HOMELIE DU QUATRIEME DIMANCHE DE PÂQUES – Le Bon Pasteur

L’Église est belle.
Elle est belle parce qu’elle ne cherche pas à être belle.
La première Église des apôtres, de Pierre, de Paul, de Barnabé est pure,  –  je ne dis pas parfaite – mais elle ne cherche pas à se regarder.
Elle découvre avec ses yeux neufs les merveilles de la grâce .
J’aime cette Église libre.

Paul et Barnabé annoncent l’Évangile.. de Jésus-Christ.
Ils annoncent un nouveau souffle sur le monde.
Et que se passe-t-il ?
Un signe. Un signe de la vérité du message.
Et voici ce signe :
Il y a ceux qui ouvrent leur cœur.
Et il y a ceux qui ne supportent pas la parole des apôtres.
Et qui vont mettre en route un scénario que nous connaissons bien. En tout cas classique.
Ils ameutent les alentours, par quelques  phrases assassines,  pour les dénigrer.
Auprès des ‘femmes de qualité’… il y a presque de l’humour dans cette description.
En fait, c’est cela le signe du message de vérité.
C’est le signe de Jésus-Christ. Signe de contradiction.
Jésus est venu apporter ce qui dérange.
Et devant ce qui dérange, c’est-à-dire la vie éternelle, tout simplement le bonheur… il y a trois attitudes.
Toujours les mêmes, je dirais…
Au début Eve n’a pas supporté l’arbre qui portait un mystère.
Un mystère, ça dérange. Dieu appelle au mystère.
Qui dérange parce qu’il invite les hommes à regarder plus loin que le bout de leur nez.
Dieu nous demande de nous convertir. et ça ça dérange.

Donc trois attitudes.
Il y a d’abord l’attitude favorable.
L’attitude de la brebis qui écoute la voix divine, la douce voix divine.
Il n’y a pas de brebis plus forte que celle qui écoute la voix de son pasteur.
Cette brebis là elle est tranquille.
Elle est en position de communion.
Parce qu’elle sait qu’elle se trouve dans un mystère qui est le mystère de la main de Dieu.
Elle se laisse porter dans le mystère.
Quand une brebis a goûté à cette cachette, son cœur palpite dans la main de Dieu, rien ne peut l’arracher à l’amour du Père.
Elle peut courir dans les chemins de lumière, elle peut être essoufflée, elle peut faire le cabri, elle peut rire et même pleurer, être dans de verts pâturages ou dans le désert, son cœur sera toujours en paix.
Ce sont les brebis qui ont trouvé la porte étroite de la bergerie et qui connaissent la voix de celui qui leur apporte le salut.

Au début de l’Église, beaucoup ont emprunté ce chemin d’intelligence.
D’intelligence et de la liberté.
L’Église est belle de ces brebis là.
Et ces brebis sont belles de l’Église.

La deuxième attitude devant la proclamation de la lumière dans le monde, c’est de vouloir s’approprier cette lumière.
C’est le geste de Eve qui cueille le fruit, le geste d’Adam qui partage le fruit.
Il y a un mystère qui nous dépasse, l’Église est un mystère qui nous dépasse, mais certains n’arrivent pas à lâcher leur jugement.
Or un jugement qui ne lâche rien, qui n’accueille rien, il reste très court.
Il garde ce qui lui plaît, il critique ce qui ne lui plaît pas. Il tourne sur lui-même.
Il peut cependant accepter, avec le temps, une purification qui vient de Dieu.

Enfin il y a la troisième attitude.
j’ai croisé, sur le long chemin qui passe à travers les pâturages, des brebis  qui disaient, en bêlant bien sûr :  » on ne veut pas écouter la voix du pasteur. On sait quand même mieux que notre pasteur quel est notre pâturage le meilleur».
Et les voilà toutes guillerettes s’en allant prier, s’en allant trouver des pâturages de piété ou même des pâturages qu’elles appelaient de ‘charité’.
Si vous en croisez une un jour, vous la reconnaîtrez à ce qu’elle est devenue sourde.
Les brebis qui se croient leur propre pasteur deviennent toujours sourdes .
Une brebis qui n’est pas en vérité ne reconnaît pas son berger, ni sa voix ni son allure.
Et comble de drôlerie elle va dire à tout le monde : « ne dites rien au pasteur..  la vraie Église, c’est moi qui l’a connaît…  »
On est dans le ridicule, mais ça fait de la peine.
Parce que cette histoire se termine toujours comme la fable du berger et de ses brebis.
Vous connaissez cette fable de La Fontaine ?
Il y a un loup et un troupeau.
Guillot, le berger, s’aperçoit que le loup a gobé Robin mouton, son mouton chéri.
Et il se lamente… je cite en raccourci :
« Robin mouton, qui par la ville me suivait pour un peu de pain,
Et qui m’aurait suivi jusqu’au bout du monde.
(…)
Il me sentait venir de cent pas à la ronde.
Ah! le pauvre Robin mouton !
(…) [Après s’être plaint de son cœur brisé…], le berger harangue tout le troupeau
Les chefs, la multitude, et jusqu’au moindre agneau, les conjurant de tenir ferme ;
Cela seul suffirait pour écarter les loups.
Foi de peuple d’honneur, ils lui promirent tous de ne bouger non plus qu’à terme.
(…)
Chacun en répond sur sa tête.
Guillot les croit et leur fait fête.
Cependant, avant même qu’il fut nuit il arriva nouvel encombre:
Un loup parut… tout le troupeau s’enfuit.»
Mais attendez ! La superbe conclusion de la fable…
« Ce n’était pas un loup, ce n’en était que l’ombre. » !

Je n’ai quasiment jamais vu d’exception à cette règle.
Une brebis qui a perdu la communion avec son berger elle se retrouve perdue sur sa montagne, aveugle la plupart du temps, stérile de toute façon.
Et j’ajouterai, elle se retrouve assoiffée de vengeance et broutant la rancœur et désirant mettre la division dans la bergerie toute entière.
Pourquoi, je n’en sais rien, mais c’est toujours ainsi.
Ça m’est si habituel que je ne peux éviter un sourire à retrouver cette situation pourtant bien triste.

Pour en arriver là, il lui a suffit de ne pas accepter une seule parole d’humilité.
C’est toujours l’orgueil qui casse la communion.
Toujours.
Dans tous ces genres de situations on retrouve les racines de l’orgueil.
Soit larvé et secret, soit violent et impatient.

En fait, pour ce petit conte de la brebis égarée, il a beaucoup de variantes.

Il y a ainsi des brebis qui se déguisent en loup, (dans les fables de La Fontaine c’est l’âne qui prend la peau du lion. Il finit très mal.)
Une variante c’est qu’une brebis qui se déguise en loup risque de tuer d’autres brebis.
On reconnaît facilement une brebis qui a été tué par une autre brebis.
Le loup, c’est-à-dire le démon, il égorge.
Une brebis qui se déguise, elle va pousser ses amies dans le ravin pour les faire périr.
Ce n’est pas le même mode opératoire.
Là où ça fait de la peine, c’est quand une brebis qui se croit berger est suivie par une dizaine de moutons.
Car elle les poussera tous dans le ravin avant de se déchirer elle-même dans les buissons épineux.

Vous connaissez la parabole du Bon Pasteur qui va chercher sa brebis.
La brebis très haut dans la montagne…
Elle bêle, il la prend sur ses épaules…
Mais si cette brebis a été tondue par l’orgueil, le berger ne pourra pas la ramener au troupeau tant qu’elle ne reconnaîtra pas qu’elle est une brebis perdue.

En fait, il y a un clivage entre ceux qui ont la foi et ceux qui n’ont pas la foi, mais aussi entre chrétiens entre eux.
Il y a ceux qui se reconnaissent comme brebis perdue.
Oh… évidemment, leur laine n’est pas toujours très propre.
Mais elles gardent l’oreille attentive à la voix de leur berger.
Même si elles se sont égarées. Elles bêlent en vérité.
Et puis il y a la brebis tondue par l’orgueil.
Qui paraît même parfois plus propre que les précédentes.
Mais elle ne reconnaît ni le berger ni sa condition de brebis.
Elle peut prendre tous les déguisements possibles pour échapper au berger.
Elle peut manger à tous les râteliers. Celui du boeuf et celui de l’âne.
Elle ne fera jamais l’Église.
Parce que la sève de l’Église c’est la communion puisée puisée au cœur de Jésus.
Communion puisée dans l’intelligence de l’obéissance à son Église.
À son premier pasteur qui s’appelle désormais Léon XIV, et à ses pasteurs qui s’appellent Paul, Barnabé, Augustin, Martin, Edouard ou Jacques…
Obéissance aussi à la Providence comme le vit magnifiquement l’Eglise des premiers siècles.

Deux options mes chers frères et sœurs :
L’humilité de la communion du cœur. Le risque de la foi, profonde et amoureuse.
Ou bien
La tonte de l’orgueil et de son maître ‘le Diviseur’ qu’on ne veut pas lâcher. Et l’égarement stérile dans la nature .