Vendredi saint 2024

Pourquoi ?
Pourquoi ce scandale que Dieu, le Père.. Le Père… a jeté son Fils, le Fils unique et Bien-aimé, en pâture à notre race humaine.
Pourquoi tant de souffrance ?
Il n’y a pas de réponse.
Parce que la réponse ce serait de vivre les souffrances de Jésus.
C’est ce que fait l’Église.
Parce que, avant d’être l’Église de la hiérarchie, l’Église des sacrements, l’Église de la Vérité, notre Église est crucifiée avec le Christ, par amour. Pourquoi Jésus méprisé, broyé par la souffrance, abandonné des hommes et de Dieu?
Je peux essayer un début de réponse.
Je ne devrais pas frères et sœurs, parce que celui qui pressent la réponse, c’est celui qui aime.
Et l’amour je ne peux pas vous le mettre dans le cœur.
Celui qui voit par amour connait la réponse.
La réponse, c’est que Dieu n’a pas voulu – ne pouvait pas d’ailleurs – sauver le monde par l’extérieur.
Comme on sauve quelqu’un qui se noie en lui envoyant une bouée.
Dieu devait sauver le monde par l’intérieur.
Et c’est là que la réponse devient difficile…
Parce que seul Jésus-Christ et descendu à l’intérieur de tout le mal humain. Et l’Église poursuit ce chemin de communion.
Vous voyez comme c’est le lourd.
Un seul enfant, qui en ce moment, se débat pour garder la vie qu’on veut lui arracher dans le ventre de sa maman, c’est déjà insupportable…
Jésus a vécu cette douleur, à l’infini des enfants qui se débattent.
L’Eglise a son cœur meurtri de la même douleur. Et pleure.
Un enfant à qui, en ce moment, on est en train de mentir, ou qui apprend le mensonge, c’est abominable.
Ce mensonge a giflé Jésus à l’infini.
Et l’Église souffre.
Chaque coup de fouet qui a écorché le Corps Sacré de Jésus est chacun de nos péchés qui a meurtri son Cœur sacré.
Et c’est trop…

Un seul de nos péchés peut avoir dans notre vie l’écho d’une douleur qui ne finit pas.

Quand un enfant est malade, sa mère est plus malade que lui de sa souffrance. Elle porte en son cœur le mal-être de son enfant.
Mieux vaudrait qu’elle n’ait pas d’amour pour ne pas souffrir autant.
Et pourtant, l’amour de sa mère permet à l’enfant de guérir.
Et bien, Jésus, Dieu fait homme, a voulu aimer de son amour infini l’homme malade pour qu’il puisse guérir de sa dégénérescence démoniaque.
Et l’Église pleure en nous, chrétiens, de la douleur de son amour pour tous ses enfants qui se perdent.

Jeudi saint 2024

Décidément, Simon Pierre n’a pas encore compris. Dans sa tête ça part dans tous les sens…
 » non tu ne me laveras pas les pieds »
 » si !  » répond Jésus..
 » bon alors lave-moi tout entier !… »
 » non !  » répond Jésus..
Pierre interprète le geste de Jésus comme un rite de purification.
Et Jésus lui dit ‘ c’est pas cela ‘
La purification elle se fait par l’esprit. par l’Esprit Saint.
Oui il en a besoin, mais c’est pas ce que Jésus veut signifier lorsqu’il lave les pieds de ses disciples.
Comment comprendre Jésus ?
Il est bizarre que l’Église donne comme geste exemplaire de Jésus, le jour de la première messe de Jésus – sa dernière aussi – en principal, le lavement des pieds.
Mais en fait, l’Église est géniale pour déployer le sens divin du message du Christ et de l’Évangile.
Pourquoi ?
Hé bien, parce que le lavement des pieds devient lumière lorsque nous participons à la messe.
Plus nous allons participer à la messe, avec tout notre cœur, tout notre être, plus nous allons comprendre le lavement des pieds des apôtres, la veille de la mort de Jésus. C’est peut-être pour cela que Simon-Pierre n’a pas compris au moment même le geste de son Sauveur.
Parce que Pierre n’avait pas encore célébré la messe…
À chaque messe, nous présentons au Seigneur, une petite offrande de pain et de vin. C’est déjà un sacrifice… – nous offrons quelque chose du fruit du travail des hommes, de notre travail.
Pauvre sacrifice…
Mais dans ce pauvre sacrifice, nous nous offrons nous-mêmes.
Dans toutes les religions, le mouvement fondamental est celui du sacrifice.
Et lorsque nous déposons le pain et le vin sur l’autel, nous ne valons pas plus que l’hindou qui brûle de l’encens devant ses dieux, où le musulman qui saigne le mouton. Parce que l’encens, le panier de fruits, le mouton, l’agneau, le pain ou le vin… tout cela n’est que pauvre offrande, sans valeur.
Et d’une certaine façon, tous ces sacrifices depuis l’origine de l’homme, portent la même signification :
L’homme donne une part de lui-même, et à travers ces signes se donne à Dieu, pour que Dieu lui soit favorable.
Très bien…

Le sacrifice est inscrit dans la nature de l’homme qui se place devant Dieu. Un homme qui ne sacrifie rien est une misère d’homme.
Il y aura un grand pas avec Abraham mais surtout avec Moïse, pour que ce sacrifice devienne le sacrifice à un Dieu qui est Sauveur.
Un Dieu qui nous parle.
Non seulement qui nous parle, mais qui vient agir dans notre histoire.
Et qui nous promet une histoire éternelle de bonheur.
Le mouton de la Pâque, pauvre bête, rôti au feu, parle à un Dieu qui aime l’homme et qui va tout faire pour récupérer l’homme qui s’est fait son malheur.
Mais je reviens à notre pain et à notre vin qui attendent là d’être posés sur l’autel. Nous allons nous mettre dans ses dons, nous allons mettre notre cœur devant Dieu.
 » priez frères et sœurs, pour que mon sacrifice qui est aussi le vôtre soit agréable et Dieu le Père tout-puissant »
C’est nous-mêmes qui nous sacrifions, comme nous allons sacrifier ce pain et ce vin. Mais entre notre sacrifice et le sacrifice du pain et du vin ça reste vraiment très pauvre.
Nous offrir à Dieu, nous, pauvres pécheurs, vraiment ce n’est pas faire un cadeau à Dieu…!
Alors qu’est-ce qui va se passer pour que la messe devienne le sommet de notre vie ? C’est au moment de la consécration qu’il va y avoir un changement fabuleux de la valeur de notre sacrifice.
Après Abraham, après Moïse, Jésus va changer le sens de ce sacrifice.
Le Dieu à qui nous l’offrons est toujours le Dieu de Moïse, le Dieu sauveur.
De ce côté-là, rien ne change.
Mais du côté du sacrifice, du pain et du vin, c’est Jésus qui va donner sa valeur en venant habiter ce pauvre petit morceau de pain qui ne pèse rien, cette goutte de vin, raisin pressé de la grappe que n’a pas mangée le sanglier.
Jésus non seulement vient habiter, mais se faire pain et vin.
Absorber la substance du pain et du vin pour se faire lui-même, dans tout son être, sacrifice à Dieu.
Au moment de la Consécration, c’est le Christ qui meurt devant son Père, qui se donne devant nous au Père, qui est son Père et qui est notre Père.
Je n’ai pas perdu le fil de mon propos. Qui était le lavement des pieds.
Par le lavement des pieds, Jésus entre dans le même mouvement annonciateur de la messe, de son sacrifice.
D’abord le sacrifice sur la Croix, et ensuite son sacrifice sur chacun de nos autels, à chaque messe, depuis deux millénaires.

Jésus prend la position d’esclave devant ses apôtres, pour bien leur donner le sens de sa mort sur la croix.
Jésus se met au pied de son Église, pour redonner devant Dieu du plus bas de l’homme, la valeur la plus précieuse de l’homme, devant son Créateur.
Je ne sais pas si vous comprenez bien, frères et sœurs, ce mouvement d’amour du Christ.
Jésus se fait… rien : à genoux devant ses apôtres, serviteur sans valeur qui dépoussière les pieds avec un peu d’eau.
Jésus se fait ‘rien’ : condamné à mort au milieu de deux vauriens.
Jésus se fait ‘rien’ : quelques grammes de pain sans levain et de vin
Mais dans ce rien de pain et de vin, sur cette croix, abandonné de toute consolation, il existe.
Il est le Fils. Il est le Fils bien-aimé, chéri du Père de toute éternité.
Et là où se trouve le Fils, se trouve le Verbe. Le Verbe éternel.
Et là où se trouve le Verbe, le Père donne la grâce.
Le Père pardonne tout.
Le Père pardonne à Pierre lorsque Jésus touche les pieds de Pierre.
Le Père pardonne et donne sa grâce lorsqu’un pauvre misérable regarde Jésus sur la croix.
Le Père nous aime et nous prend dans sa tendresse quand nous communions au Corps de son Fils qui se fait manger par nous.
D’un sacrifice misérable, Jésus en fait l’acte d’amour éternel.
Au moment de la consécration du pain et du vin, nous sommes en présence intime avec le moment où Jésus s’abaisse jusqu’à la mort pour nous.
Et bien sûr la communion à sa divinité et à son humanité sacrifiée, nous emporte dans l’intimité de Dieu !
Parce que Jésus n’a jamais cessé d’être dans la gloire éternelle, uni au Père.
A la messe, simplement, il emporte l’Eglise, c’est-à-dire tous les pauvres croyants qui font un acte de foi en lui,
Il emporte l’Église dans une étreinte d’union d’amour éternelle.
Que voulez-vous…
Rien au monde n’est plus beau, ni plus intense de vie, ni plus rempli de joie que ce que nous offre l’Église catholique à chaque messe.
Nous offrons la Victime sacrée qui rattrape tous nos manques d’amour, pour les ouvrir à la béatitude que nous promet notre Dieu de pardon.
Nous sommes enfants aimés du Père par Jésus-Christ, le même qui était au pied de ses apôtres.
Et demain sur la Croix.
Et aujourd’hui, comme dimanche, ressuscité sous l’apparence du pain et du vin.

RAMEAUX 2024

Frères et sœurs, ne sentez-vous pas dans cette fête des Rameaux une certaine ambivalence ?
Quelque chose reste ambigu.
Rien que la liturgie favorise ce sentiment d’instabilité.
Avant de rentrer dans l’église nous avons lu l’accueil festif que les foules font à Jésus.
Une fois rentrés, nous lisons l’évangile de la Passion…
On ne sait plus sur quel pied danser. Et c’est bien le cas.
Jésus vient à Jérusalem.
Il enseigne et il est épié.
Et puis, il retourne à Béthanie, pour être dans un environnement ami.
Ce n’est pas spécialement facile, parce que tout le monde ne le comprend pas. Ou plutôt, tout le monde ne l’accepte pas tel qu’il est.
Mais à Béthanie, il se repose des tensions.
Quand Jésus est quelque part, qu’est-ce qu’il se passe ?
Il se passe qu’il charge la réalité, les événements d’une saveur de vie.
Chaque parole, chaque geste, prend un goût de profondeur, une forte densité d’existence.
Ça peut paraître aux limites de la normale, – et ça l’est – mais on ne s’ennuie pas ! Une femme lui verse un parfum sur la tête…
Une autre, ou la même, lui essuie les pieds avec ses cheveux.
Il commande un repas, non pas par un coup de téléphone au resto, mais par une vision prophétique.
‘Vous allez rencontrer un tel, vous lui dites cela et il va vous répondre ça.
Il y aura un petit âne, etc, etc,..’
Jésus, c’est de la vie !
Alors d’où vient l’ambiguïté de cette fête des Rameaux ?
Elle vient que nous fonctionnons sur plusieurs étages.
Et que, souvent, – je n’ose pas dire toujours … – nous ne laissons pas circuler la vie entre nos différents étages.
On limite notre fonctionnement de tous les jours à un ou deux étages, presque étanches.
Je m’explique..
Nous avons en nous des possibilités d’amour, de relation, d’ouverture d’existence, presque à l’infini.

Et nous vivons sur un ou deux registres.
Pour les plus courts, ce sera sur une gamme étroite de désirs et de satisfactions. Pour d’autres, l’étage sera celui de leurs intérêts.
Matériels ou spirituels, dont ils tireront satisfaction.
Certains fonctionneront sur un amour pas toujours très pur.
Et en plus on ajoutera quelques péchés cachés qui réduisent encore notre vie.
Il y a quand même un étage supérieur : celui de la foi.
On fait partie de la religion…!
Bien que ce ne soit pas très bien vu maintenant, notre âme sait bien qu’il y a quelque chose de grand et de noble, de valeur, à faire partie de l’église catholique. Très bien…
Mais attention, si on ne ferme pas cette foi au 5° étage.
On peut s’élancer avec nos rameaux à la main, saluer celui dont on sait qu’il est Sauveur.. mais est-ce que nous lui ouvrons notre cœur ?
Est-ce que nous laissons la vie de Jésus irriguer nos journées ?
Si nous devons choisir entre Dieu et faire nos courses, ou faire un footing, est-ce que Jésus entre dans notre choix comme une source ou comme une option parmi d’autres ?
Est-ce que je dois aller faire mes courses ou aller à la messe, ou prendre une heure de prière ?
Réponse : je vais réfléchir. Mais à quoi ?
La réponse c’est que Jésus est notre vie, notre Dieu..!
Le seul qui nous donnera une jouissance éternelle…
Il n’y a même pas à réfléchir.
Sinon notre foi reste une part de nos intérêts, elle reste une option qui n’engage pas notre être.
Elle n’entre pas comme une surexistence vitale qui donne sens à tout ce qu’on fait et pense.
Donc, on peut bien acclamer Jésus, et le moment d’après critiquer l’Église ou son prochain.
Et par conséquent on vit dans l’ambiguïté. On en prend et on en laisse.
Sans s’en rendre compte, nous cultivons nous-même l’insécurité de notre cœur. Parce que notre cœur a besoin de se donner tout entier à celui qui est notre vie.

C’est dans sa nature.
Notre cœur a besoin d’un don entier.
Et quand on ne sait plus placer les priorités dans nos journées, un certain malaise de fond gêne notre âme. Normal.
Notre foi et faite pour transformer notre vie au cœur de nous-même.
Si on l’enferme à un étage, habituellement l’étage d’une croyance qui n’est pas enracinée dans un amour brûlant de Jésus et de l’Eglise, il y aura toujours quelque chose d’ambigu dans nos actes, quelque chose de pas tout à fait vrai.
Parce que ça n’ira pas jusqu’au bout.
On acclame Jésus, mais on se tait s’il faut affirmer notre foi devant des adversaires.
Ou bien, on retourne ce que Dieu nous propose à notre avantage.
Ça veut dire qu’on vit la foi dans son étage mais que notre cœur n’est pas irrigué de l’amour de Dieu.
Notre foi n’est pas un projet, ce n’est pas une morale, une discipline hygiénique pour vivre plus écolo… OU un confort de conscience.
C’est une source féconde qui irrigue chacun de nos instants d’un amour qui prend toute la place.
Comme notre vie, notre foi doit être branchée dans notre corps et notre âme. Et notre monde a besoin de flammes hautes et claires pour témoigner de Jésus.
Des flammes qui montent des sources de notre être et de notre personnalité capables d’éclairer et de réchauffer.
Il y en a heureusement qui se réveillent avec Jésus et dont le cœur bat toute la journée pour lui.
Ceux-là pourront traverser les ravins de la mort avec lui. Pour Lui.

Cinquième dimanche de carême 2024

« Je pardonnerai leurs fautes,
je ne me rappellerai plus leurs péchés. »
Je ne sais pas si le Seigneur notre Dieu n’a pas fait un petit mensonge dans cette prophétie…
 » je pardonnerai leur faute », ça c’est vrai, Dieu a pardonné nos fautes.
C’est le plus extraordinaire de notre foi catholique.
Dieu a été plus loin que la justice.
Il aurait pu s’arrêter à la justice.
Toutes les religions s’arrêtent à la justice.
Et même la religion juive.
Oh, il y a bien dans l’Ancien Testament de nombreux petits sauts de puces qui fait de Dieu un Dieu de miséricorde et de tendresse, mais la bonté de ce Dieu n’avait pas encore ouvert les sources du pardon.
C’est Jésus-Christ qui a dévoilé la profondeur de source infinie d’un amour qui va au-delà de la mort du péché.
Quel est, frères et sœurs, le plus grand péché de votre vie ?
Avez-vous tué quelqu’un ou laissé mourir quelqu’un ?
Avez-vous trahi Dieu en votre cœur, un jour de grand vent ?
Avez-vous cultivé la haine de votre frère, de votre sœur, un mauvais matin, sans que personne ne le voit; ou bien anémié votre âme, sans la nourrir suffisamment, pendant 40 ans ?
C’est inconcevable, mais Dieu vous appelle encore aujourd’hui, et vous ouvre son cœur.
Et non seulement, mais il veut faire briller votre âme par de nouvelles grâces.
Vous savez c’est comme si un ouragan passe dans votre jardin.
Il ne reste plus rien; les arbres sont cassés, la maison a perdu son toit, la clôture laisse passer les chiens errants… le désastre. Vous vous arrachez les cheveux.
Et vous regardez au-dessus de tout cela, et vous voyez que le ciel est bleu, et que le soleil peut encore briller.
Alors, Dieu passe par là.
Et tout le village va remonter votre clôture. (Une journée de travail.)
Et des camions amènent autant d’arbres qu’il y en avait auparavant, prêt à donner leurs fruits. Tout repousse.
Et non seulement cela, mais Dieu rajoute des espèces rares. gratuitement.
En même temps que le toit est reconstruit de tuiles sans défaut, Dieu va refaire la façade et rajouter une ou deux chambres qui manquaient auparavant.
Il va agrandir la maison.
C’est cela l’œuvre du pardon…
Et non seulement ça vous a permis de ne pas arracher tous vos cheveux, mais en plus vous pleurez de joie parce que c’est trop. Trop beau, trop grand.

Bon… « je pardonnerai leur faute » ça c’est vrai. Jésus-Christ l’a fait.. Et puis, il y a … » je ne me rappellerai plus leurs péchés…  »
Comment cela ?
N’est-ce pas une figure de style ?
Parce que, enfin ! le Christ, ressuscité, même au Ciel garde les marques des clous dans ses mains, dans ses pieds, dans son côté, les clous de la méchanceté des hommes, de leur imbécillité, de leur aveuglement coupable.
Les vipères de mon cœur.
Alors comment Dieu peut-il oublier ?
Nous sommes 15 jours avant Pâques.
Et je voudrais reprendre une question qui a été soulevée au partage d’évangile, mercredi dernier.
Quelqu’un s’est offusqué du scandale de la croix, de la souffrance du Christ, prévue et presque commanditée par le Père éternel.
Dieu le Père, notre Père, le Père de Jésus-Christ, a voulu la souffrance de son fils comme chemin de Rédemption.
Et ce chemin de rédemption reste toujours valable pour ses disciples et son Eglise. Je voudrais dans cette homélie, ajuster, ou du moins essayer d’ajuster la Passion de Jésus-Christ et le pardon de nos fautes.
Nous allons vivre la semaine prochaine un drame qui dépasse nos forces. « Si le grain de blé ne tombe pas en terre, il ne porte pas de fruits. » Jésus nous donne ici la clé de sa mission rédemptrice.
Toute la vie de Jésus forme un seul acte.
Pour nous, on avance dans la vie par créneaux.
Il y a l’époque où on se fait mal aux genoux, l’époque où on use nos fonds de pantalons sur les chaises de l’école, il y a les crises, les dérapages et les erreurs, il y a les remises en route, il y a l’âge des enfants, des petits-enfants…
Enfin bref, notre vie se déploie par morceaux que l’on comprend ou pas.
Pour Jésus, depuis sa conception, petites cellules dans le ventre de Marie, jusqu’à sa Résurrection et son Ascension auprès du Père, un seul acte, qui se dévoile avec des nuances et des modalités savoureuses ou dramatiques, progressives.
L’acte unique de sauver tous les hommes. De les rendre libres.
Une seule intention divine : vaincre le péché dans lequel les hommes s’enlisaient. Et dans le même élan, ce qui est tout aussi impossible pour les hommes, vaincre la mort.
Pour donner une réponse au scandale, chers frères et sœurs, il faut mettre de côté nos frayeurs de l’horrible souffrance sous tous ses aspects et le dolorisme.
Je prenais un exemple pendant le partage d’évangile.
Un enfant tombe à l’eau, et se débat dans les remous du fleuve.
La première qui s’en aperçoit c’est sa mère.
Que peut-elle faire ?

Elle court vers son mari et dans un cri d’effroi le pousse à l’eau pour qu’il sauve leur enfant.
Il ne pouvait pas le sauver en restant sur la rive, de toute façon, pense-t-elle. Ça va plus vite comme ça, le temps qu’il comprenne !…
Il va se noyer lui aussi, mais qu’importe, c’est le risque à prendre.
Et il va permettre à l’enfant de s’accrocher à un arbre qui va au gré des flots.
Eh bien, nous avons dans cet exemple la Passion du Christ.
Cette mère, c’est le Père, notre Père des Cieux.
Le père de l’enfant, c’est le Fils, Jésus Christ Sauveur.
Et l’enfant, c’est nous…
L’arbre, enfin, c’est la Croix, sur le fleuve boueux de ce pauvre monde bien nul.
La souffrance, l’agonie de Jésus, sa mort, ne sont pas voulues par le Père, directement et en soi.
Ce qui est voulu par Dieu, c’est l’expression de l’amour, sans limite.
« ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout. »
La souffrance et la mort de Jésus étaient l’expression ‘jusqu’au bout’ de l’amour et du don de soi.
Parce que, pour sauver son enfant, une mère ne met pas de limite. Si elle est normale.
Son but, ce n’est pas de noyer son mari, mais à l’instant où elle voit son enfant boire la tasse elle pousse son mari à l’eau.
Dans ma comparaison, le mari n’est pas très volontaire.
Mais pour Jésus, il a accepté librement le don total de soi, qui passe par la souffrance – grand mystère qui nous aveugle de douleur – pour aller au-delà du fleuve du péché.
Alors évidemment, Dieu, et Lui seul, a des cartes dans son jeu qui sont de beauté infinie.
La carte de l’innocence de Jésus-Christ. Absolument pur et sans péché.
La carte de l’humanité unie à la divinité, dans sa personne.
C’est Jésus.
La carte d’un amour infini.
Un amour de chaque seconde, d’une puissance infinie, et d’une précision divine.
Et puis enfin, la carte de la Résurrection.
Quand Jésus agonisait de la multitude des péchés des hommes, et de nos péchés à nous aujourd’hui, lorsque le grain de blé disparaissait sur la croix, au moment même, Dieu le Père libérait la lumière de la vie éternelle du Ressuscité.
 » avec moi aujourd’hui même tu seras au paradis »
Le sacrifice d’amour de Jésus-Christ, vu de notre côté est obstrué par la souffrance. Insupportable.
Mais vu du côté du Père, il est déjà dans l’éblouissement de la Résurrection.
Sur la Croix, Jésus va plus loin que le péché.
Le démon est vaincu.
Et aucun péché ne résistera à cette offrande d’amour.

Par sa Résurrection, Jésus va plus loin que la mort.
Et le démon on reste ahuri d’étonnement.
Jésus l’a dépassé sur tous les fronts.
Et tous ceux qui seront capables d’ouvrir leur cœur à la vie éternelle – tous – seront libérés du péché, de la mort, et des rires moqueurs du démon.
Alors il reste cette dernière question :
‘ Dieu oublie t-il nos péchés ? pourtant inscrits dans le corps crucifié de Jésus…’ Et bien oui en fait !
Parce que les marques de souffrance de Jésus, conservées en son corps ressuscité tel que Jésus les a montrées à Thomas, Dieu les voit comme des marques d’amour de son Fils, comme des marques de victoire.
Parce que, quand on a sauvé quelqu’un, on ne voit plus les efforts que nous avons fait pour le sauver, mais on le regarde comme celui qui nous a fait aller encore plus loin dans l’amour.
Ce qui est étonnant, mais inscrit dans notre nature aussi, c’est qu’on oublie la souffrance de l’amour quand on regarde la Victoire de l’amour.
En Dieu il n’y a que lumière d’amour.
On ne pense pas à la cruelle disparition du grain de blé quand on regarde la blondeur de l’épi de blé sous le soleil.
 » Je pardonnerai tes fautes
je ne me rappellerai plus tes péchés. »
Oui, en vérité, quand ton cœur sera illuminé de la grâce et de la vie éternelle.