La joie … du pardon
La joie …
La joie c’est comme l’amour elle peut s’élancer jusqu’au ciel de notre âme;
Elle peut se suffire d’un marécage.
Comme il y a un bel amour, il y a une belle joie qui va combler notre cœur.
Et il y a des joies qui rétrécissent le cœur.
La joie, comme l’amour, peut aveugler et être vaine.
Et la joie, comme l’amour, si elle ne vise pas plus haut que notre ventre, ou disons, que nos plaisirs, va obscurcir le jugement, notre clairvoyance, et ne laisser que frustrations.
Alors, comment accéder aux étages supérieurs de la joie ?
Il y a deux chemins, de beauté.
Le premier chemin, c’est de sacrifier des joies qui ne valent pas le coup pour espérer une joie plus pure.
C’est la démarche du Carême.
Dieu répond à notre renoncement de quelques jouissances immédiates par une mesure bien pleine dans notre tablier.
On pourrait dire que c’est la joie de Josué dans la première lecture.
Josué a vécu toute sa vie dans les privations du désert.
La manne permettait de subsister, mais on ne peut pas dire que c’était un festin d’agneaux gras.
Josué est né dans le désert.
Et enfin, Dieu lui donne la joie de la Terre Promise…
Dieu donne au centuple.
Renoncer sans regret à tout ce qui n’est pas Dieu est le chemin le plus efficace pour trouver sa jouissance dans l’union à Dieu.
« plus grande est la pureté de nos pensées et de notre corps, plus aussi grandit la joie de l’esprit. »
Et il y a un deuxième chemin emprunté par les meilleurs.
Je dirais presque un chemin mystique.
Très différent du premier et pourtant complémentaire, auquel nous sommes tous appelés.
Et ce deuxième chemin c’est celui du fils prodigue.
Pas évidemment quand il se dirige vers les plaisirs troubles.
Mais quand il prend le chemin de retour vers le Père.
Le moment de la joie chez le fils prodigue, c’est lorsque son père l’aperçoit du seuil de sa maison et qu’il court au devant de lui.
Ce fils ingrat comprendre qu’il est attendu et il tressaille de joie.
C’est le moment qui correspond au Magnificat de la Vierge Marie.
Il comprend alors que son père pardonne. Qu’il a déjà pardonné.
Et par là, ce Père lui permet de se pardonner à lui-même son erreur.
La joie la plus intense qui ouvre les flots profonds de la paix, elle se cueille sur la fleur du pardon.
Et le père de cette parabole il est dans l’amour parfait, dans le pardon parfait.
Parce que non seulement il embrasse son fils, il l’accueille, mais, ce que ne comprend pas le frère ainé, l’amour du père va déborder dans une joie supplémentaire.
Il va transformer ce retour en festin.
C’est-à-dire d’un mal va surgir une tendresse infinie.
J’ai parlé samedi dernier, du pardon dans la conférence de Carême.
Je voudrais compléter les fruits du pardon.
J’ai évoqué l’humilité, le silence intérieur, une croissance en grâce et en maturité spirituelle.
Le pardon nourrit la pureté du regard et nous libère.
La rancune rétrécit le souffle, le pardon libère la respiration.
Quand, par une illumination intérieure de notre cœur nous accédons au pardon de notre ennemi, alors, vraiment, un goût profond et permanent de la joie nous enveloppes de la tête aux pieds.
Avec un goût de victoire…
Ce goût de victoire, je dirais, couronne la joie qui monte du pardon.
On pense immédiatement à la victoire sur notre adversaire et c’est vrai.
Mais pas pour écraser notre adversaire.
Le pardon permet de vaincre l’empoisonnement qu’il nous a inoculé.
Une blessure profonde qui daterait de l’enfance, empoisonnée, peut perdre son venin si l’on entre dans une démarche de pardon.
Et par là on est victorieux de celui qui a mutilé notre vie.
Ce n’est pas psychologique, c’est surnaturel, c’est un fruit de la prière et du Saint Esprit .
L’intention mauvaise de notre adversaire est désamorcée.
Le motif de son acte mauvais n’arrive plus à me détruire si j’entre dans le pardon.
C’est le premier versant de la joie du pardon.
Mais la victoire, ce goût savoureux, paisible qui nous envahit lorsque nous rejoignons notre adversaire en son cœur, c’est aussi une grande victoire sur nous-même, sur les racines douloureuses de notre être.
La vraie joie c’est quand il y a victoire sur l’ennemi qui nous a fait mal, et victoire sur notre fragilité qui a eu mal.
Parce que le pardon ensevelit le mal dans une onction puissante.
C’est pour cela que Saint Paul répète :
«Laissez-vous réconcilier avec le Christ. laissez-vous réconcilier.
Laissez votre cœur se réconcilier avec lui-même et avec vous.»
Pour nous, pauvres pécheurs, cette réconciliation est toujours progressive, lente.
Pour le Christ elle s’est faite au moment même de la souffrance sur la croix.
Et même, je dirais, qu’elle s’est faite, avant, lorsqu’il a souffert l’agonie du jardin des Oliviers.
Le Christ a tout pardonné avant de souffrir et pendant sa souffrance.
Le Christ est le pardon de Dieu incarné sur Terre.
Si le fils, tête légère de la parabole, est revenu, avec d’ailleurs, une intention pas vraiment pure, c’est parce qu’il sait que son père est déjà pardon pour toutes ses bêtises.
Il est bien dit que le père le regarde avec compassion.
Alors je peux compléter les fruits du pardon :
Humilité mais vérité. Par le pardon, je trouve ma vérité et je rejoins la vérité de celui qui m’a fait mal.
Par le pardon, je comprends le sens profond de la communion charitable et je rejoins la présence du Christ qui me pardonne.
Premier chemin: je veux renoncer à tout pour goûter au regard du Christ qui me pardonne.
Deuxième chemin : mon ennemi me permet de goûter à la douceur de la charité;
Et non seulement me permet de goûter, mais me projette dans le cœur de la tendresse divine.
Je peux bénir mon ennemi.
Car il a la clé d’un trésor que même mon ami ne me donnera pas.
Il me permet d’accéder à la joie, mystique, de la présence de Dieu qui, seule, ouvre les portes du pardon.