Une femme adultère… Prise en flagrant délit…
Pas très glorieux…
Sans le vouloir vraiment, les pharisiens demandent à Jésus une réponse sur deux sujets.
Deux sujets essentiels.
L’amour – le pardon.
Bien que pour eux, l’essentiel, c’est la Loi.
A l’amour et au pardon, ils n’ont qu’une solution : « est-ce qu’on peut la tuer ? »
Elle est trop gênante.
Tout comme, par ailleurs, ils cherchent à tuer Jésus. Trop gênant…
Le cœur de cette femme ne les intéressent pas.
Pour eux, l’adultère est un péché mortel, parce qu’il est destruction de la famille et de la société.
Par la destruction d’une relation fondamentale de la nature humaine.
Ils n’ont pas tort, mais leur solution est humaine. Ils éliminent.
Dieu illumine.
On ne connaît pas les motivations de cette femme.
Déception, ennui, séduction, secret désir de vengeance, ou désir de domination.
Défaillance, ou bien froid calcul.
Peut-être tout simplement faiblesse irraisonnée.
De toute façon l’adultère signifie quelque chose de raté. Il y a un échec.
Quel que soit cet échec, Jésus va proposer une issue, une lumière.
Mais pourquoi l’amour humain est-il si difficile ?
Mais quel est donc cette réalité très complexe qu’est l’amour humain ?
Si complexe et mystérieux.
Qui peut nous conduire au meilleur, et c’est l’exultation de tout notre être
ou au pire, pour la déchéance de tout notre être.
Alors nous devons poser un minimum de repères qui nous garantiront de la blessure profonde.
Quels sont les dimensions de l’amour ?
Ne doit-on pas discerner amour et amour ?
D’abord selon la valeur de l’objet qui est aimé.
Quand je vous dis, frères et sœurs, aimer son poisson rouge, aimer l’argent, aimer la glace à la vanille, aimer les plaisirs, aimer son métier, aimer les poésies de Baudelaire, aimer un copain ou sa meilleure amie, aimer son épouse ou son mari, aimer les pauvres ou aimer le Christ, je pense, j’espère, que vous ressentez une différence de couleur et de densité pour chacune de ces applications de l’amour.
Il y a des couleurs prioritaires qui emportent le fond d’une vie et des couleurs surajoutées. Tout amour ne mérite pas d’envahir notre cœur.
Et puis, il y a la profondeur de l’amour.
Un amour de surface qui racle très vite le fond, par exemple un amour des faits divers, people, la plupart des questions de politique ou de sport, nous laisserons sur notre faim.
Il y a tellement d’autres amours qui ont de la profondeur et nous invitent à aller toujours plus loin dans la découverte et dans l’aventure. Qui réclament quelques efforts il est vrai.
Mais qui nourrissent le cœur.
Ensuite il y a l’intensité avec laquelle on aime.
On peut dépenser pour un amour futile une passion rageuse. Ce sera dommages.
Et on peut aimer profond et précieux de façon molle. C’est dommage aussi.
Évidemment, le top serait de donner tout son cœur avec passion et jusqu’au don de soi pour un amour qui est capable de donner de la joie en retour.
Sinon, quelle déception !
Il y a la manière d’aimer.
Pour un même amour, et pour une même intensité d’amour, certains donneront 3 mots et 5 minutes efficaces, d’autres auront besoin d’une bibliothèque entière et de 30 ans d’explications.
Chacun son style.
Certains aimeront avec un style baroque, d’autres avec un style très dépouillé. Chacun son style…
Il y en aura aussi qui seront très fins en amour, très délicats, très subtils, et d’autres n’auront que des gros sabots dans leur placard.
Chacun son calibre…
Amour délicieux comme un bon vin AOC, ou amour bazooka, plus primitif.
Et puis il y a la pureté de l’amour.
Là c’est une histoire de cristal ou de ciel d’orage.
Il y a de grands amours impurs et tordus, torturés. Qui se vautrent.
Et il y a des amours genre pierre précieuse sans impureté, grande flamme paisible qui monte toujours plus haut dans l’air pur. Tellement séduisant.
On pourrait ajouter qu’il y a des amours qui vont loin et des amours qui viennent de loin, d’expériences qui ont sondé les profondeurs de notre âme et qui s’élancent jusqu’au ciel éternel.
Des amours marqués par le destin et la vocation.
J’appellerai cela la résonance de l’amour.
Après…
Il y a des constances dans l’amour qu’il faut connaître…
Par exemple, première constance, l’amour est unitif.
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Ça veut dire que quand notre âme reconnait quelque chose qui lui convient, un être parmi cent mille, qui correspond à son désir, instinctivement elle va vouloir devenir cet être.
Elle va vouloir s’unir à cet être.
Deux âmes qui se reconnaissent vont inévitablement suggérer au corps de se rapprocher.
Le corps va vouloir suivre le mouvement de l’âme.
C’est réflexe.
Pour que tout l’être soit en communion. Très beau mystère.
Car le but de l’amour, c’est d’être en communion.
Il est important de connaître ces distinctions.
Parce que comme dit Saint Paul tout est permis mais tout n’est pas profitable.
À tous les niveaux de notre être nous sommes appelés par l’amour.
On ne peut pas aimer d’un même amour son chien et son enfant, son épouse et une glace à la vanille.
On ne peut pas aimer son prochain comme on aime Dieu.
Ce sont deux amours qui sont en harmonie mais qui ne sont pas interchangeables.
Sinon, il y aura péché, il y aura imperfection, parfois jusqu’au désastre.
Il y aura meurtrissures de notre cœur.
L’amour ne va jamais sans son escorte qui est d’ailleurs nombreuse.
Le temps et la fidélité font partie de cette escorte.
La vérité d’un amour pour un homme, une femme, s’inscrit dans le temps et la fidélité.
C’est le temps qui permet de fonder un amour pour l’autre.
Le temps purifie la compréhension et favorise le respect de l’autre.
Encore une particularité de l’amour : il invite à être créatif.
L’amour est créateur.
Il réclame, aspire de toutes ses forces à la fécondité.
C’est la fécondité de l’amour qui lui permet de trouver la paix.
Je pourrais ainsi présenter toute la garde-robe de l’amour,
Un des vêtements de l’amour aussi, c’ets le risque.
L’amour est toujours risqué.
Il suppose toujours l’aventure et des choix.
C’est pour cela que l’amour ne doit pas se séparer du pardon.
Le pardon fait parti de la garde rapprochée de l’amour.
L’erreur est inévitable.
Nous la commettons ou elle sera commise sur nous. C’est un passage obligé.
Mais qui ne doit pas nous décourager.
C’est important de connaître ces distinctions.
Parce que chaque amour s’articule avec un autre amour. Chacun à sa place.
Et aucun ne peut être exclu.
Sauf l’amour tordu, et travesti.
Il y en a cependant un qui va garantir tous les autres.
L’amour de Dieu illumine et soutient tous les autres amours.
Sans lui, notre charrette est trop lourde et nos chemins trop cabossés, incertains.
Ça l’air très bête, mais l’amour de Dieu va nous aider à mieux aimer notre chat, à sa place de chat.
Il nous aidera aussi a mieux aimer un tableau de Van Gogh ou de Léonard de Vinci.
Et jusqu’à mieux nous aimer nous-même.
Cette femme, sans nom, traînée devant Jésus, n’avait pas la tête à faire des distinctions.
Certainement pas.
Elle aurait peut-être dû les faire avant.
Mais Jésus va droit à son cœur.
D’abord il ouvre le cœur des pharisiens.
En leur montrant que c’est à partir de la poussière que peut-être tirer la vérité.
Une femme dans la poussière qui rejoint la poussière du cœur des pharisiens.
D’une faute, Jésus en tire une leçon de lumière pour les pharisiens.
Et puis ensuite Jésus touche le cœur de cette femme et le répare.
Pas besoin de dissertation.
« Tu es encore là ? »
« alors si tu es encore là c’est que tu es pardonnée … »
Il n’a même pas besoin de le dire.
À cet instant-là, la femme comprend qu’elle est enveloppée d’un amour qui suffit pour la combler.
Elle vient de rencontrer l’amour qu’elle avait cherché dans des chemins défoncés.
Des chemins d’échecs et de troubles intérieurs.
Elle peut maintenant envisager de ne plus pécher.
Elle peut envisager d’aimer d’un amour le plus précieux, le plus intense, le plus profond, le plus pur, dans le temps et la fidélité, jaillissant de grâces innombrables et fécondes, jusqu’à engager sa vie au risque de la joie.
C’est étonnant, mais en 45 secondes, allez… 70 secondes si on compte les silences de Jésus, sa vie a touché son sommet. Elle a touché sa plénitude.
C’est bouleversant.
Car vraiment une heure avant elle n’y pensait pas…
Le summum de l’amour se trouve dans le pardon.
Et le pardon se trouve dans le regard du Christ, Dieu et homme.