On est dans la joie ! N’est-ce pas, frères et sœurs ?
Mais en fait, il y a plusieurs joies…
Dans quelle joie sommes-nous ?
Il y a la joie du prophète. Celle qui vit en prémisses l’événement à venir.
Et il y a la joie du cultivateur qui voit pousser les premières pousses ; il voit son champ de blé verdir uniformément.
La joie du prophète est plus complète que celle du cultivateur, parce que le cultivateur peut toujours craindre une détérioration de son champ avant la récolte : par les sangliers, par des orages, ou qui sait… Par le feu ou la maladie, juste avant le passage de la moissonneuse-batteuse.
Le prophète, lui, sait de certitude d’inspiration spirituelle que ce qu’il expérimente en son âme se réalisera.
C’est le magnificat de la Vierge Marie. Mon âme exalte le Seigneur, exulte en Dieu mon Sauveur…
Et pourtant quand elle chante ce ravissement devant Élisabeth, elle n’est enceinte que de quelques jours. Elle sait que le Salut est arrivé, mais c’est encore sur la parole de l’ange, sans autre effet.
Marie, à cet instant est certaine du salut du monde entier; ça passe en elle de tout le frémissement de son être. Elle le sait dans la Présence de Dieu en elle.
Le résultat sera pourtant révélé progressivement, jusqu’à la résurrection de son Fils.
( « et Marie méditait tout cela dans son cœur »… elle méditait : ‘ désormais tous les âges me diront bienheureuse ‘. Elle méditait : ‘ déployant la force de son bras, mon Seigneur disperse les puissants’.
Elle méditait aussi : ‘ il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour’.)
Et elle allait comprendre que tout cela dépasserait son entendement.
Elle a une joie de prophète au moment de la rencontre avec Élisabeth.
Et toute la Bible surfe sur cette joie de prophète.
Abraham, Isaac, Jacob, Moïse – et Dieu sait si ce dernier a du mal à faire comprendre cette joie à son peuple qui a la nuque raide et qui ne veut pas de joie de prophète, mais veut bien davantage quelque chose à se mettre dans le ventre…
Quand Jean Baptiste s’interroge dans sa prison, il doute moins de Jésus que de l’échéance de ses prophéties.
Il est emprisonné et l’une des prophéties de la venue du Sauveur c’est qu’il ‘délivrera les pauvres qui appellent ́,
Jésus pour lui répondre et le conforter cite le chapitre 35 d’Isaïe :
‘les sourds entendent, les boiteux gambadent, les muets parlent…’
Mais par délicatesse, pour que Jean ne parte pas dans un faux espoir, il ne cite pas le chapitre 42 où il est dit en parlant de l’Élu de Dieu, du Messie: ‘ je t’ai désigné comme alliance du peuple et lumière des nations, pour ouvrir les yeux des aveugles, pour faire sortir de prison les captifs et du cachot ceux qui habitent les ténèbres ‘
Jean n’aurait pas compris, parce qu’à ce moment là Jean essayait de recoller les prophéties, qu’il connaissait bien, avec ce que faisait Jésus.
Sauf qu’il ne savait pas, Jean, que l’accomplissement de la mission de Jésus serait… Après sa mission à lui, et après sa mort.
Pour Jean Baptiste, l’erreur, qui est si compréhensible pour cet homme habité de Dieu et de la Loi, c’était de croire que parce que Jésus était apparu tout était réalisé. La victoire, en fait, serait définitivement réalisée sur la Croix glorieuse et par l’Église, œuvre du Saint Esprit dans les cœurs des croyants.
Jean découvrira cette victoire du dessein de Dieu… au Ciel.
La joie des prophètes est toujours partielle, comme la joie de Newton découvrant la loi de la pesanteur n’est pas celle de toute la science ni même celle de toute la physique mécanique.
Et pourtant quelle joie de saisir une étincelle de mystère…!
Alors parlons de la joie du mystère dévoilé tout entier.
Les apôtres sont fascinés par Jésus. Certains seront éblouis de sa lumière de transfiguré.
Quelle joie, chaque jour, de marcher avec un homme hors du commun.
Chaque jour avec Jésus était un festin d’émerveillement, de sagesse et de connaissance de Dieu, de miracles, de paix et de vie éternelle..
C’était la naissance de l’Eglise, progressivement, selon l’évolution spirituelle des 12 pauvres hommes qui avaient donné leur cœur et leur amitié à cet homme, doux et humble, Agneau de Dieu, qui était Dieu avec eux.
On ne peut pas comprendre cette réjouissance du cœur des apôtres.
Ils étaient les choisis pour l’éternité.
Chaque baptisé devrait se sentir choisi pour le bonheur et pour l’éternité.
C’est quand même incroyable, nous sommes élus pour le paradis.
Marie, les douze, quelques saintes femmes, enfin… Sur le chemin de devenir saintes, comme les apôtres, progressivement.
Et qui le seraient parce que Jésus les avaient tous choisis.
Sauf un, qui se révélerait traître.
Choisi pourtant…
Le royaume était arrivé.
Il était déjà là. Dans les cœurs.
Il y a la joie du cultivateur
Il y a la joie du prophète, tellement plus certaine, mais encore partielle.
Il y a la joie de ceux qui ont touché Jésus et de celle qui a porté le Messie.
Ces derniers n’avaient pas une vision d’un aspect du plan divin, ils avaient l’infini avec eux, mais il leur fallait s’ouvrir à cet infini.
Là se trouvait la limite de leur joie. Et ils iront pour la plupart jusqu’au martyre, parce que leur amour les a portés au delà de cette terre, tellement la grâce les a remplis.
Et puis, il y a notre joie, chers frères et sœurs.
La même que celle des apôtres, tellement plus intense et pleine que celle des prophètes et même que celle de Jean Baptiste.
Et même que celle des apôtres au moment où ils suivaient le Messie sur les chemins d’Israël.
Nous avons l’Église, plénitude de la révélation à laquelle Dieu nous a prédestinés depuis la création du monde.
Sauf que…
Nous avons tout cela derrière le voile de la foi et derrière la présence sacramentelle de Jésus
Tout est accompli.
Tout : la Bonne Nouvelle, toute la révélation des mystères, la gloire de Jésus et l’assomption de la Vierge, la profusion de l’Esprit Saint sur l’Église, la libération des captifs,
Les sourds ont des oreilles (pas tous… Ceux qui veulent, mais c’est déjà pas mal, quelques oreilles en état de marche)
Sauf que nous le vivons à partir dans le bruit du monde. Pas grave !
Notre route de joie est dans le désert et dans la solitude de l’Église. (Isaïe 43, 19)
Ce n’est plus en périphérie, c’est réalisé pour nous; sous l’apparence du rite et dans la grâce de la foi.
On attend Noël, mais il est arrivé à Noël ! depuis 2000 ans.
On attend le Sauveur, mais il est arrivé ! il arrive chaque jour au moment de la communion plus parfaitement encore que sur les chemins de Galilée !
On attend le pardon mais Isaïe l’attendait de façon certaine ( ‘ c’est grâce à ses plaies que nous sommes guéris’ [52, 5] et ‘ton époux sera ton créateur, ton rédempteur, le Saint d’Israël dans son amour éternel’ [54, 5, 8]
Alors ? Mais qu’est ce qu’on attend ?
Notre joie attend la disparition du message.
Elle n’attend plus en fait que l’union immédiate et la plus intime avec notre Rédempteur glorieux.
Elle attend l’invasion des Dons du Saint-Esprit qui est commencée depuis notre baptême.
Notre joie attend qu’on dérouille notre cœur…
Car tout est là.
Si proche.
Le Royaume des Cieux… Nous avons juste à pousser la porte. Nous entendons sa musique, nous voyons la Clarté de la grâce, nous sommes enveloppés de sa douceur mais… il reste à passer la porte, encore.
Voilà pourquoi on est dans le dimanche de la joie.
Parce qu’elle est là, (et d’ailleurs, Noël ou pas Noël, nous vivons déjà de la vie de l’Enfant-Dieu. Noël nous aide simplement à raviver notre joie, mais c’est comme à chacun de nos anniversaires : qu’on fête notre anniversaire ou pas nous avons de toute façon la joie d’ être né un jour et d’avoir une année de plus…… )
Donc la joie, nous ne l’avons pas moins et de la même mouture que celle des apôtres qui suivaient Jésus, mais on exultera de cette joie, quand nous – comme eux – nous dérouillerons notre âme et quand nous serons un jour, entré dans le château de lumière.
