne mort. Ce n’est pas possible.
C’est comme s’arracher le cœur.
On ne peut pas tuer son fils, c’est une monstruosité.
Une monstruosité qui se paie par le déséquilibre de la nature : l’angoisse, la maladie, l’agonie de l’âme.
Alors soit la Bible est une espèce de montage aux scénarios émotifs, dans le suspens et l’horreur…
Soit elle dépasse notre entendement pour nous plonger dans une dimension de ‘cataclysme’, avec un Dieu qui dépasse tout cela en bonté. Infinie.
En tout cas, frères et sœurs, nous sommes avertis : le carême nous appelle aux frontières.
Il nous dérange.
Il est fait pour nous déranger.
La Transfiguration n’est guère plus admissible.
Ça passe mieux, parce que c’est de la lumière.
Il y a plus de merveilleux.
Mais pourquoi tant de gloire manifestée à trois hommes, intimes, choisis de Jésus, pourquoi tant de rayonnement et de gloire pure pour en fin de compte la laisser cachée ?
Dans l’histoire du monde, trois hommes auront vu, auront fait l’expérience de la lumière de gloire de Jésus transfiguré…
Pour même pas le dire. Du moins pas de suite.
Et cette lumière elle va atterrir à la Croix !… qui, elle, sera très visible.
Quel gâchis !
Tant de beauté, de splendeur que les hommes – nous par exemple – mais même les contemporains de Jésus, auront été indignes de partager.

Jésus a toujours retenu sa gloire.
C’est incompréhensible.
Bon… il a fait des miracles, mais c’était pour donner des miettes aux affamés, qui d’ailleurs en profitaient, et bien souvent n’allaient pas plus loin.
Tout cela, cette souffrance insoutenable qui se perpétue dans le monde, tous ces pères, toutes ces mères qui tuent leur enfant, c’est écrasant de douleur.
Faut il que nous soyons si dégénérés pour pouvoir le supporter ?
Alors essayons de donner un début de compréhension de ces anomalies de la Bible.
D’abord, on peut dire que Dieu a voulu descendre jusqu’à l’horrible de l’homme, jusque dans sa déformation la pire.
Comment pouvait-il montrer sa transfiguration à une telle génération ?
Je comprends sa réserve.
Il fallait qu’il eut ressuscité de ses souffrances et de sa mort, pour que sa Gloire fut révélée.
C’est de croire en sa Résurrection qui nous vaudra de connaître sa lumière de Transfiguration.
Nous sommes au fond de l’homme.
À l’endroit où l’homme se débat entre le bonheur, lumière pure, et le dépérissement de sa nature.
C’est là que Dieu vient. À cette frontière.
La frontière qui sépare l’intolérable de la nature libérée, dans l’amour.
Que Dieu soit descendu jusques dans ce jeu de vie et de mort, on peut le croire. Mais ce qui est plus difficile encore à comprendre, c’est qu’Abraham, pauvre au milieu du désert, ait obéi à Dieu jusqu’à entrer dans ce jeu de l’extrême.
Abraham a franchi les barrières de la morale pour accéder, la mort dans l’âme, à un événement unique dans l’histoire du monde – ils seront deux à le vivre, dans une sorte de dépassement de la morale, une supra-morale.
Deux… lui, Abraham, dans un appel prophétique dont nous ne pouvons pas imaginer comment Dieu l’a averti.
Et elle.. Elle, ce sera la Vierge Marie, au pied de la Croix, pour qui Dieu a permis que son cœur soit broyé par la réalisation de la prophétie faite à Abraham.
 » Abraham a vu mon jour, » dira Jésus.
Mais pour Abraham, il est resté de la distance, même au moment où il a levé le couteau sur Isaac attaché au bois du bûcher.
Pour la Vierge Marie, il n’y a plus de distance.
La souffrance habitera son cœur meurtri jusqu’à l’Assomption.

Aujourd’hui, dans l’avancée de ce carême, nous, nous sommes encore à distance. Mais nous pourrions nous poser la question :
‘ et tous ces enfants qui meurent aujourd’hui, tous ces innocents qui sont massacrés d’une façon ou d’une autre dans notre monde en guerre, tous ces innocents qui, en ce moment, accumulent des charbons ardents sur la tête de ceux qui les maltraitent, tous ces innocents qui appellent silencieusement vengeance, quel sens ?
Et tous ceux qui vivent, impuissants, les dégâts du péché originel ?
Le sens, c’est Abraham qui le donne.
Le sens, c’est qu’ils partagent le chemin de notre Sauveur.
– S’ils sont chrétiens, s’ils ont la foi de l’Église, ils partagent les souffrances en goûtant déjà à la récompense de la vie éternelle qui coule en eux.
– Et s’ils sont trop petits, trop innocents, trop éloignés malgré eux de la lumière du Christ dans leur âme, ils partagent le chemin du Christ aussi, mais il ne goûteront à la récompense qu’en découvrant le cœur d’amour du Christ ressuscité qui les accueillera.
Tout cela, frères et sœurs, c’est trop, trop chargé, ça dépasse nos limites. Le grain qui est broyé ne fait pas de bruit.
On entend juste le bruit de la meule.
Et c’est trop…
Il n’y a qu’une seule issue pour nous. C’est aller dans le sens de la prophétie. C’est demander la grâce.
Demander la grâce.
Demander et redemander la grâce. Inlassablement.
Et puis… Dieu nous portera dans sa prophétie.
Il nous portera dans sa révélation.
Comment nous fera t-il passer ? on ne sait pas.
Mais après… Nous aurons vision de sa Transfiguration.
Tout ce qu’on sait c’est que nous devons être petit, tout-petit et lavé de nos péchés. Abraham, Isaac, la Vierge Marie étaient des petits et des purs, et le jour de leur baptême, Aurélie et Margaux seront pures par la nouvelle grâce dans leur coeur, qu’il leur faudra entretenir sur un chemin de prière.
Même Pierre, qui a vécu la Transfiguration du Christ, a manqué à la Passion. Il a fallu qu’il revienne dans la grâce et l’Esprit Saint affermir ses frères.
En fait, frères et sœurs, le voilà le mot qui nous permet de survivre à la douleur : La douleur d’être si mauvais ou du moins si imparfait

Et la douleur de ne pas être digne de la lumière du Christ :
Dieu a inventé le mot ‘espérance’.
Même si notre esprit est en enfer, il est possible de ne pas désespérer.
En se ‘résignant’ à l’Espérance.
Dans la nuit du monde et celle de Dieu.
Comme l’écrit Péguy :
«C’est la nuit qui est continue. C’est la nuit qui est le tissu du temps, la réserve d’être» [p149 nrf poésie]
Les jours viennent se greffer sur les nuits. Ils baignent dans la nuit.
Et c’est la nuit qui entretient notre Espérance.
«Nuit qui réussit à endormir l’homme, ce puits d’inquiétude.»
Hé bien … l’Espérance passe devant les consolations, devant les compassions, devant les consommations, devant les douleurs, devant les compréhensions qu’on essaye de tirer des mystères.
Dieu a créé l’Espérance qui a permis à Abraham d’aller plus loin, dans l’extrême du sacrifice. Cela dépasse les mots
Mais ce qui vaut, frères et sœurs, c’est de toucher la morsure de l’échec et de survivre par l’Espérance.
Nous ne sommes pas assez forts pour porter, regarder et comprendre le mal. Il ne le faut pas.
Mais nous devons prendre la main de la petite Espérance qui est fille de la grâce et de la persévérance, et nous garderons un chemin de lumière jusqu’à Pâques et au renouvellement de nos âmes qui nous sauvera et sauvera le monde.

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Premier dimanche de carême 2024

Satan
Qu’est-ce que change Jésus ?
Le carême nous annonce une temps nouveau …
On se prépare à un renouveau qui sera consommé à Pâques.
Pâques, c’est une autre vision de la vie, de nos angoisses, de nos impossibilités et de nos limites.
Et puis, Pâques change notre attitude vis à vis du bien et du mal.
Jusques là, jusqu’à Jésus, les hommes se débattaient pour laver leurs péchés. Les juifs prenaient soin de se purifier pour entretenir une bonne relation avec leur Dieu.
C’est déjà pas mal, parce que sans cette démarche de purification les hommes se vautrent et gâchent les possibilités de leur nature.
En fait, depuis le commencement de l’Histoire des hommes, la religion est une histoire de purification.
‘Je veux faire ami avec Toi, mon Dieu, et je suis si impur…’
Tous les jours que le Bon Dieu fait, je m’éloigne davantage de mon bonheur plus que je ne m’en rapproche.
Cependant, pour les meilleurs apparaît un autre défaut: l’obsession, le scrupule.
Comment sortir de cette obsession de purification ?
En fait, Jésus apportera deux solutions .
Mais deux solutions définitives.
La première, c’est que la miséricorde de Dieu est toute-puissante sur notre péché. L’amour de Dieu dépasse notre capacité à faire le mal.
Ce qui va primer sur la purification, c’est l’appel à la miséricorde.
Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus l’exprime ainsi :
« Ce qui lui plaît au Bon Dieu c’est de me voir aimer ma petitesse et ma pauvreté, c’est l’espérance aveugle que j’ai en sa miséricorde… Voilà mon seul trésor. »
Cela, c’est la première réponse à la fringale des purifications des juifs.
Et puis, deuxième solution :
Jésus achève et mène à sa perfection le passage de la miséricorde jusqu’aux hommes.
C’est l’épître aux Hébreux qui dit :
« conduit à sa perfection, le Christ est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel »
Avec Jésus, la perfection du pardon est réglée une fois pour toutes. Unique.

Plus besoin de multiplier les tentatives. Jésus sauve en un seul acte.
Alors… quand Jésus a-t-il mené à sa perfection la rachat des hommes ?
Bien sûr sur la Croix. Sacrifié pour chacun de nous, une seule fois…. à l’infini. Mais le combat de la Croix, il était déjà gagné … avant.
Quand ? au désert.
Pourquoi ce passage au désert de Jésus ?
Le désert est le lieu de rendez-vous avec le Diable.
Pas que pour Jésus, mais pour tous ceux qui mettent un pied dans le désert. Parce que l’absence de divertissements dans le désert rend plus claire et immédiate sa présence.
Le combat avec le diable est permanent mais habituellement, il est atténué par des distractions, voulues ou involontaires.
Il se cache derrière nos diversions, nos compromis, et nos dérivatifs qui semblent tout honnêtes.
Jésus vit 40 jours au cœur de l’unique essentiel.
Quand il ne reste plus rien, même plus l’inquiétude de manger et de boire, il reste le dernier combat de l’homme : le combat du bien et du mal.
Très peu s’aventurent dans ce combat terrible.
Seuls, quelques rares fous de Dieu, poursuivent la confrontation avec le Diable, seuls dans un chemin de vérité nue.
Attention, frères et sœurs, je n’ai pas dit que nous devions provoquer le Diable dans un combat personnel. Ce serait présomption, inconscience et voué à l’échec. Il est tellement plus fin que nous.
Nous ne devons pas souhaiter cette rencontre avec l’Ange du mal.
Mais le désert nous promet de le rencontrer si nous voulons atteindre notre joie profonde.
Le démon est partout où se trouve un choix de bien et de mal. Mais, il n’a pas besoin d’être là en personne.
Il ne faut pas être obsédé du démon.
Nous pouvons faire le mal sans lui, sans lui en présentiel.
Bien que ce mal que nous faisons a pour source lointaine la première question du Diable à Ève : (Rappelez-vous dans le premières pages de la Bible…) : ‘tiens… C’est interdit…?
Mais pas du tout ! Essaye donc, tu y trouveras beaucoup plus de joie et un océan de plénitude…. A moindre frais ! ‘
En tout péché, il y a l’écho de ce premier dialogue qui pourrit l’histoire de l’humanité.
Et dans le désert, la question toute crue de cette tentation se fait très vive. Se présenter pour la vérité nue, c’est le combat des forts.

De ceux qui refusent les faux fuyants.
Et le Diable le sait. Il va mettre beaucoup de soin à terrasser ses victimes sur son terrain.
Il sait qu’il ne doit pas se rater.
Parce que le désert c’est sa dernière carte. Le terrain où il lutte à découvert. Après le désert, après la lutte du désert, il n’y a plus de solution pour le Diable.
S’il perd son combat au désert, il a définitivement perdu.
Voilà pourquoi Jésus commence par cette lutte.
Et voilà pourquoi le diable attend 40 jours pour le tenter. Parce qu’il sait que, après, il n’aura plus d’autre revanche. Il attend l’épuisement de Jésus.
Or, la victoire de Jésus est du premier jour.
Et elle sera du dernier jour.
Ce qui veut dire que pour ce combat unique, quelque soit le filet qui nous ligote au mal, nous devons nous blottir dans les bras du Christ. Sur le Cœur du Christ. Tout simplement pour découvrir une règle que le diable essaie de cacher.
Cette règle, la voici :
C’est que le mal attaque ce qui est du rien en nous pour nous détourner de la lumière.
Le mal se nourrit des illusions, des émotions mal gérées, des manques dus aux blocages, des mauvais jugements incomplets…
S’il n’y avait que lumière en nous, le Diable ne saurait plus comment attaquer. C’est le cas de la Vierge Marie.
Car il cherche la faille de l’erreur.
Pour Ève, il a fabriqué un premier semi-mensonge pour l’attaquer et il s’est engouffré dans la brèche quand il a vu que ça marchait.
Mais comme la lumière sans faille se trouve en Jésus Christ, pour nous c’est le chemin de salut auquel il faut s’accrocher.
Et cette lumière, elle est miséricorde infinie si… nous savons la cueillir en demandant le pardon de Dieu.

Mercredi des Cendres

ceux-là ont reçu leur récompense’…
Qui ? : ceux qui se font voir.
En fait, Jésus nous fait un petit traité de l’intimité.
Il nous dit que le cœur de l’affaire, le cœur de notre religion, il ne se trouve pas dans les journaux, il ne se trouve pas dans la visibilité, il ne se trouve pas dans les écrans et le nombre de ‘like’, bref qui ne se trouve pas dans l’apparence.
Mais il va plus loin.
Il dit que tout cela, c’est dommageable pour notre relation avec Dieu.
Petit traité de la religion personnelle et de la relation intime avec notre Sauveur.
‘Ton Père te le rendra en secret’.
Quel est quel est le cœur d’un mouvement de charité ?
C’est que l’objet de mon amour devient plus important que moi.
Cela veut dire que je m’oublie.
Je ne vois plus moi mais je vois lui.
Or, et cela n’est pas possible sans la grâce de Dieu.
Qu’est-ce qui prouve la grâce de Dieu ?
C’est précisément quand quelqu’un ne se regarde plus.
Or qu’est-ce que vous faites en ce moment frères et sœurs ?
Vous êtes peut-être en train de vous demander si vous vous regardez !…
Et c’est raté !
Parce que justement si on se demande si on se regarde c’est qu’on est en train de se regarder…!
Et vous avez déjà votre récompense.
Et Dieu ne regarde que celui qui n’est pas en train de se regarder.
C’est-à-dire celui qui ne se demande pas s’il est en train de se regarder.
Mais Jésus va plus loin.
Car il dit que se faire regarder, c’est déjà se regarder.
Il y a deux angles de vue pour se faire regarder.
Il y a celui qui se fait regarder dans sa faute.
Et celui-ci Jésus le félicite.
 » Pitié pour moi, mon Dieu, dans ton amour….
Oui, je connais mon péché,
ma faute est toujours devant moi.
Contre toi, et toi seul, j’ai péché,
ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait. »
Parce que celui qui est sincère dans l’aveu de sa faute, il désire plus que tout ne pas se regarder.
Il n’y arrive pas.
Mais au moins il est gêné de lui-même.
Et il appelle l’Autre.
L’autre c’est-à-dire Celui qui l’aime.
Il appelle la libération.
Bien sûr, il se regarde.
Mais il a cependant le désir de ne plus se regarder.
‘ Je suis trop moche.
Alors Seigneur, je te laisse regarder mon cœur pour le guérir.
Je te laisse regarder mon cœur pour que tu l’aimes.
Mais moi je ne me supporte plus. ‘
C’est le commencement d’une prière pure.
Le commencement…
Se laisser aimer pour que la grâce divine me permette d’aimer en vérité.
‘ laissez-vous réconcilier avec Dieu ‘

Vous voyez il y a un ordre dans la libération de soi-même.
Il y a un itinéraire obligé.
Sauf pour la Sainte Vierge.
Dieu lui a réservé un petit itinéraire d’oubli de soi beaucoup plus court, beaucoup plus lumineux.
Mais pour nous, tout commence à partir du moment où nous ne pouvons plus nous regarder.
Regardons le fils prodigue.
Son retour au père commence au moment où il rentre en lui-même et se dit dans son cœur : ‘ ce n’est plus possible’
Alors il pense à son père.
Et c’est un acte en secret d’intimité.
C’est le moment clé de la parabole.
Il a enfin trouvé le mouvement d’oubli de soi.
‘ il rentra en lui-même’
S’oublier, c’est rentré en soi-même pour découvrir un amour plus grand que nous.
Dans le secret…
La rencontre avec Dieu se fait dans le secret.
Et non seulement dans le secret des autres, bien sûr…
Mais dans le secret de notre cœur.
Cela commence toujours par se savoir aimé.
Ce savoir aimé est l’acte libérateur de toute notre vie.
Et il ne se fait que dans le secret.
Car le regard de Dieu, le regard de Jésus ne s’arrête que dans les profondeurs intimes de notre cœur que nous ne connaissons pas.
C’est justement parce que nous ne les connaissons pas que nous sommes libérés.
Et c’est exactement à cet endroit intime de notre cœur, là où notre désir nous échappe, que commence notre réponse d’amour.
 » ton père qui te voit dans le secret t’aime » .
Et comment te rend t-il le cri de ta prière ?
Il te le rend en te donnant la capacité d’aimer.
De t’aimer et d’aimer.
C’est-à-dire qu’il féconde ton désir secret en te permettant de t’oublier.

Et tant qu’il n’y a pas eu ce cri de détresse, notre jeûne, nos aumônes, notre prière, restent grossiers.
Il y a quelque chose de grossier à vouloir faire du kitsch.
C’est pas toujours méchant, mais c’est grossier avec une pointe de ridicule.
D’ailleurs Jésus n’est pas très sévère avec ceux qui font du kitsch.
Il dit simplement :
‘Ils ont leur récompense’
Et puis on passe…
En fait le plus grave dans l’affaire, c’est que Jésus passe, Dieu passe… plus loin.
Tu passes pour atteindre le secret de notre cœur.
Oui, on le voit passer.
Il y a un petit quelque chose de Dieu que l’on saisit.
Et Dieu passe.
Et on se dit : il est passé, il est plus loin.
C’est le sens du Carême.
Le Carême est une période plus favorable pour aller chercher Dieu plus loin.
Le bien-aimé est passé.
Il a laissé une trace.
Et il est plus loin.
Maintenant nous connaissons son itinéraire.
Le temps du Carême c’est de prendre cet itinéraire :
L’itinéraire de l’intimité.
Alors je vous le redis, par une prière, si les lectures d’aujourd’hui n’ont pas été assez explicite explicites.
 » Seigneur, viens toucher mon cœur à l’endroit où il est blessé et que je ne veux pas regarder, et que je ne veux pas que les autres regardent.
Alors je découvrirai ton regard d’amour.
Et quand je ferai cette découverte, que tu m’aimes là où je ne veux pas me regarder, je ne me regarderai plus, je ne m’intéresserai même plus au regard des autres, parce que je te regarderai.
Et je serai libéré par ton amour.
Où ?
Dans le secret, Père….
Dans mon secret.
Dans ton secret.

Comme pénitence frères et sœurs ,
Vous relierez le psaume 50.
 » Crée en moi un cœur pur, ô mon Dieu.

Rends-moi la joie d’être sauvé ;
que l’esprit généreux me soutienne.
Seigneur, ouvre mes lèvres,
et ma bouche annoncera ta louange. »

Sixième Dimanche – B – 2024

Principes et relativisme
Ce brave lépreux, il n’a pas tout compris.
Il a quand même vécu une aventure formidable.
Il guérit d’une maladie incurable et terrible.
Tout le reste alors, pour lui, s’évanouit derrière sa joie ! Presque normal.
Tout le reste, c’est quoi ?
C’est pourtant le plus important.
Le reste, c’est Jésus. Sa divinité. sa mission de salut.
Son sacrifice d’amour.
Le reste, c’est ce que lui demande Jésus aussi :
La Loi, la loi de Moïse, qu’il doit observer, et la discrétion.
En reconnaissance de sa guérison, ce lépreux aurait pu respecter ce que Jésus lui recommandait.
Le résultat c’est que sa jubilation a augmenté la difficulté de la mission de Jésus.
Ce lépreux n’a pas été jusqu’au bout. Il s’est arrêté à lui-même.
Ça veut dire que ce n’est pas parce qu’il nous arrive un bienfait, qui peut être un miracle même, ou une grâce, ou au contraire qu’il nous arrive un malheur, que nous devons oublier l’essentiel, plus grand encore.
Heureusement, l’Église veille à nous rappeler que ce n’est pas à partir de ce qui nous arrive en particulier que nous pouvons ériger des principes de conduite. Mais c’est l’inverse :
La morale ne se juge pas à partir du particulier.
Ni d’un cas particulier, ni de nombreux cas qui se ressembleraient.
Une morale qui s’établit à partir d’une jurisprudence est une morale qui va s’emmêler les pinceaux.
C’est malheureusement une erreur très commune de nos législations actuelles. Une morale saine se définit à partir de principes qui éclairent ensuite des cas particuliers.
En partant du particulier, l’esprit peut plier jusqu’aux erreurs les plus monumentales.
Comme le disait Léon Bloy : « si vous ne visez pas le cœur vous risquez d’atteindre en dessous de la ceinture »
Voici une parabole…
Au fond du jardin de Gaston, se trouvait depuis 3 ans une chaise cassée… Le voisin de Gaston, Hippolyte, n’avait juste qu’à tendre la main pour le débarrasser de cette chaise.
De plus Hippolyte est menuisier.
’Ce n’est pas voler son voisin, pense-t-il, que de le débarrasser d’un objet qui n’est même plus dans sa mémoire.
6° DIMANCHE – B – 2024

Il ne s’en aperçoit pas, donc c’est qu’il n’avait pas besoin de cette chaise.’
Le raisonnement est très pratique.
Ça ne fait de mal à personne et au contraire ça fait du bien à Hippolyte qui peut réparer la chaise et lui trouver facilement usage chez lui.
Dans la pratique, c’est justifié donc, et ça arrange tout le monde.
Hippolyte oublie les principes bien sûr. Puisque le principe dit qu’il ne faut pas voler. C’est tout.
Et en plus, le jardin de Gaston est plus propre.
Une nouvelle loi devrait être inscrite :
’À partir du moment où ça ne fait pas de mal à mon voisin, j’ai le droit de faire ce que je désire et qui m’est profitable.’
Hyppolite passe, dans sa tête du vol à une faute plus grande celle de croire que ce qu’il a volé, il a le droit de le voler.
Parce qu’il n’a pas fait de mal visible.
Les enfants utilisent souvent cet argument : ‘Je lui prends sa poupée parce qu’elle ne s’en sert pas…’
Huit jours après, notre brave Hippolyte à la porte de son garage, aperçoit Félicie, la femme de son voisin.
Il ne lui parle pas de la chaise, mais de sa voiture en panne.
Et Félicie lui dit que si son mari, qui est porté sur l’alcool, ne s’en aperçoit pas, il peut emprunter sa voiture.
Toujours même argument :
Ni vu, ni connu, donc ça arrange tout le monde.
Mais… Deux semaines après, Gaston croise Hippolyte.
Celui-ci le prend par l’épaule et l’emmène boire un verre, puis deux.
Cependant, Félicie, l’épouse, est un peu scrupuleuse, et elle risque de dire à son mari qu’elle que le voisin prend la voiture.
Ce serait une catastrophe pour Hippolyte …
A ce moment-là pourquoi ne pas pousser Gaston dans les escaliers et pourquoi ne pas justifier cela par une loi si on en a la possibilité?
Ou même inscrire la possibilité d’éliminer son voisin, dans la Constitution.
Vous voyez, chers frères et sœurs, où nous mène ce pauvre lépreux…
Ce joyeux lépreux !
Il nous montre que si l’on ne part pas d’un principe moral intangible, une vérité supérieure :
 » je ne tue pas  »
 » je ne vole pas. Je ne fraude pas « .
 » je ne convoite pas la femme de mon voisin »
 » je respecte le jour du Seigneur  »
( c’est-à-dire que ce jour-là, je ne construis pas ma maison, je ne fais pas mes

affaires, mes courses, mais je consacre ce jour à Dieu)
Si je ne pars pas des principes intangibles, je partirais de mon cas particulier, et je me ferais mes lois.
À coups de cas particuliers.
Et je pourrais tout justifier à partir de ce que je juge ‘mon bien’.
Si les lois sont promulguées en fonction de cas particuliers, la culture de mort se répand comme une marée noire.
Car toujours, pour défendre le cas particulier j’arriverai à la mort de mon prochain.
De mon prochain et de ma conscience.
Quand je restreins le bien à ce qui me fait du bien, sans écouter les principes des sommets, je produis du mal, je me fais du mal, visible ou pas, mais je fais du mal à toute la société.
Car inévitablement et je blesse la nature et quelqu’un va payer. Les petits généralement.
Mais cela va plus loin.
Dans la foi, je sais que non seulement j’abîme ma conscience, mais j’abîme mon dessein éternel.
J’abîme de façon infinie le plan d’amour de Dieu sur moi et sur le monde.
Cela veut dire que n’importe quel péché obscur, petit péché inconnu de tous que je fais quand les enfants dorment, réclame justice de la blessure que je fais à l’amour infini de Dieu.
Une loi qui provient de cas particuliers, qui protège ces cas particuliers, est une loi qui contient en elle-même des semences empoisonnées parce que son fondement ne sera pas la vérité, mais un intérêt.
Même si cet intérêt est noble (la santé du lépreux était un noble intérêt pour lui) ou même si cet intérêt est envié de tous.
Pour finir nos actes, nos œuvres, nos devons les suspendre à la vérité qui n’est garantie que par Dieu, par Jésus Christ, par l’Église.
Sinon nous sommes ce lépreux qui est tout content de sa guérison, mais qui perd la grandeur de sa vie. Et qui blesse l’Eglise.
Pour Dieu, toute joie, tout malheur aussi, est une invitation à appeler sa lumière de vérité et d’amour infini.
Plus nos choix et nos œuvres sont ajustés à Jésus Christ, plus ils deviennent intenses et puissants. Et nous porte au-delà de nous-mêmes.
Il nous demandent sacrifice bien sûr, mais ils plongent dans les profondeurs du Saint Esprit… qui couronne nos joies .

Cinquième dimanche 2024

Vérité et démon

Petite mise au point de ma dernière homélie, dimanche dernier.
Certains m’ont posé une question qui revient à peu près à cela :
 » mais étant marié peut-on atteindre la sainteté ?
La sainteté n’est-elle pas réservée aux consacrés célibataires ?
Le propos de Saint Paul était que l’homme ou la femme mariée ont des soucis qui viennent du monde et du couple.
Réponse très brève :
Le but de tout homme et de toute femme c’est de devenir saint. d’entrer dans le royaume de Dieu, le paradis, l’union à Dieu.
Or, il ne faut pas rêver, que l’on soit marié ou consacré dans le célibat, il y aura des épreuves. Et généralement des épreuves difficiles, parce que c’est notre cœur qui doit être purifié. Mais ces épreuves auront une teinte différente selon notre état de vie.
Pour quelqu’un de consacré, le combat spirituel aura davantage un goût de confrontation avec le démon dans le désert.
Je dis ‘davantage’, parce que un homme ou une femme consacrée n’est pas désincarné, il a des affections, des désirs, et un rapport avec le monde, mais qui seront plus simples que ceux le couple ou d’une famille.
Le consacré vit les dimensions charnelles, bien sûr, il ne peut pas s’en abstraire, mais il les rejoint par l’autoroute qui traverse le désert.
Il vivra ses épreuves de sanctification plus rudement mais avec moins de brouillard, le brouillard du monde.
Les couples mariés ont la même destination que les consacrés, mais le jeu principal, en tout cas celui qui se trouve en première ligne, c’est l’itinéraire par les petites routes.
Autre conduite.
Autre paysage où la nature impose d’autres trajets.
Les épreuves d’un couple et d’une famille seront davantage teintées de la lourdeur du monde et des brouillages des désirs de la chair et des variations des affections.
La chasteté du consacré se fruste du signe de la chair pour goûter à l’intimité de Dieu par la seule expérience de la grâce. ( S’il vit, bien sûr en droiture de foi, de doctrine et de fidélité à l’Eglise. Sinon, c’est un faussaire, il est pire que tout)
La chasteté des mariés goûte au signe du corps de l’autre pour accueillir l’amour invisible et pur de Dieu. ( cela ne s’applique bien sûr, qu’aux familles chrétiennes, qui visent la sainteté. quant aux autres, je dirais elle tâche de nager au minimum dans de l’approximation, et au pire dans du n’importe quoi)
En tout cas il n’y a aucune condition facile. Et c’est le Seigneur qui décide d’une vocation au célibat, signe et avant-goût de la vie éternelle.
Je préférais donner ces quelques nuances pour éviter l’opposition entre les deux chemins. Pour éviter que quelqu’un puisse se glorifier.

Mais je reviens à l’Évangile d’aujourd’hui…
Très curieux l’attitude de Jésus…
 » il empêchait les démons de parler,
parce qu’ils savaient, eux, qui il était « .
Cela veut dire d’abord que les démons ne sont pas benêts. Ils savent avant les autres la vérité de Jésus.
 » tu es le Saint de Dieu !  »
Cela veut dire aussi que la Vérité, la Vie, le Chemin, dérange le mensonge.
Ça m’est toujours une cause d’étonnement profond :
Pourquoi la vérité menace le mensonge, le gène dans son existence ?
Pourquoi sort-il de son trou quand il renifle l’odeur de la vérité ?
Il pourrait faire sa vie et ses affaires tordues, dans son trou, le Lucifer, et de se désintéresser de ceux qui font le bien…!
Eh bien non !
Il provoque, il bravade, il tourne comme un lion rugissant…
Il se montre dans tout son ridicule.
Ridicule, mais ridicule toxique.
Pourquoi ?
Voici une réponse :
C’est que le démon, le menteur, je l’appellerai aussi le désobéissant, il est éternellement dépendant de la vérité et de la lumière.
Il ne peut exister qu’en parasite de la lumière.
Il absorbe la lumière pour la polluer.
Mais en même temps il se sent condamné par la vérité qui lui rappelle en permanence qu’il est un raté de la Création.
Qu’il s’est raté dans son choix essentiel…
C’est horrible… Et bien oui !
Être esclave de son ennemi, qui est Dieu, qui le fait vivre et qui est toujours vainqueur. C’est le sort des démons..
Cela veut dire que les démons ne sont pas dans un pays lointain à jouer leur cinéma entre eux. Ils sont pendus à la gorge de la vérité qu’ils veulent saigner.
Le plus près de la vérité pour l’abîmer. Jusqu’à paraître être la vérité.
Et la vraie vérité n’en a que faire, parce que son chemin est libre, libre de la liberté divine, et qu’elle est toujours plus féconde dans la pureté.
Même si elle traîne comme une casserole le démon qui s’est attaché à elle.
Le démon agit toujours en fonction des autres.
Lui qui a fauté pour rester indépendant, c’est le plus relatif aux autres de tous les êtres créés.
Car celui qui est dans la vérité marche droit.
On pourrait dire aussi que la vraie vérité est un aigle noble qui joue dans son ciel, et que les vautours n’arrivent pas à l’imiter.

Troisième constatation :
Les démons peuvent dire la vérité et Jésus n’accepte pas une vérité, pourtant bien vue, de leur bouche.
Une vérité de démon, c’est nocif.
Parce qu’une vérité de démon cache toujours des wagons remplis de matières toxiques.
Ils utilisent une locomotive de toute beauté pour tirer des wagons déglingués qui feront dérailler le train.
Enfin quatrième constatation :
Il n’est pas bon pour la lumière d’être estampillée comme officielle.
La lumière est d’autant plus féconde qu’elle est silencieuse et humble.
L’amour aussi d’ailleurs.
Moins on en rajoute, plus on s’efface devant la Source, et plus la vérité irradie d’un cœur pur, plus elle est dans le cœur de l’affaire.
En ce qui concerne Jésus, il devait même être toujours en retrait de sa puissance de lumière, sinon il aurait vécu en transfiguration permanente.
Il est clair que la beauté de l’Église se découvre dans les petits, les silencieux, ceux qui ne font pas d’effets de langue ou de manche…
Je me condamne en disant cela, puisque je parle trop, mais je l’admets.
Bien des pauvres de notre sainte Eglise passeront avant moi et mes paroles aux réjouissances du Royaume des cieux.
Parce que le diable ne les aura pas vu passer.
Le diable se méfie moins de ce qu’on ne voit pas, parce que lui, il faut qu’il se montre.
Les anawims, les pauvres du Seigneur, les nuls du Royaume, seront avant moi et beaucoup d’autres bavards, et Jésus les aime.
Ceci dit, Jésus est vainqueur.
Alors que ce soit avec les premiers de la classe, comme Saint Jean ou la Vierge Marie; Que ce soit avec les impulsifs comme Pierre ou Paul;
Que ce soit avec les discrets comme Nathanaël ou Jude;
Que ce soit avec les rebelles comme Thomas, ou les inquiets comme Philippe;
Ou que ce soit avec les indifférents ou les démons de toute catégorie,
Sa grâce sera victoire.