HOMELIE JOUR DE PÂQUES

Vous savez, chers frères et sœurs, il y a des jours qui ne sont pas comme les autres.
Ou plutôt, il y a des instants qui ne sont pas comme les autres.
Il y a beaucoup de jours que l’on ne verra pas passer.
Des jours qui, dans 20 ans, existeront vaguement comme un wagon d’un train très long de notre vie.
Duquel vous souvenez-vous en 20 ans, des 6115 wagons qui sont passés de notre vie ?
Et puis il y a des jours qui sont comme illuminés par un instant.
Des jours ou une nuit.
‘Illuminés’ ça veut dire où notre sensibilité, notre intelligence, toutes nos perceptions, ont atteint une qualité exceptionnelle, une précision, un éveil qui va envoyer une onde, comme la vitesse de la lumière, sur toute notre vie, à venir et même qui va resplendir sur notre vie passée. La transformer.
Parfois, encore plus rare, la transfigurer !
Notre vie va garder la marque d’une intensité fulgurante.
Et généralement ça se traduit par un changement de vie, une conversion.
Mais pas toujours.
Ça peut être aussi un instant qui confirme un amour, une vérité, une amitié.
Ce petit matin de Pâques, de rien du tout, émergent d’une nuit au sommeil troublé… pour les apôtres.
Ce fut pour l’apôtre Jean, pour Marie-Madeleine bien sûr, et pour l’apôtre Pierre évidemment, l’un de ces instants fulgurants qui changent une vie.
La façon dont saint Jean écrit son récit du matin de la Résurrection, montre qu’il a été foudroyé par une compréhension supérieure qui a changé son existence.
Cinquante ans après cette expérience, 70 ans après cette expérience, Jean se souvient à la moindre virgule près, avec une force de détails de génie, comme un ouvrage de broderie réalisé par chaque coup d’aiguille, de chaque seconde, de chaque inspiration de ses poumons, de chacun de ces pas de course qu’il a posé sur le sol caillouteux.
C’est normal, Jean était un haut potentiel, un être hypersensible de l’amitié et de la grâce.
Tout son Évangile regorge d’une précision de détails extrêmement fins.
Mais là, au petit matin de Pâques, toute sa vie trouve sa consistance, se rassemble en un achèvement soudain.
Toute sa vie va être illuminée, irradiée, par cet instant où il se trouve devant un tombeau vide.
Ca nous fait frémir.
Parce que cette irradiation a été tellement puissante qu’elle va soulever l’Histoire du monde.
Nous vivons, chers frères et sœurs, sur l’intuition inouïe d’un homme – d’une femme et deux hommes – qui ont réalisé jusqu’au fond de leur être, que Jésus qui était mort… et ressuscité.
Que Jésus, qu’ils avaient perdu, vide abyssal dans leur âme, ce Jésus disparu dans une catastrophe d’échec et de souffrance, ce Jésus leur réapparaissait en une nouvelle vie de gloire, tellement inaccessible, tellement intense, tellement chargée de vie…
L’instant, où encore essoufflé, le cœur qui bat rapide :  » il vit et il crut « , c’est l’instant qui fonde toute la vie de Jean, et qui fonde la vie de l’Église jusqu’à l’éternité.
C’est l’instant qui ressuscite toute l’Histoire des hommes.
Sans ce témoignage de Marie-Madeleine, Pierre et Jean, de ces quelques disciples qui ont reconnu le Christ ressuscité, dans les heures qui suivent, et dans les jours qui suivent, nous serions dans une histoire de grisaille.
Wagons sur wagons.
Comme la plupart de tous ceux pas la foi.
Wagons sur wagons…
En ce petit matin de Pâques, il y a ceux qui se traînent, il y a ceux qui sont illuminés par l’intuition surnaturelle, fulgurante, de l’apôtre Jean.
En arrivant au tombeau, Jean vit et il crut.
En lisant ce récit où Jean ‘vit et crut’, ma vie change, ma vie est ressuscitée, je vois et je crois sur ces quatre mots de Jean.
Ma vie prend forme par cette révélation de l’existence divine de Jésus après sa mort.
Et vous pouvez bien m’aligner toutes vos observations ou vos contradictions logiques, je crois que Jean a vu et a cru.
Et je crois que Marie-Madeleine a vu le Christ ressuscité.
Quelle a vu le Christ vivant, et qu’il lui a dit :  » ne me touche pas « .
« Ne me touche plus »
Je crois que Pierre, Jean, Thomas, Philippe, Simon et Jude, Jacques et Nathanaël- Barthélemy, et tous les douze, et tous les premiers disciples, et Paul, et les deux braves sur le chemin d’Emmaüs, et ces hommes et ces femmes privilégiés des premiers instants de la première Eglise, je crois qu’ils ont vu le Christ ressuscité.
Et je n’ai besoin d’aucun autre support qui affaiblirait ma foi.
Ni vision, ni image, ni ange, ni voix ou révélation supplémentaire.
Parce que le Christ ressuscité a changé ma vie.
Et l’Église qui m’a transmis, depuis deux mille ans, ces quatre mots de Jean me nourrit d’un bonheur qui n’attend plus que la révélation parfaite et complète de la vision du Christ ressuscité.
D’une certaine façon, je n’attends plus que d’être ressuscité pour vivre en pleine compréhension du Christ ressuscité.
Jean a vu, porté par une foi puissante, son Bien-Aimé, vivant en Gloire.
Nous le verrons, sans la foi, en vision, le Même, en Gloire infinie, dans l’Eglise du Ciel.

Chers frères et sœurs,  « nous tous chrétiens, nous sommes passés par la mort, la mort de la grisaille, pour vivre maintenant cachés avec le Christ en Dieu.
Quand paraîtra le Christ, notre vie,
alors nous paraîtrons, avec lui dans la gloire. » [Col 3, 1-4]