16° DIMANCHE – B – 2024

Il a tué la haine, par sa chair crucifiée… En sa personne…’
Frères et sœurs,
On peut vivre notre foi, chrétienne, catholique, en deux modes.
Il y a le mode, ‘petit ruisseau’… Flop, flop..!
Des fois ça coule, des fois ça coule pas, ça dépend du temps, du terrain, on va à la messe, c’est déjà pas mal, et même que, des fois, on se confesse.
Bon…
Et puis il y a le mode ‘plongée dans l’océan’.
Là, il y a les marées, le bruit des rouleaux qui viennent du fond, qui emportent aussi le sable. Mais au loin au sonar, on capte une immense présence d’amour.
Ce n’est plus le monde des petits goujons ou des anguilles, c’est la rencontre des gros poissons, et parfois des requins ou des murènes,…
Je ne sais pas pourquoi j’ai toujours préféré le second mode de vivre sa foi. Vivre une vie spirituelle qui engage les profondeurs de l’âme.
J’ai l’impression de moins me moquer de Jésus-Christ.
« Il est venu annoncer la bonne nouvelle de la paix.. »
Mais pas une paix ‘glouglou-glou’.
Je veux une paix ‘océan’ (ou ‘océane’), acquise au prix du sacrifice de Jésus. Tellement de souffrances pour sauver nos âmes…
Alors, selon ce mode de vivre la vie spirituelle, il y a quelque équipement à prévoir. Il est vrai que chacun de nous a son chemin de découverte vraiment unique, sa relation intimement personnelle, selon la richesse créatrice de Dieu.
Mais il y a aussi quelques règles communes dans la découverte des grâces divines. Des règles permanentes de croissance dans la foi et l’amour de Dieu.
Les textes de ce dimanche nous en évoquent deux ou trois.
Je reprends quelques mots du cardinal Charles Journet qui pose bien le sujet… Voici ce qu’il écrit dans l’une de ses lettres :
 » oui, c’est dans la nuit qu’il faut avancer, chacun.
Avec la certitude de l’infinie tendresse de l’Amour de Dieu pour chacun de nous, si misérables que nous soyons.
C’est lui seul qui peut, à travers des outils aussi infirmes, faire un peu de lumière pour les âmes’.
Voilà quelque chose qui rejoint le propos de ce jour…
La vie de foi est dans la nuit.
Et plus nous nous aventurerons dans la découverte de l’océan de la foi, plus nous goûterons aux ténèbres des profondeurs.
Ça a l’air un peu terrible.
Oui et non…

Oui pour notre orgueil.
Non pour notre cœur, qui communie alors à la tendresse de Dieu.
C’est le tarif pour accueillir la tendresse de Dieu :
Entrer dans la nuit de la foi.
La foi intègre toujours un côté où on n’y comprend rien, un côté mystère. Un côté dépassement de nos logiques et de nos ressentis.
Mais en même temps, une communication certaine de la tendresse de Dieu.
La foi ‘glouglou-glou’ n’a pas le retour tendresse.
La foi de l’océan a le risque de la noyade, mais elle a les flots du cœur immense de l’amour de Dieu.
Donc, première règle d’une vie de foi vraie :
Le courage de la nuit intérieure.
Parfois le brouillard, avec un goût de cendres.
Et une certitude cependant de la présence qui nous sauve.
Mais alors, si nous devons accepter d’être perdus, de vivre une certaine solitude avec Dieu, dans la nuit de la Rédemption du monde avec Jésus, comment s’en sortir, ou plutôt comment avancer vers la lumière qui se cache, en nous éblouissant ?
Et c’est la que nous rejoignons le thème de ce jour…
Le bon pasteur.
Et les pasteurs bons ou mauvais.
Quand on ne peut plus s’appuyer sur nos béquilles, il faut envisager la deuxième constante d’une vie de foi.
Trouver notre berger.
Je parle toujours de la foi ‘océan’. La foi ‘glouglou’, petit ruisseau n’a pas besoin de guide.
Le premier berger, c’est bien entendu Jésus. Sauveur. Il en faut un premier, indéfectible, définitif, jusqu’à la fin du monde.
Et voilà pourquoi Jérémie et l’évangile et saint Paul aussi, attachent tant d’importance aux pasteurs.
Parce qu’ils sont absolument nécessaires pour vivre la relation à Dieu et pour vivre l’Église.
Sans berger, il n’y a pas de peuple de Dieu.
On le voit dans la Bible, pour la période qu’on appelle des ‘Juges’, avant le roi David. Période de n’importe quoi et de décadence de la foi d’Israël.
Chacun fait sa cuisine ratée dans son coin.
La seconde règle d’une vie de foi, c’est l’unité du disciple à l’écoute d’un pasteur. S’il y a quelques exceptions dans l’histoire de la spiritualité, c’est pour montrer que Dieu est toujours libre de franchir les limites qu’il a posées..
Jésus est saisi de compassion devant ces pauvres qui courent pour le suivre et boire

ses paroles de lumière…
Parce que sans berger, l’homme de foi, la femme de foi, ne peut pas apaiser son cœur. C’est impossible.
Il reste toujours l’inquiétude de la nuit.
Il reste l’incertitude du choix et du chemin.
Il reste qu’on ne peut pas se porter seul.
Oui, Jésus est là.
Mais Jésus doit être révèle et garanti par l’Église et ses pasteurs.
Malheur à ceux qui croient se suffire ou pire, éloignent des pasteurs que l’Église propose.
Mais il y a une déviation très moderne aussi…
Elle n’est pas de vouloir se passer de pasteur, mais que tout le monde soit pasteur et berger !
Toutes les brebis revendiquent d’être pasteur à la place du pasteur… Le top du top, c’est d’être pasteur du pasteur ! Et là, plus de limites : on juge de tout, du pape, de l’Église, du curé, et même de la Bible et de Jésus Christ qui sont quand même très moyens et relatifs. ..!
Des pasteurs et des sacrements.
Troisième règle permanente de la vie de foi.
La fréquentation des sacrements (donnés d’ailleurs par les pasteurs)
Et je reprendrai le bon cardinal Journet pour évoquer les sacrements :
« Dans la nuit de l’humilité où Dieu nous demande d’entrer (encore cette fameuse nuit…), nous pouvons rencontrer la brûlure de son Amour.
Et combien profondément la tendresse qui le pousse à se donner à nous dans l’Eucharistie.
C’est comme à chaque fois une étreinte par laquelle il nous serre sur son cœur à la fois crucifié et glorifié.  »
Je résume, pour ceux d’entre vous qui désire un cœur aux dimensions de la grâce du Saint Esprit :
La foi dans la nuit.
C’est la base.
L’amour de Dieu qui s’écoule dans le mystère d’une union de cœurs, le cœur de Dieu enveloppant de sa tendresse notre cœur.
L’humilité d’être accompagné par un pasteur vers l’unique berger qui est le Christ. Oui… Il reste à résoudre le choix de ce pasteur en Église. Je l’admets, c’est une vraie question qui mériterait une autre homélie…
Et enfin, accueillir Jésus par l’union à son Corps sacramentel, l’Eucharistie et le sacrement de réconciliation et les autres sacrements.
Et alors… L’océan devient votre ami.
Il vous promet le ciel plus infini encore que ses profondeurs sous-marines.

15° DIMANCHE – B – 2024

 » le Seigneur m’a saisi quand j’étais derrière le troupeau, et c’est lui qui m’a dit :
‘Va, tu seras prophète pour mon peuple Israël.’  »
Le prophète Amos se défend donc en disant :
‘ c’est pas de ma faute si je suis obligé de dire le vérité… c’est Dieu qui m’a fait comme ça; qui m’a donné cette mission…’
Et vraiment, quand on lit ses trois textes de la messe d’aujourd’hui, on respire… on respire grand.
Pourquoi ?
Parce qu’on parle de prédestination.
Et notre prédestination c’est la grandeur de notre vie.
C’est aussi la paix de notre âme.
Si je n’étais pas prédestiné, je devrais porter tout le poids de mon destin.
Je serai écrasé par ma propre vie, par chacune de mes décisions.
Je serai horrifié par chacune de mes erreurs.
Je serai perdu à chacun de mes faux pas.
La prédestination, c’est-à-dire l’intention de Dieu qui m’accompagne à chaque seconde pour me conduire à mon bonheur, quelque soit le météo, c’est le plus beau cadeau et la plus belle libération que le Créateur offre à chaque homme et à chaque femme, et je dirais aussi à chaque ange;
mais pas uniquement…
À chaque être créé – à la petite fleur, au grand chêne, à la marmotte et à la tortue, au moustique et au rhinocéros.
A Socrate, Abraham, fra Angelico, Mozart, Pierre, Jacques ou Paul.
A l’Église tout entière…
A celle de la terre et à celle du Ciel…
Merveille…
Il n’y a que Dieu qui ne soit pas prédestiné.
Parce que c’est lui qui porte tous les destins.
Vous voyez, frères et sœurs, si nous sommes là… cela entre dans notre prédestination.
Et c’est tellement beau !
Bien sûr si nous ne concevons pas la prédestination comme une sorte de film d’horreur dans lequel, de toute façon, je serais coincé par un programme à retardement

Nous vivons sur deux vitesses.
Il y a la vitesse de tout ce qu’on fait, qui se voit ou que ça reste caché.
La plupart de ces actes, on peut les juger, les peser, ils nous donnent de la joie ou au contraire ils ne valent rien.
Ça c’est la première vitesse, c’est celle qui nous préoccupe à longueur de temps.
Et puis il y a la deuxième vitesse, qui enveloppe la première, mais invisiblement. On aimerait l’attraper par les mêmes critères que la première vitesse.
On voudrait la juger, mais elle ne nous appartient pas.
On peut juste goûter à son harmonie.
Parce que cette vitesse est excessivement harmonieuse…
On la saisit vraiment quand on entre dans la jouissance d’un amour qui nous submerge.
Quand le petit lapin grignote sa carotte, il fait l’expérience de sa prédestination. C’est tranquille pour lui.
Mais nous aussi nous avons notre carotte… C’est la grâce de Dieu, qui nous est offerte et que nous devons grignoter.
En première vitesse, on fait nos affaires, on stresse, on cours, on tourne en rond sur soi, où on mange les autres… par des critiques.
On rit et on pleure, on se plaint sans savoir trop où on en est.
Mais si on demande à Dieu de nous aider à grignoter sa grâce…
Tout s’éclaire…!
Toute ma vie s’éclaire..
Parce que je veux être près de Lui, de Dieu, être avec Lui, pour Lui.
Et je découvre que ma prédestination. C’est cela ma prédestination : être saturé de la Présence de Dieu.
Quand je vais me faire chauffer une pizza, ce soir, elle sera prédestinée, ma vocation qui se déploie tout au long de ma vie, aussi, en passant par le temps d’adoration que je vais prendre avant de mettre la pizza au four.
Vous voyez frères et sœurs, nos journées et nos nuits, s’éclairent d’une lumière neuve si on les enveloppe, dans la foi, de l’intention de Dieu qui nous a prédestinés.
Ce n’est pas pour me gaver que je vais croquer la pizza, ni même pour satisfaire les papilles de mon palais.
Et quand j’irai à l’adoration tout à l’heure, ce n’est pas non plus , pour obtenir quelque réussite ou quelque guérison, ou la force ou la lucidité,…
C’est tout simplement pour entrer en accord avec ce que Dieu me demande. Être près de lui.

Dès maintenant et dans l’éternité plus parfaitement encore.
C’est ça ma prédestination, et c’est la prédestination de chacun de nous.
L’ultime raison de nos actes de nos familles de nos sociétés, de l’Église tout entière, c’est d’entrer en accord avec notre prédestination, avec le désir de Dieu. D’une certaine façon, c’est de réjouir Dieu en étant en harmonie avec son intention… éternelle.
Et c’est tout !
Dieu me veut en prière devant lui, il l’a voulu de toute éternité. Alors Il m’enveloppe de ses bras de bonté, d’amour, et j’entre dans ma prédestination. Je me libère du poids de moi-même.
Mon âme exulte alors de la joie de Dieu pour moi.
Et Jésus-Christ est venu beaucoup plus de précision sur la prédestination. D’abord qu’elle est un exercice de simplification…
Plus je serai désencombré de moi-même, plus alors je me trouverais dans l’écoute harmonieuse de ce que Dieu veut pour moi.
Le grand problème c’est que cette harmonie est perturbée par toutes nos complications qui nous rendent sourd.
Quand l’alcoolique est sous l’emprise de son alcool, il ne se rend plus compte qu’il est ivre. Il n’a plus les yeux en face des trous.
Et c’est notre situation vis-à-vis du péché.
Nous devons d’abord admettre que nous sommes ivre de nos aveuglements et de nos fautes.
Qui nous détournent de ce que nous devrions être.
Et à partir du moment où nous admettons qu’on est à côté de la plaque, nous devons entrer dans une purification qui va durer toute la vie.
Et ça aussi, ça fait partie de notre prédestination.
Pour être en accord avec ce que Dieu a prévu de toute éternité.
Et combien alors notre vie trouve sa mélodie et sa lumière….
Si je cherche une épouse ou un époux, ce n’est pas difficile de comprendre que Dieu, dans sa Providence, me prédestine un heureux élu, ou une heureuse élue pour couler toute une vie d’amour… !
Si je vais passer une heure par jour, ou deux ou cinq, en prière devant le Saint-Sacrement, ce n’est pas pour recevoir en prendre tout premier lieu un retour sur mon investissement, pour moi, ou pour la France !
Mais c’est parce que Dieu de toute éternité, m’a demandé de venir, auprès de lui, passer une heure, deux ou cinq, gratuites. Et que c’est alors qu’il m’aime à fond.

Encore ça, c’est facile à capter.
Mais le plus étonnant et incompréhensible, c’est que toute difficulté et mes souffrances et mes péchés mêmes sont intégrés dans la Providence divine et que ma prédestination les prend en compte.
Ça, ça dépasse toute imagination.
Et enfin… quand tous nos projets seront évanouis dans le passé, quand le temps se retirera humblement devant l’éternité, il restera quoi ?
Il restera l’éclatant projet d’amour porté par le Christ ressuscité…
Pour tous ceux qui auront rendu leur âme toute limpide jusqu’à entrer dans leur prédestination.
Marie d’abord, l’Église exultante, avec tous les saints… et nous… Dans le train des prédestinés….

14° DIMANCHE – B – 2024

Richard Wurmbrand, frères et sœurs,
… Vous connaissez ?
C’est un pasteur protestant Roumain qui a vécu 14 ans dans les prisons communistes. Voici un de ses témoignages émouvants :
« Je passai deux années consécutives isolé dans une cellule. Je n’avais rien à lire, rien pour écrire. J’avais mes pensées pour seule compagnie. Or j’étais un homme d’action, plus qu’un contemplatif.
J’avais Dieu. Mais avais-je vraiment vécu pour servir Dieu, ou simplement exercé une profession de prédicateur ?
(…) Croyais-je en Dieu ? L’heure de vérité avait sonné. J’étais seul. Il n’y avait pas de salaire à gagner, pas d’avis précieux à prendre en considération. Dieu ne m’offrait que la souffrance : allais-je continuer à l’aimer ?
… Au début je priais ardemment pour être libéré. (…)
J’appris peu à peu que sur l’arbre du silence pousse le fruit de la paix . Je commençais à prendre conscience de ma vraie personnalité, et à être sûr qu’elle appartenait au Christ (…) Je savais à présent que je ne jouais pas la comédie et que je croyais ce que je croyais. [Mes prisons avec Dieu… p 50-51]
Et je pourrais retrouver des dizaines de témoignages similaires chez de grands croyants ou de grands amoureux de la Vérité, et même ce cri des profondeurs chez certains éloignés de la foi qui ont vécu l’expérience extrême.
Soljenitsyne par exemple, géant de la fidélité à sa conscience.
Après la saisie d’un de ses livres par le KGB, ce qui lui promettait une nouvelle fois d’être déporté au Goulag :
« Il y a des minutes où faiblit et se brouille notre raison. Où l’excessive prévoyance se change en l’aveuglement le plus grossier, le calcul en désarroi, la volonté en aboulie ( sans ce genre d’échecs, ajoute-t-il, nous ne connaîtrions pas nos limites). Et Soljenitsyne quelques proverbes russes qui l’aident à survivre :
« la peur en a tué un, elle a ressuscité l’autre »
et celui ci, aussi : « ce n’est pas le chagrin qui te fera passer la mer »
[Le Chêne et le veau p 104 ; 117]
Ce sont des prédestinés direz-vous, des surhommes …
Hé bien je prends Joe Bonanno… Ça vous dit peut-être rien… Alias Joe Bananas, Parrain de la mafia sicilienne à 26 ans, c’est vous dire comme il était recommandable. Homme d’honneur, se nomme-t-il, mais pas enfant de chœur. Dans les années 30-40.
Il raconte quand il s’est retrouvé les yeux bandés, dans une voiture qui semblait le conduire à la mort dans un terrain vague :

« Mes ravisseurs se taisaient. Seul le crissement des pneus sur la chaussée détrempée rythmait mes pensées.
J ‘essayais de me détendre. La chose la plus difficile, pour un homme qui est pris au piège, est de ne pas céder à la panique. S’il tente de résister, l’étau se resserre. S’il parvient à rester calme, il peut utiliser la seule liberté qui ne puisse lui être enlever : la liberté de penser. ( j’aurais plutôt dit : la liberté de prier, qui va encore au-delà de celle de penser. Mais bon….)
Il continue – et c’est là que ce me semble le plus intéressant – :
« quand nous sommes pris dans la tourmente, nous réalisons que nous n’avons jamais rien dominé, ni les êtres, ni les choses, que nous n’avons jamais eu d’empire que sur nous-même, (j’ajouterais : … et encore …) »
[Un homme d’honneur – p 177]
Chers frères et sœurs, vous êtes vous réveillé une nuit, avec l’angoisse au ventre, à 2h du matin, avec un grand sentiment d’impuissance, d’incompréhension ou d’échec ?
Comme Saint-Antoine d’Égypte, débordé de tentations multiples, dans ses premiers temps de vie d’ermite.
Vous êtes vous réveillé à la frontière de vos limites ?
À la frontière, ça veut dire soit du côté où elle n’est pas franchie, mais vous avez déjà une roue dans le ravin.
Ça peut vouloir dire aussi que vous êtes passé au feu rouge, que vous avez passé la ligne de non-retour, que vous venez déjà de faire plusieurs tonneaux et que vous êtes mal en point.
Or là, je pêche une réflexion d’un Père Dominicain, le Père Molinié :
« Les amis de Dieu, ceux qui prient, écrit-il, expérimentent dans leur propre cœur les ténèbres qui nous séparent de Dieu et leur grande tentation, comme l’avouait le Saint Curé d’Ars, n’est pas la complaisance, mais le désespoir. Ainsi, ils sont de niveau avec les détresses les plus extrêmes, celles où personne ne peut plus rien faire et qui ont franchi le seuil d’une sorte de monastère de la souffrance : camps de concentration, folie, enfants martyrs, agonisants… sans parler des déchirements invisibles auxquels les hommes qui courent ne peuvent prêter attention.
Comment est-ce possible de vivre jusques-là ? Précisément à cause de leur union à Dieu, du silence, de l’amour et de la joie. Le silence, en écoutant Dieu, peut écouter le monde mieux que le monde ne s’écoute lui-même et découvrir les seuls cris qui méritent d’être entendus, c’est à dire ceux qui sont vrais.

La prière peut écouter les détresses sans fond parce qu’elle écoute la joie de Dieu qui est sans fond. [Le courage d’avoir peur p 161-162]
Et là on peut aisément prendre Saint-Jean-de-la-Croix qui a traduit son expérience par des petites paroles définitives comme celle-ci :
« Ne mets jamais ta jouissance en ce que tu comprends de Dieu, mets-la en ce que tu ne peux pas comprendre ; (…) C’est ce qui s’appelle le chercher par la foi. »
[Cantique spirituel II – st 1]
Et on comprend que le Christ se rétracte devant ses amis de Nazareth qui sont à l’affût de miracles…
La foi, c’est de savoir, quand les nerfs sont à leur limite, quand il y a autour de nous ce silence de solitude âpre, quand le monde entier et le ciel de notre âme deviennent de plomb…
… la foi nue, c’est-à-dire pure, essentielle, c’est de dire, à ce moment-là : ‘Merci mon Dieu… Merci mon Dieu, parce que si je suis comme ça, en cet instant, perdu et impuissant, c’est que tu es en train de me travailler, et que je suis dans tes bras. Et que tu es en train de me donner ta grâce.’
Je ne sais pas comment, ça craque aux jointures de mes os, la tentation de compenser par quelque déviation se fait vive…
La foi, à cet instant-là, c’est de rester en murmurant une prière dans le genre :  » tiens ton esprit en enfer et ne désespère pas »
(C’est la phrase préférée du Starets Silouane)
La foi c’est de croire que Dieu fait sa meilleure œuvre… à ce moment-là ! Pas au moment suivant, au moment de la délivrance.
Dieu fait sa meilleure œuvre juste avant… qu’on touche le fond.
Et la grâce ne paraîtra que un quart d’heure plus tard, ce quart d’heure qui peut durer 5 ans, 10 ans, pendant lequel nous aurons les deux omoplates dans la poussière. ( les mauvais quart d’heure de Dieu peuvent être très longs….)
Pendant lequel nous serons perdu.
Il y a les grâces lumineuses de résurrection.
Et il y a la grâce ténébreuse..
La plus belle et la plus véritable, qui se cache dans la souffrance de l’abandon. C’est le cri confiant vers le Christ Sauveur, mais qui n’apparaît pas, quand tout est raté dans le moment de l’épreuve.
Jean Cocteau écrit :
«Il y a les poèmes clairs. Ils sont cristal.
Et il y a les poèmes obscurs. Comme des diamants noirs. Les gens admirent les premiers et condamnent les autres.

Or, c’est la pureté et le rayon spirituel qui les traversent qu’il aurait fallu regarder pour juger’ [Correspondance p 343]
On peut en dire autant de la grâce divine .
Il y a la grâce de la foi ouverte à l’enseignement et au miracle. C’est le poème lumineux.
Mais attention… cette grâce est véridique si notre cœur a chanté le poème obscur, si notre âme est passé par le ravin de la mort qui a creusé notre amour.
Et Jésus ne trouve pas cette compréhension chez ses amis de Nazareth.
Frères et sœurs, il est douteux de suivre quelqu’un qui vous parle de miracles, de visions extraordinaires ou d’adorations sublimes, s’il n’a pas signé son passage par l’épreuve de l’obscurité et du désespoir.
S’il ne boîte pas de l’épreuve du combat de Jacob dans la nuit, avec Dieu.
Ou du traumatisme d’Isaac offert en sacrifice par son père.
La véritable vertu de foi, théologale, elle est là, dans cette signature du passage des ténèbres.
Ensuite Dieu fera miracle lumineux, s’il le désire.

13° DIMANCHE – B – 2024

Dans la conjoncture actuelle le livre de la Sagesse peut sembler lourd. Lourd de lumière.
Le livre de la Sagesse exalte Dieu. Et il exalte la vie.
Notre Dieu est Dieu de vie.
Plus on est émerveillé de la vie, même si tout n’est pas bien réglé, plus on est disposé à vivre de la lumière divine.
Dieu rectifiant les faiblesses.
Mais plus on collabore avec la mort, plus on s’éloigne de Dieu.
Plus on fait équipe avec le diable.
Le diable c’est l’entreprise de réduction de la vie et de notre âme.
La nature cherche toujours l’expansion, la créativité, à l’image de son Créateur. Tous les efforts du diable sont dans le camouflage pour cacher son intention, et se faire accepter.
Il est expert pour dire des vérités et des louanges qui cachent la dégringolade.
Le démon c’est celui qui dit « regarde vers le ciel »… au moment où l’on arrive au bord de la falaise…
Le démon c’est celui qui dit :  » réfléchis un peu »… pour nous faire rater le choix du moment présent.
Et puis il est un expert en psychologie de l’émotion.
Il se sert de nos peurs, de nos ambitions ratées, nos désirs de confort et d’assurance pour réduire notre faim de la grâce.
Or notre Dieu est le Dieu d’une vie supplémentaire.
Jésus n’a pas dit au centurion :
 » peut-être faudrait-il mieux euthanasier ta fille pour qu’elle ne souffre pas… » Jésus prend la situation désespérée et franchit la ligne rouge pour ouvrir à davantage de vie.
Pour ouvrir même à une autre vie.
C’est le grand jeu d’un chrétien.
C’est de prendre chaque situation désespérée, situation de désert lunaire, pour y planter le drapeau de lumière victorieuse.
Là où la nature dit avec sa logique, sa logique légitime d’ailleurs :
 » on ne peut pas aller plus loin  »
La grâce de la foi et de l’espérance nourrie de l’amour de Dieu, invite dans le silence à attendre de plus loin.
À recevoir sa liberté.
Il y a quelque chose de magnifique, – magnifique, je veux dire d’admirable et de grand en même temps – à recevoir sa liberté.
Et quand on l’a perdu à recevoir sa libération.
On est grand quand on reçoit sa liberté de quelqu’un; on devient grand, on redevient grand, quand on reçoit sa libération.

On pourrait dire encore quand on la reçoit dans le pardon.
Mais ce qui compte c’est le verbe recevoir.
Celui qui ne sait pas recevoir, qui ne sait pas écouter, qui ne sait pas obéir, qui ne sait pas demander – demander le discernement, demander la lumière de l’Eglise et du Christ, de l’Esprit Saint – celui-là reste dans sa petitesse.
Et réduit sa vocation, détruit même l’idée de vocation.
Quand on ne sait pas recevoir, ou plutôt… quand on refuse de recevoir de Dieu… on devient relatif; on perd la noblesse d’être aimé comme unique.
Et donc on devient relatif à quantité de désirs, de passions, de circonstances qu’on n’arrive plus placer à leur juste place.
On épie les autres, on épie les situations, on se nourrit d’informations, on devient curieux ou curieuse, on veut tout savoir et on devient brûlant, brûlante de jalousie. C’est le signe du démon.
C’est étonnant comme le démon a voulu se rendre indépendant du Tout et est devenu dépendant de tout.
Elle est très intéressante cette petite phrase du Livre de la Sagesse :
« C’est par la jalousie du démon que le péché est entré dans le monde. »
Pourquoi très intéressante ?
Parce que le démon en refusant l’autorité naturelle et surnaturelle de Dieu, en voulant se suffire, est entré dans une inquiétude sur lui-même.
Il est entré dans l’inquiétude de la comparaison. Mais de quelle jalousie parle t-on ?
C’est très clair, le démon avait deux jalousies. La première la plus absurde…
La jalousie de Dieu, de Dieu comme Créateur et Père. Bien sûr c’est la plus ridicule.
Être jaloux de son père.
C’est le plus ridicule et c’est le plus tragique.
Car être jaloux ou jalouse de son père tourne inévitablement à la haine du Père. Mais cela d’une certaine façon ça ne me regarde pas.
Que le démon règle ses affaires de jalousie avec Dieu.
Cependant il y a une deuxième jalousie..
C’est la jalousie du démon vis-à-vis de l’homme et de la femme.
Parce que le démon est comme fasciné par l’image de Dieu qu’il y a dans l’homme et la femme.
 » l’image de la propre identité de Dieu dans l’homme » est il dit.
L’homme ou la femme reflète dans son âme l’infini amour de Dieu.
L’infinie supériorité de Dieu.
L’infinie noblesse divine.

Le démon pourrait ne se venger que de Dieu.
Bien qu’il soit un ange, il peut vouloir sauter, comme une puce pour piquer Dieu, mais comme cette révolte est vouée à l’échec, il se rabat sur le plus petit.
Il se rabat sur l’homme et sur la femme…
Parce qu’il sait que l’homme et la femme peuvent participer à la divinité s’il restent dociles à recevoir de Dieu l’esprit de Jésus-Christ.
Il sait que l’homme et la femme, s’ils s’attachent à Jésus Sauveur, peuvent ne plus s’occuper de lui pour faire leur chemin libre de lui, des démons, du monde et de tout. Le démon rage contre cette créature, si minable en fait, mais destinée à participer à la beauté souveraine du Christ ressuscité.
Et ça il ne peut pas le supporter par jalousie…
Voilà pourquoi il s’amuse, il s’amuse de son rire grinçant – parce que vraiment pour lui c’est un divertissement malsain – à favoriser dans le monde les divisions, les désobéissances, et toutes les obéissances fausses, les désobéissances cachées derrière des obéissances, ce sont les pires…
Il s’amuse de la dégénérescence des hommes et des femmes, dégénérescence qu’il provoque.
Il s’amuse – c’est si facile – à semer la haine et la division, les incompréhensions. Parce qu’il est devenu relatif il passe son temps à provoquer les zizanies.
Tous les coups sont bons pour lui.
Sauf celui de faire confiance à Dieu.
L’homme sans la grâce, la femme sans la grâce, c’est-à-dire qui tend l’oreille au démon, prends le même chemin de jalousie et de comparaison.
Inévitablement.
Une seule issue, de libération, est celle de recevoir la lumière de l’Eglise, qui énerve tant le démon et ses disciples, parce que les portes de sa maison ne peuvent pas s’ouvrir du côté de notre pure et belle Église et de son Époux, le Christ ressuscité.

12° DIMANCHE – B – 2024

« Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous pas encore la foi ? ».
Parmi vous, frères et sœurs, qui a lu le livre de Job ?
Je ne vais pas vous demander de lever la main, ça ferait un peu scolaire…
Et qui a lu la deuxième épître aux Corinthiens ?
Qui est passé sur l’autre rive avec Jésus ?
Et la Bible, c’est notre vie c’est la Parole de Dieu.
La Bible, c’est un engagement de notre cœur.
Quand on lit le livre de Job, on comprend qu’il n’a pas tout compris mais que saint Paul à tout compris.
Job n’a pas compris jusqu’au moment où il a admis que Dieu est quelqu’un de vivant et de bon.
Qui s’inscrit dans notre existence.
Comment vivre chrétien sans avoir lu toute la Bible ? Lue et relue.
Il suffit de prendre 10 minutes sur le temps des infos débilitantes, pour découvrir la Parole de Dieu qui engage et soutient notre foi et notre vie…
Jésus enseigne les foules et les apôtres.
Mais la foi n’est pas simplement un enseignement.
À un moment donné il prend les apôtres et va les secouer.
Il les secoue par un événement dans la nuit tombante.
Dans la barque.
Par une tempête.
« passer sur l’autre rive », pour Jésus, c’est aussi passer de l’enseignement à une leçon de vie que les apôtres n’ont pas intégrée.
Et on est exactement encore dans la position des apôtres, et des foules. Apprendre à tourner en leçon de vie ce qu’on reçoit en enseignement.
Une leçon qui peut nous mener au sauve qui peut dans la tempête du monde.
Sauve qui peut…
Il n’y en a qu’un qui peut :
Jésus-Christ qui dort.
On n’est pas là pour savoir, frères et sœurs.
On est là pour se convertir.
Tant que nous ne prenons pas les paroles de Dieu, les paroles de l’Église, avec l’intention de nous convertir, de chercher le lieu de conversion dans votre cœur, d’adhésion à l’amour de Dieu et de changement dans votre vie, le livre de Job sera toujours trop long.
L’homélie sera toujours trop longue.
La Bible sera toujours trop longue.
La présence de Dieu ne sera pas suivie d’effets.
Elle sera dans votre tête. Plus ou moins lointaine.

A la limite notre prière sera un gri-gri pour nous rassurer, mais elle ne sera pas transformante.
Notre foi sera une secrète satisfaction (ou inquiétude.. ) d’être chrétien, alors qu’en fait nous serons déconnecté d’une relation quasi charnelle avec Jésus-Christ.
Ce texte de l’évangile d’aujourd’hui a été d’une certaine façon un texte fondateur de ma foi.
Parce que j’ai compris à l’époque – j’étais adolescent et ça bouillait dans mon cœur de tous les côtés. Ça boue encore, mais pas du même bouillon… ça bouillait et j’ai compris que Jésus pouvait apaiser les tempêtes.
Et ma vie est passée sur l’autre rive.
Je me battais avec toutes mes questions, avec toutes mes recherches, c’est sûr que je n’étais pas devant des jeux vidéo à cette époque…
Mais je dévorais toutes les idéologies de l’époque.
Je ne distinguais pas toutes les nuances d’esprit mais je comprenais un peu de tout. Et j’ai découvert que Jésus apaisait les tempêtes.
Qu’il n’était pas une idéologie.
Et cela a enraciné ma foi pour toujours.
J’ai compris, mais je ne l’avais pas encore lu, que  » l’amour du Christ peut nous saisir « . Qu’il pouvait engager mon existence.
Et que si nous ne sommes pas saisis par l’amour du Christ nous n’avons pas la foi. Nous sommes des gens biens avec une étiquette ‘chrétienne’.
Et même une fois que nous nous sommes engager sur le route de la foi et de la sainteté, nous pouvons vivre sur un aspect qu’on ne voudra pas lâcher. Qui deviendra religion de la ‘morne habitude’, religion d’une pratique tranquille, mais au cœur froid.
Au fond le mal est bien plus profond. Il est qu’on manque de fidélité au Saint Esprit bien qu’on laisse souvent son nom sur nos lèvres.
Quand il y a fidélité au Saint-Esprit, il y a profondeur toujours plus vivante, nouvelle et créatrice.
La grâce divine n’est pas pour rendre acceptable les épreuve et dorées notre confort de conscience.
Elle nous déifie , elle fait battre notre cœur d’un autre rythme, elle doit nous rendre incandescent.
Quel est donc, frères et sœurs, le prochain objectif de conversion ?
Est-ce que vous êtes dans la barque vers une autre rive ?
Cette messe est-elle transformation de nous-même ou une heure de prise sur votre dimanche ?
« Hommes de peu de foi ! »
Jésus a soif de donner sa grâce d’union dans notre monde de divisions.