PAQUES 2023

En fait, au matin de Pâques, que reste-t-il à Sainte-Marie-Madeleine ?

que reste-t-il des apôtres ?
Vraiment pas grand chose.
Ils n’ont pas dormi.
Impossible de dormir une demi-heure après toutes les émotions et l’écroulement de ces
deux jours.
Ils n’ont pas faim.
Ils ont envie de rien dire.
Ils parleront, mais bien plus tard.
Que le reste-t-il ?
Un petit souffle de respiration et une prostration de honte, d’échec, même pas de révolte.
La révolte c’est avant.
L’anéantissement c’est maintenant .
Marie-Madeleine..
C’est la première qui va sortir de son anéantissement.
Peut-être parce qu’elle en a vécu d’autres.
D’autres fois.. où son cœur s’est arrêté, puis il est reparti comme il a pu.
Abîmé, avec un goût de mort, mais il est reparti à chaque fois plus lentement, plus sombrement.
C’est la première qui a pu affronter le tombeau au matin de Pâques.
Elle a pu franchir le ravin.
Parce qu’elle était déjà descendu dans le ravin.
Avant.
Les autres, ils faisaient leur première expérience du vide sidéral de leur intelligence et de leur conscience.
C’est une très mauvaise chose de donner à quelqu’un tout ce qui lui faut.
À un enfant, tout ce qu’il lui faut et bien sûr ce qu’il ne lui faut pas.
À un adolescent, tout ce qu’il lui veut.
À un mari, tout ce qu’il lui faut.
À une épouse… Heu.. on n’y arrivera pas, de toute façon..
Être saturé, c’est une bien mauvaise chose, pour tous.
Pourquoi ?
Parce que le Christ est ressuscité !
Ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que la grâce, l’amour, surgissent dans le manque, dans la solitude, dans le silence.

Un monde où il n’y a plus de solitude, de silence… et de manque, où l’on croit que nous devons être comblé de tout, c’est un monde qui n’aura jamais de résurrection.
Mass’oud de Tour Abdin disait :
par le commerce avec l’homme ( autrement dit par des relations nombreuses) se déchire le glorieux vêtement de la solitude qui unit à Dieu.”
[ exhortation à la vie solitaire]
C’est dans le désert que la présence de Dieu se fait la plus intense, la plus proche de chaque battement de notre cœur.
C’est dans l’abandon que la lumière du Christ surgit avec netteté.
Je vois très mal l’apôtre Jean arriver, essoufflé, au tombeau et s’asseoir avec Pierre et discuter de la situation ?
il vit et il crut”…
Si belle formule du don d’intelligence de l’apôtre Jean.
Il n’y a aucune place bruyante entre il vit” et… il crut”
Parce que la foi vive elle n’est pas dans un état des lieux documenté.
La foi vive c’est le Christ qui saisit l’esprit par une intuition imparable.
Il est vivant…
Il est ressuscité !
C’est magnifique de voir que la première certitude que le Christ est ressuscité n’est pas dans une apparition comme il en sera par la suite.
Elle est dans trois actes de foi.
Celui de Marie-Madeleine :
Un ange lui dit : “il n’est pas là, il est ressuscité
C’est vrai qu’elle aura aussi son apparition :
Marie Rabbouni
ne me touche pas
Comme ça dû être dur pour Marie Madeleine.
Lâche mes pieds…”
C’était la condition.
L’Acte de foi de Jean :
‘Il vit et il crut’, devant le tombeau vide.
À partir de son cœur vide.
Et puis, acte de foi de Pierre.
Qui, en même temps, a dû savoir qu’il était pardonné.
Jésus pendant ces 3 ans avec ses disciples avait inscrit son existence si profond dans leur cœur, dans leur espérance, qu’il devait rejaillir du plus profond de leur désolation.
Il pouvait ouvrir leur intelligence à une compréhension transparente de tout son message et de son être.

Pour qu’ils puissent, ensuite… être féconds de l’amour pour le monde.
Mais cela viendra à la Pentecôte jusqu’à nous.
Le mouvement de la foi est ainsi…
Une grâce infuse fait jaillir une intuition.
Et nous nous rendons compte que tout concorde, que tout s’harmonise, qu’il ne peut pas en être autrement que le Christ soit là, tellement sa lumière devient pure et éclairante.
Comme le dit Saint Jean de la Croix :
dans la solitude des profondeurs de notre cœur, l’âme ne sent pas qu’elle avance ou agit.
C’est Dieu qui la porte dans ses bras.
Le Christ ressuscité, nous ne pouvons pas l’embrasser.
Nous ne pouvons pas lui saisir les pieds…
C’est lui qui nous porte dans ses bras.
On voudrait toujours se retourner, le saisir.
Mais c’est lui qui nous a saisis.
Par ses absences, nous croyons.
Par sa présence, nous jubilons et nous aimons.
Vous voyez, frères et sœurs, il y a une petite subtilité.
On découvre que le Christ est là, que le Christ est vraiment ressuscité, quand on croit qu’il
n’est plus là.
Mais ça ne suffit pas…
Quand on croit qu’il n’est plus là Avec un cœur enflammé de désir.
Quand notre cœur est vide de toute chose autre que le Christ.
Quand il suit un chemin caché de solitude ou d’incompréhension…
Le Christ n’est pas loin.
Il creuse sa présence pour faire resplendir sa grâce de Ressuscité.

NUIT DE PAQUES 2023

Il y a presque deux fêtes de Pâques. Et même davantage…

Il y a la Pâque de la nuit, nous y sommes.
Et il y a la Pâque du petit matin de la Résurrection, quand on se réveillera.
Et puis les Pâques des jours qui suivent. A chaque apparition de Jésus.
La Pâque de la nuit, cest la Pâque sans témoin.
Cest ce quil se passe maintenant, dans le silence du tombeau du Christ.
Ni vu, ni connu. Pour linstant.
Cest peut-être le cœur de laffaire.
En ce moment dans le mystère divin, un miracle saccomplit.
Personne ne sait.
Cest un peu comme une secousse sismique. Elle se produit dans les entrailles de la terre,
parfois à des kilomètres, aux origines des failles.
Et puis, son mouvement va faire écho jusqu’à la surface et provoquer des répliques.
En ce moment, nous fêtons, la victoire dans le secret de la vie sur la mort.
Marie-Madeleine, les apôtres, puis lEglise toute entière accueilleront et prolongeront les
secousses de cette victoire.
Nous fêtons un événement qui nest pas de notre monde.
Dans quelle vie nous sommes embarqués ?
Jusqu’à maintenant, Jésus faisait le pont entre la terre et le Ciel.
Mais il faisait le pont à partir de la terre. Il s’était incarné, il avait vécu sa vie obscure à
Nazareth, il avait prêché et aimé ses disciples et les autres… mais à partir de la terre
pour les inviter au Ciel de son Père. Et le sien.
Mais cette nuit, il change de poste de contrôle.
Il continue de faire le pont, mais à partir du Ciel.
La Résurrection est un événement en dehors de lHistoire.
Cela veut dire que nous ne pouvons pas la connaître historiquement.
Les apôtres eux-mêmes ne saisiront pas le phénomène résurrection.
Le Christ ressuscité apparaît et disparaît subitement.
Il ne vit plus avec ses apôtres.
Il se montre mais sans demeurer.
Il dit quelques paroles, mais il défie le temps et lespace.
La vie, fondamentalement ne tient pas au temps et à lespace. Elle tient de lamour et de
la relation, qui lun et lautre ne se mesurent pas.
Notre monde veut réduire la vie à des mesures defficacité et dintérêt ou encore à des .
Mais il se trompe doutils et passe à côté de sa cible.
Le monde tournerait plus limpide et pur, et plus beau sil admettait que lamour
attention je parle du bel amour, pas de lamour de deux animaux qui se rencontrent Sil admettait que lamour est dun autre ordre quun fonctionnement économique, et

même quun fonctionnement psychologique, politique…
Avec la Résurrection, Jésus nous appelle au-delà de notre histoire.
Au delà de nos blessures psychologiques,
Au delà de nos péchés mêmes.
Au delà du temps et de notre situation de vie.
Regardez les enfants ( et les plus grands…) quand ils sont devant un jeu vidéo ou un film.
Ils ne sont plus dans le temps du présent.
Ils ne sont pas dans un autre temps, ils sont en dehors du temps et de lespace où ils se
trouvent pourtant.
Il y a quelque chose de similaire avec le phénomène de la Résurrection du Christ.
Si nous sommes avec le Christ ressuscité, dans la foi, nous sommes ensevelis dans une
autre dimension, un autre esprit qui na pas de dimension.
Et nous nous retrouvons dans les flots de lamour de Dieu qui sappellent dailleurs lEglise.
Vous comprenez que la Résurrection de Jésus nous fait passer derrière l’écran.
Et qualors nous naviguons dans la foi, dans la grâce, bien plus réelle et fondamentale que
nos circuits passagers.
Et par la même, nous échappons à nos péchés, comme le dit et répète saint Paul.
Christ est ressuscité ! mais avec cette alchimie divine qui sest réalisée en dehors du
temps, hors du tombeau, nous exultons de joie.
Nous sommes libres parce que Le Père a achevé son œuvre par la Résurrection de son
Fils.
Sans la Résurrection, le sacrifice du Christ aussi méritant et sublime quil soit ne
vaudrait rien, parce que nous resterions dans notre circuit abîmé de vie terrestre.
Si le Christ nest pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés,
[1 Co, 15, 17]
Cest quand même fort de café cette phrase de saint Paul.
Lamour du Christ ne suffit pas à nous sauver. Alors même que cet amour est infini.
Ce qui nous sauve, frères et sœurs, et en cela nous sommes à 10000 lieues des questions de notre monde ! ce qui nous sauve cest que le Christ nous appelle à partir de la vie éternelle.
Et cet appel nous fait passer derrière l’écran du péché et de nos limites.
Le Christ est ressuscité Ce nest pas quil est revenu à la vie.
Le mot revenu veut dire retourner en arrière, reprendre vie…
Non ! le Christ est passé dans la vie éternelle doù il nous appelle. Une autre vie.
Cest très important, cela…
Jésus a fait toutes choses nouvelles.
Il ne revient pas en arrière, fusse pour revenir à la vie.

La Résurrection nous place hors du temps, dans lespace de lamour qui nest pas un espace mais un bonheur de vie éternelle, de notre être profond davant le le péché.
Cest important, parce que notre foi ne nous invite pas à sortir de notre tombeau comme Lazare.
Cela c’était un miracle encore à notre portée, si je puis dire.
Notre foi nous invite à crever le plafond de notre chair et à nous propulser dans la vie
éternelle.
Comment ? Par le chemin du ressuscité !
Nous ne sommes pas faits pour guérir et retrouver la bonne santé.
Dieu est toujours en acte de surabondance.
Nous sommes faits pour entrer dans une vie nouvelle qui dépassera de beaucoup la vie
présente.
Et cette vie vie nouvelle nous lappelons vie éternelle en laquelle notre corps vivra selon
un autre mode.
Totalement harmonieux de la grâce de Dieu et de notre âme purifiée.
Une vie de véritable amour en parfaite vérité avec nous-même.
Le Christ est ressuscité, ça veut dire que nous commençons dès maintenant à vivre de la vie éternelle.
Et cette vie éternelle, elle modifie notre âme là maintenant dune sève dune autre vie qui
la purifie de tous nos péchés.
Quand nous allons nous confesser, frères et sœurs, nous allons boire un verre de vie
éternelle qui vient de la Résurrection de Jésus .
Et votre âme ressuscite. Ce nest pas plus compliqué que cela.
Quand nous communions, nous communions au Christ ressuscité et nous mangeons notre
résurrection.
Il reste quand même quelque chose qui attend pour être en parfaite joie :
Ce sera notre corps glorieux. Eh bien, lui, il exultera en dernier quand notre âme pourra
lui offrir la participation à sa Gloire et à ses délices au Ciel.
Mais en tout cas, notre foi nous assure que le chemin de la Résurrection nous a été
ouvert pendant cette nuit du 9 avril de lan 30 et que notre destin est de vivre en union
damour avec le Christ qui vit actuellement mais hors de notre temps, sa gloire lumineuse
dans sa dimension spirituelle et corporelle.
Cest fantastique, rien ne manque avec ce dernier acte de son Plan damour pour nous.

Pâque juive- Eucharistie Dépouillement de Jésus

« Le sang sera pour vous un signe, sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang, et je passerai : vous ne serez pas atteints par le fléau dont je frapperai le pays d’Égypte.

14 Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C’est un décret perpétuel.. »

Ça c’est le livre de l’Exode au chapitre 12     (Ex 12, 12,14)

Ce repas de la Pâque, présidé par Jésus…
Ce repas de l’avant-Pâques, si important pour nos frères juifs…
Le même livre de l’Exode fait commencer l’année par le mois de la Pâque
” ce mois sera pour vous en tête de tous les mois” (Ex 12, 2)
Le premier jour, c’est le jour de la création. Le premier mois c’est le mois de la Rédemption. de la Libération de la Pâque.
Bref, Jésus, Dieu fait homme, prends le pain.
Celui qui officiait à ce repas de fête, chez nos frères juifs, prenait le pain et disait en araméen cette prière :
‘ Voici le pain de misère que nos ancêtres ont mangé dans le pays d’Égypte. Quiconque a faim, qu’il vienne manger, cette année ici, l’année prochaine dans le pays d’Israël, cette année esclave, l’année prochaine, libres ! ‘

Il y a tout un cérémonial de mémoire pour la Pesah juive.
La Pâque.
Le Maître du repas rappelle les trois éléments dont il faut absolument faire mention :
‘ L’agneau Pascal, dont le sacrifice permis que Dieu, le Saint, béni soit-Il, épargne les maisons des Hébreux en Égypte… Etc…’
‘ Le pain azyme c’est-à-dire  levain, dont la pâte n’avaient pas eu le temps de fermenter avant de partir d’Égypte…
‘ Et puis les herbes amères..
Parce que les Égyptiens rendaient la vie amère à nos ancêtres en Égypte.’
Le maître du repas le disait ainsi.

Jésus va tout reprendre.
En deux petites phrases.
Le sommet du génie.
Le génie divin.
Il va reprendre la Pâque et la mettre au présent pour l’éternité.
L’Agneau, c’est lui :  Son corps, livré pour vous.
Le pain sans levain, ce pain de misère, c’est son humanité. Ce pain, c’est son Corps, auquel nous pouvons communier.
” Prenez et manger .”
Et ces herbes amères qui représentaient les travaux pénibles des Hébreux en Égypte, deviennent le goût amer de la croix du Christ, de son sacrifice d’amour.

Jésus bouleverse tout en deux phrases.
Quand on reprend les prières du hallel, c’est-à-dire du Mémorial de la sortie d’Égypte, repris par nos frères juifs, et que connaissaient très bien Jésus et ses apôtres, bien sûr, toutes les paroles glissent en faveur du sacrifice divin de Jésus :
Il était dit :
” il nous conduit de l’esclavage vers la liberté, ( Dieu… ) de la détresse vers la joie, du deuil vers la fête, des ténèbres vers la lumière, de la servitude vers l’affranchissement.. Etc…”
Toute la Pâque du Seigneur, de notre Seigneur Jésus, correspond exactement à la Pâque juive.
Dieu a fait œuvre merveilleuse par cette correspondance inouïe, d’un homme, d’un homme Dieu incarné qui reprend toute l’histoire, récapitule toute l’histoire par son sacrifice qui libère, non plus un peuple, mais notre cœur à tous.
L’Agneau, le Christ sur la croix, partagé à chaque messe par le pain qui est son corps donne une dimension libératrice infinie pour la liberté de l’homme, pour le salut de l’homme.
Pas de l’homme en général seulement, mais notre cœur à nous.
Frères et sœurs, c’est complètement fou, c’est vrai.
Mais tout se tient merveilleusement.
Nous mangeons le Corps divin de Dieu, et l’histoire du monde devient lumineuse.
Et nous entrons dans notre joie la plus intense.
Le péché qui perturbe nos journées et alimente nos angoisses, perd de son emprise sur nos vies. Comme les Hébreux qui se sont libérés de l’emprise de l’Égypte totalitaire.
Toutes nos disharmonies personnelles trouvent une solution.
Il suffit de manger le Corps du Christ sous l’espèce du pain et nous nous retrouvons à l’endroit central de l’histoire du monde, de l’histoire de l’Église, et de notre propre histoire.
Mais au point qui est lumineux, comme Dieu le veut.
Et par ce geste de partage et ses paroles, Jésus va enrichir cette action de grâce vers Dieu d’une dimension nuptiale.
D’une union de cœur à cœur entre Dieu et les hommes, pauvres.
Saint Jean dans son Évangile aurait pu se contenter de cette lumière magnifique de l’amour de Dieu exprimé par le sacrifice. C’était le classique du judaïsme.
Mais il va nous surprendre une nouvelle fois en apportant un élément nouveau.
Jésus se met aux pieds de ses disciples.
Jean aussi est un génie, et s’il décrit si précisément cet abaissement de Jésus devant ses apôtres, c’est pour labourer notre cœur au plus profond.
C’est pour rendre notre âme conforme à la grâce lumineuse de Dieu.
Pourquoi ?
Quand Jésus se fait le serviteur, quand il prend le rôle de l’esclave, il est à quelques heures de mourir. De mourir ignoblement.
Humainement, il aurait pu placer la Transfiguration à ce moment-là, pour raffermir de façon définitive la foi de ses disciples.
Il aurait pu les enseigner sur la puissance de la présence de Dieu son Père.
Or, il balaye toute dimension politique, toute dimension intellectuelle, tout effet psychologique.
Jésus va entrer dans sa Passion sans aucune arme.
Jésus ne veut que la vérité qui ne sera protégée par aucun pouvoir.
Vous savez frères et sœurs, on peut vivre vrai avec de l’argent.
On peut vivre vrai en ayant une place de pouvoir.
On peut vivre vrai avec des dons et des qualités éblouissantes.
Mais quels que soient nos efforts de générosité ou d’humilité, l’argent terni la vérité.
L’argent propose une assurance qui emballe la vérité et l’amour d’un voile artificiel.
L’autorité détourne la vérité du cœur comme un parfum recouvre d’autres odeurs plus simples.
Je me rends compte en tant que curé ou même que prêtre.
La vérité et l’amour sont des plantes fragiles qui se sentent mal au contact du pouvoir, quel qu’il soit.
Enfin, tous les dons qui nous enrichissent, soit, mais justement, parce qu’il nous enrichissent, dénaturent la pure spontanéité de la vérité et de l’amour.
Quelqu’un de pas très doué ou quelqu’un qui a perdu ses dons, va resplendir de simplicité, de pureté, de limpidité vraie.
Il pleurera sur le manque de qualités et il ouvrira des délices de subtiles expressions d’humilité vraie.
Il n’y a qu’une catégorie de dons qui respecte la lumière humble et vrai d’un cœur pur :
Ce sont les dons du Saint-Esprit, quand ils sont vécus dans ce qu’ils sont vraiment : un principe actif de sainteté. Eux ne troublent rien, au contraire.
Et bien, Jésus la veille de sa passion à tout déposé au pied de ses apôtres.
Il va vivre ces derniers moments sur terre dénudé de toute qualité humaine, de tout pouvoir quel qu’il soit, sinon celui de la vérité et de l’amour.
Ce n’est qu’avec un tel esprit que nous pouvons communier à son cœur divin.
Pour communier dignement au Corps et au Sang du Christ, nous devrions avoir un dépouillement extrême de tous biens intérieurs et extérieurs.
Les trois premiers évangiles avait présenté avec force l’Eucharistie du Seigneur, cette première messe sacrificielle du Sauveur du genre humain.
Il revient à Saint Jean de nous introduire dans les dispositions les plus parfaites pour recevoir le Corps du Christ.
Dispositions d’humilité, affamé de vérité.
Si nous avions conscience de la plénitude du sacrifice du Christ quand nous nous unissons à Lui par l’hostie de communion, consacrée…
Si nous entrions, avec un don total, dans ce mystère d’union nuptiale avec le Christ.
Et si nous nous présentions, uniquement suspendu par une faim d’amour et de vérité au sacrement de l’Eucharistie… sans aucune autre protection.
Nous mourrions de bonheur et d’accomplissement.

 

RAMEAUX 2023

Nous venons de revivre ce moment extrême de notre Histoire : le sacrifice du Christ. C’est le moment fondateur de notre Histoire universelle, mais aussi le moment fondateur de notre vie à chacun de nous.
Notre foi, notre religion et les battements de notre cœur sont tous reliés à ce don d’amour du Christ qui a souffert jusqu’à mourir.
Nous pouvons le ressentir douloureusement ou vouloir l’ignorer, il reste le regard du Christ et ses paroles et ses silences du dernier jour.
Mais comment est ce possible d’aller si loin dans l’amour ?
Pour répondre à cette question, l’Eglise a choisit deux textes qu’on a lus en introduction à l’Évangile. Isaïe et saint Paul.
Avec deux mots qui, étrangement, éclairent le récit de la Passion.
“je me suis fait disciple”
Et puis : ” obéissant… Obéissant jusqu’à mourir sur une croix”
Vous voyez, frères et sœurs, nous sommes dans la pièce au trésor de notre religion. Alors, certains vont savoir apprécier le trésor.
D’autres, parmi vous, vont rester insensibles à la merveille.
Mais je vais vous parler… de l’obéissance…
Très peu cotée en bourse.
Aucune importance, Jésus non plus n’est pas coté. Et pourtant je mise sur lui.
En fait, l’obéissance est inestimable.
Saint Paul, d’ailleurs, la donne comme curseur de la vie parfaite.
“obéissez vous les uns les autres..”
Pourquoi n’est-elle pas cotée ?
Parce qu’elle se trouve au sommet d’une vie spirituelle.
Et ce qui se trouve au sommet comme le dit le renard de la fable, parait ” trop vert et bon pour des goujats… ”
Il est vrai que quand on pense ‘obéissance’, on pense au garnement qui gémit pour aller vider le lave vaisselle ou se coucher à l’heure…
L’enfant obéit par intérêt de contrainte (‘ça évitera de me ramasser la raclée par mon père’) ou par intérêt de séduction (‘Maman me donnera une crêpe de plus au Nutela’ si j’obéis..’ )
Son obéissance n’est pas libre. Elle est conditionnée.
Et beaucoup d’adultes vivent sur cette pratique infantile de l’obéissance.
L’obéissance adulte, la vraie, la pure et dure, sur quoi se fonde-t-elle pour être légitime et épanouissante ?

Je ne vois qu’une voie royale, saine, pour obéir: c’est entrer dans une démarche de foi. Je m’explique :
Il n’existe pas de foi sans humilité du jugement.
Et pas d’obéissance adulte sans foi.
Toute action noble, toute action qui nous fait réellement grandir, dépasser nos limites, contient une adhésion, dans la foi, à un guide, à un premier de cordée.
Je sais, ce n’est pas très coté en bourse… non plus.
Le problème c’est qu’on confond tout.
Par exemple, on confond la foi avec nos interprétations.
Ne parlons pas de foi, par exemple quand nous interprétons nous même ou pour les autres des signes, des grâces sensibles…
Notre imagination, notre logique, ou un peu d’intuition suffisent, mais il ne s’agit pourtant que de notre interprétation.
En tout cas, rien de la vertu de foi…
Si je retrouve mes clés de voiture après avoir invoqué saint Barsanuphe, ce n’est pas ma foi qui est me meut, ce sont les connections superstitieuses dans mon cerveau, ou ma naïveté.
La foi commence à exister quand on accueille la parole d’un autre.
Quand on est prêt à accueillir son jugement, qu’il nous semble favorable ou défavorable.
La foi se conjugue avec l’obéissance étroitement. Et c’est le seul sentier étroit qui nous permet de ne pas tourner sur-même.
Sans la foi, notre personnalité prend un mode pervers pour survivre.
Si quelqu’un n’a pas la foi, il est soit pervers, soit naïf.
Vous voyez, frères et sœurs, que cette petite porte que ne peut pas passer le démon : celle de l’obéissance… permet le dépassement de nous-même qui rejoint alors l’harmonie de notre cœur.
Par l’obéissance de la foi nous coïncidons avec notre vérité et nous pouvons vivre l’amour reçu et donné.
«Père, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux»
Croire en Dieu, comme ça…, en général… Ce n’est pas avoir la foi, non plus. Voir Dieu dans la nature, ce n’est pas avoir la foi.
Car, une intelligence normalement constituée reconnaît Dieu dans ses œuvres. Pas besoin de la foi surnaturelle pour cela.
Notre esprit, par un chemin très naturel peut saisir la présence de Dieu dans la beauté et particulièrement dans les merveilles infinies de la nature.
Un rossignol qui chante ( ça y est, il est revenu cette année) ou le pic-vert qui frappe le tronc d’un arbre dans la forêt. Dieu nous fait un clin d’oeil, c’est évident.

La grâce de la foi survient quand Dieu intervient personnellement dans notre vie par la parole de l’Église.
Ça peut être quand on rejoint Jésus par la Bible lue en Église.
Ou Jésus dans les sacrements.
Ou par les vérités de l’Église qui nous indiquent ce qu’il faut croire et vivre moralement. Ces belles vérités qui ouvrent aux profondeurs des mystères divins. Et humains aussi…
Ce peut être par les évêques et les prêtres chargés de discerner les invitations de l’Esprit-Saint.
Vous allez peut être me dire :
Mais Abraham ou Moïse, Noé ou même saint Joseph et la Vierge Marie, sont des géants de la foi, sans pour autant s’être confiés à un homme d’Eglise.
Bien sûr… Parce que Dieu leur a donné d’être des grands obéissants par des grâces spéciales et uniques.
Mais justement nous ne sommes pas Abraham ou la Sainte Vierge. Nous avons la merveille de Jésus qui s’est fait obéissant, pour nous montrer le chemin de l’obéissance . « En tes mains je remets mon esprit»
Nous avons L’Eglise, qu’il a sanctifiée par son sang.
Et qui contient la plénitude de sa grâce. L’Église qui a l’Esprit Saint, qui arrive toujours à parler à travers la pauvreté de ses prêtres.
Et la pièce au trésor, l’Eglise nous en ouvre la porte.
C’est que, avec la foi et l’obéissance nous pouvons atteindre notre stature prédestinée par Dieu.
Nous pouvons dépasser nos pulsions et nos héritages, nos conditionnements.
Bref, nous pouvons atteindre notre liberté qui est de correspondre à ce que Dieu avait prévu et atteindre la paix du cœur et surtout, vivre la mission surnaturelle qui nous est destinée, fusse à travers la croix.
Sans l’obéissance de la foi en l’Eglise, nous barbottons.
Ô… je ne dis pas qu’il n’y a pas de purifications, initiées par Dieu.
Mais alors, le disciple du Christ découvre cette pièce au trésor lumineux…

CINQUIEME DIMANCHE DE CAREME 2023

La tension monte…
C’est normal frères et sœurs.
La tension monte parce que la vie d’un chrétien n’est pas faite pour faire baisser la tension.
Notre vie ne vise pas la douceur d’un Club Med, elle vise la victoire de la Croix.
Ça fait mal oui, mais c’est le passage obligé pour l’appel de la miséricorde sur notre monde abîmé et pour notre bonheur éternel.
Remarquez l’attitude de Jésus au long de ces trois ans passés avec les apôtres.
Jésus étonne tout le monde, par sa sagesse, par la nouveauté de son message, par son assurance, sa pureté et sa profondeur de vues.
Et puis par ses miracles. Ses guérisons.
Mais bien souvent, il évite le spectaculaire.
Quasi, il fait ses miracles à l’écart, parfois à la sauvette, dans la foule.
Et même à distance… pour le serviteur du centurion romain.
Au fond d’une chambre, seul avec deux ou trois apôtres.
Ou sur la montagne, sans autres témoins que ces mêmes apôtres choisis.
Les pharisiens le suivent. Enfin… ils essayent.
Mais ils n’arrivent pas à le suivre partout; dans ses itinéraires et dans sa sagesse.
Et aujourd’hui, nous avons ce miracle de Lazare qui va être déclencheur de la décision d’éliminer Jésus.
Or, qu’est-ce qu’on remarque ?
C’est que, au contraire, Jésus fait monter la tension.
Il reste mystérieux, volontairement, sur cette maladie de Lazare.
Maladie, sommeil, annonce de sa mort…
Il attend même que les choses s’aggravent.
Il attend que la situation soit irrécupérable.
L’atmosphère est lourde.
La résistance des Juifs au fond, est à l’orage.
Les disciples évoquent même sa lapidation.
Les Juifs ont le sang chaud dans la vengeance.
Jésus gène.
Or il est bien décidé à se servir de la mort du Lazare pour franchir un pas décisif vers ce qu’il appelle son Heure.

L’Heure où le Fils de Dieu va être glorifié.
On pourrait se dire : ‘mais c’est imprudent. C’est peut-être même maso de la part de Jésus. Vraiment, il joue la provoc, il joue avec le feu…’
Mais en fait, n’est-ce pas l’inverse ?
Jusque-là, Jésus est obligé d’atténuer sa puissance, de minimiser son identité.
La Transfiguration est le moment-déclic de la libération de sa mission.
C’est le moment où il annonce sa mort sur la Croix avec évidence.
Pourquoi cet épisode de Lazare est-il si important ?
Parce que Jésus, va poser devant les yeux des pharisiens une carte imparable.
Ce n’est pas le jour du sabbat, donc ils n’ont rien à lui reprocher sur ce point-là.
Il n’a aucun rapport avec le pouvoir civil et il ne menace pas l’autorité.
Il ne touche pas aux préceptes de la religion de Moïse.
Il ne dit quasiment rien, sinon à Marie et à Marthe, ses chères amies.
‘ Je suis la Résurrection et la Vie’. C’est pas mal quand même… très fort.
Mais vis-à-vis des pharisiens, il ne les prend pas à partie et il se présente comme compatissant et sensible.
Non pas sur Lazare mais bien plutôt sur tous ces pauvres gens qui sont absolument impuissants devant la mort et la maladie, ses conséquences du péché originel.
Donc, Les juifs qui sont là n’ont rien à reprocher à Jésus…
Au départ on espérait de lui un miracle, et il va faire encore mieux.
Il va dépasser toute imagination.
Et que se passe-t-il ?
Certains Juifs, les Pharisiens, continuent de le critiquer, de le soupçonner.
Et voilà pourquoi ce miracle de Lazare est important.
Parce qu’il est imparable : Jésus redonne vie et pourtant, comme par une logique qu’on ne peut plus arrêter, il pousse ceux qui ont la haine dans leurs derniers retranchements. Cela montre que plus la vérité apparaît, plus elle devient insupportable pour les menteurs. Il ne s’agit pas pour Jésus de convaincre par la vérité.
Car la vérité n’a pas le pouvoir de forcer le cœur.
Un blocage est absurde.
Le cœur mauvais se bloque dans une attitude de refus de la vérité.
Et c’est clair pour les pharisiens.
Devant l’imparable, ils pousseront plus loin encore : ils vont décider de la mort, bien qu’il n’y ait plus aucune raison.
Et quand on regarde les réactions de certains grands athées contemporains, on constate

que le miracle de Lazare leur est très gênant aussi.
La réanimation de Lazare met en évidence le fond du cœur.
Prenons Ernest Renan, par exemple, connu pour son opposition à la foi catholique.
Il est obligé de supposer deux portes de sortie, pour se justifier.
Pour lui, soit Saint-Jean est un menteur. Saint Jean aurait composé une histoire fabuleuse de son invention. Il traite la Bible de menteuse… Il insulte les croyants et les apôtres.
Soit Lazare a fait du théâtre. Un théâtre de marionnette où Lazare se déguise en mort… Bref : minable…. comme arguments. Cela montre le niveau d’esprit d’Ernest Renan.
Pour certains exégètes modernes, des gens qui analysent la Bible, mais qui n’ont pas la foi, saint Jean l’évangéliste, serait un créateur de fable.
Lui qui affirme tant de fois : « celui qui a vu dit vrai et témoigne de la Vérité ! »
Ces intellectuels jugent la Bible par leur propre esprit …
Cela veut dire qu’il ne faut donc pas s’étonner, frères et sœurs, si devant notre Église catholique, l’Epouse du Christ, il y a acharnement pour refuser toute la beauté qu’elle apporte au monde.
La beauté des Saints.
La beauté d’une vraie charité à travers le monde et à travers les siècles.
La beauté de ses œuvres spirituelles et matérielles.
La beauté de sa vérité pour son respect de la vie ou son désir de béatitude et de vie éternelle.
Il est normal, comme après le miracle de Jésus pour Lazare, que les esprits aveugles et durs persévèrent dans leur opposition, jusqu’à la persécution et jusqu’à la mort.
C’est l’Histoire présente et à venir…
Si, devant le Maître, il y a eu résistance jusqu’au meurtre, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait pour nous, pour notre foi, résistance des forces du mal qui nous poussent jusqu’à la Croix.