VINGT-HUITIEME DIMANCHE ORDINAIRE A 2023

Invités à la Noce

En fait, le frères et sœurs, cet évangile nous provoque un malaise.
D’abord parce qu’il commence mal.
Tous ces refus, ces nombrables refus un appel qui est des plus doux…
Il n’y a pas plus tendre, plus séduisante, plus consolatrice, que la voix de notre Seigneur Jésus-Christ lorsqu’il nous appelle.
Je dirais lorsqu’il frôle notre cœur de sa vie éternelle.
Quand Jésus nous appelle, quand notre Père qui est aux cieux nous appelle, il pose en nous un goût d’infini.
Quelque chose qui nous comble alors même qu’on ne le possède pas.
Rien que le fait que nous soyons prédestiné à entrer en relation avec notre Dieu, un Dieu d’amour, cela inévitablement, fait frémir en nous toutes les fibres de notre être, d’un bonheur, d’une joie dont on se laisse envelopper, mais envelopper par l’intérieur.
Elle est là, l’Espérance théologale.
C’est le grand mystère de Dieu que nous sachions, dès la première seconde où il touche notre cœur, qu’on est promis à une joie qui nous dépasse.
Dès la première seconde, ce petit rien que Dieu met en nous, ce premier mot que prononce Dieu tout près de notre cœur, il nous dit notre bonheur d’éternité.
Et cela c’est fascinant.
Je le vois… et même, je dois dire, je le goûte, sans mérite, quand quelqu’un partage sa joie de découvrir Dieu pour une première fois.
Et même quand c’est une première fois qui vient après mille fois.
Quand quelqu’un s’émerveille d’une nouvelle grâce.
Et toutes les grâces sont nouvelles.
À chaque fois que l’on reçoit une nouvelle grâce il y a comme une exultation de la nouveauté.
Et je partage cette exultation à chaque fois que quelqu’un reçoit un sacrement, le pardon de ses péchés, un mariage, une communion ou le sacrement des malades, tous les sacrements…
A chaque fois que quelqu’un revient de la prière.
Parce qu’il a, à ce moment-là, une nouvelle grâce.
Il a un nouveau cœur ouvert à une nouvelle lumière de Dieu, à une nouvelle onction de la vie éternelle.
Et c’est beau.
Vous voyez, frères et sœurs, pourquoi cette évangile peut provoquer tant de tristesse…
Parce qu’il y en a qui refusent.

Si la moindre petite étincelle d’amitié de Dieu monte droit au ciel – Jésus dira qu’un seul pécheur qui revient à Dieu sur une centaine de justes, celui-là provoque la joie des anges du ciel – si la moindre petite étincelle d’amitié enflamme le ciel, alors combien est triste le fleuve d’amour de Dieu auquel on peut faire barrage…
Dieu nous appelle aux noces de son Fils.
Son Fils qui se marie avec l’Église.
Qui se donne tout entier à l’Eglise pour que l’Église resplendisse de sa grâce.
Et Dieu essuie tous ces innombrables refus.
Dieu parle et cette grâce tombe dans le vide..
Dans le vide… c’est-à-dire :
 » excuse-moi Seigneur, je ne veux pas me laisser toucher. j’ai mon travail qui m’appelle, ce n’est pas le moment, j’ai autre chose à faire…
Excuse-moi Seigneur, ce petit plaisir que j’avais prévu, je le fais passer avant ce que tu as à me dire.
Excuse-moi Seigneur, je préfère tirer ma charrette qui ne roule pas rond, avec mes intérêts qui pèsent lourd, que de jouer au jeu de la vie éternelle.  »
C’est triste, et c’est nul.
Et ça se terminera en larmes.
Dieu nous a donné des âmes taillées avec des moteurs de Formule 1, et d’innombrables hommes et femmes préfèrent utiliser leur âme à la vitesse d’une voiture électrique sans permis.
C’est nul.
Ils s’empoisonnent la vie et ils empoisonnent la vie de ceux qui sont sur la même route qu’eux.
Voilà donc pourquoi cette parabole pourrait me rendre triste.
Mais il y a une seconde raison, encore plus triste…
C’est que la parabole de Jésus se termine encore plus mal.
Elle se termine même dans un scénario effrayant.
Il y en a un qui arrive jusqu’à Dieu, qui est entré dans ce royaume de lumière qui nous est promis.
Et Dieu va l’éjecter avec perte et fracas.
Ça peut faire quand même froid dans le dos.
Et si c’était moi ?…
Si un jour Dieu me disait :
 » qu’est-ce que tu fais là ? Je ne te connais pas.. »
Alors, heureusement, il y a une petite phrase qui me sauve et qui nous sauvera tous. La voici cette petite phrase :
 » cet individu garda le silence »
Il ne dit rien, peut-être n’a-t-il même pas entendu la question du Maître du repas. Peut-être ne parle-t-il pas du tout le même langage que le maître du repas.
Et je le pense.
Parce que sinon, il aurait crié, il aurait demandé pitié, il aurait demandé miséricorde.

Vous voyez, frères et sœurs, je pense qu’il vous est arrivé constater une situation qui ne correspond pas avec le moment de la réalité.
Parfois je l’ai expérimenté – mais je dois dire rarement heureusement – avec tel couple qui se prépare au mariage mais qui sont là pour une toute autre raison que le sacrement du mariage.
Ils sont là, mais tout le monde constate ne correspondent pas à leur démarche. Malgré leurs mots, il y a comme un mur de silence, de vide.
Et cette situation peut arriver pour des chrétiens qui se disent chrétiens, mais qui sont là pour un tout autre motif que d’être avec le Christ.
Il y a comme un quiproquo entre la place qu’ils occupent et la place que devrait occuper leur cœur.
Un décalage avec la réalité profonde qui les appelle.
Un autre exemple :
J’étais dans une belle Église. Je devais prier où je devais faire le ménage je ne sais plus..
Un couple, très sympathique du reste, entre, silencieux et respectueux.
L’endroit portait au silence.
Je me réjouissais de voir ces deux amoureux avancer lentement dans l’allée centrale. Ils avaient le visage grave, sérieux.
Ils arrivent en bas des marches de l’autel.
Peut-être allaient-ils s’agenouiller..?
Non.
Ils sont restés comme cela, 30 secondes.
Puis elle a dit une phrase :
 » t’as vu..? c’est cassé, là-haut..! »
Elle avait remarqué en effet, qu’il manquait un petit carré d’un ou deux centimètres en haut du vitrail.
Ils sont repartis d’un pas plus rapide. Ils avaient autre chose à faire.
Vous comprenez le décalage…
Il n’avait pas le vêtement de noces.
Ils étaient vides de la grâce, tombés dans un lieu rempli de grâce.
Devant le Christ, à 3 m du tabernacle, et ils n’ont rien vu ni compris…
Nous devrions, frères et sœurs, frémir d’être dans cette même situation.
Comme on dit vulgairement ‘à côté de la plaque’, ‘ à côté de la grâce’…
Mais si l’on frémit d’être si loin de ce que désire le Seigneur pour nous…
Si on frémit de ne pas tout comprendre, et peut-être même de ne rien comprendre… Alors nous n’avons rien à craindre !
Parce que ça veut dire qu’on attend un regard de Dieu. On attend quelque chose.
Au final on peut attendre, au fond du fond, le pardon.
Ou tout simplement il aurait demandé qu’on lui donne ce vêtement de noces. Et le Seigneur lui aurait donné.

Attendre le pardon c’est déjà gagné.
On comprend que les invités à la Noce, ceux qui ont répondu, qui sont venus, qu’importe qu’ils soient bons ou qu’ils soient mauvais !
Qu’importe qu’ils aient accueilli une petite miette de grâce divine ou qu’ils aient bu au torrent de l’amour de Dieu, qu’ils soient pauvres ou riches, il suffit simplement qu’ils ne tournent pas le dos lorsque Dieu parle.
Je voudrais terminer par une invitée au noces de l’Agneau. Une curieuse invitée, qui s’appelle Rabi’a.
Une mystique musulmane.
 » d’où es-tu venu? Lui demanda-t-on.
Réponse : – de l’autre monde.
– – – – – –
et où vas-tu ?
vers l’autre monde.
et que fais-tu en ce monde ci ?
je m’en moque.
et de quelle façon t’en moques-tu ?
je mange son pain et je fais les œuvres de l’autre monde « .
Et un jour, quelqu’un d’autre lui demande pourquoi elle ne cesse pas de pleurer. Réponse :
– je crains toujours qu’à la dernière minute une Voix ne s’exclame :
‘ non, Rabia n’est pas digne d’être en notre Présence ! ‘
Je ne veux pas juger, mais n’est-ce pas elle qui a le vêtement de noces ?