VINGT-SIXIEME DIMANCHE ORDINAIRE A 2023

La grâce sanctifiante
La vie de foi, c’est comme une maison. Il y a les fondations.
Il y a les murs.
Il y a une porte.
Et il y a les fenêtres. Puis les étages et le toit.
Tout est nécessaire. Mais il y a des priorités.
Les fondations, première priorité.
Et, dans la vie de foi, les fondations, quelles sont-elles ?
C’est Jésus-Christ.
C’est chercher la place de Jésus-Christ dans votre vie de foi, frères et sœurs, et vous connaissez la solidité de votre vie.
Il porte tout.
Notre Sauveur est avant toutes choses. Premier dans l’absolu.
Sans notre Sauveur, mort et ressuscité, source de vie éternelle, il ne peut y avoir que des tours de Babel, qui durent quelques temps – généralement le temps d’une génération – avant de tomber en ruines.
Les murs de la maison :
C’est l’Eglise.
Sans l’Église, aucune unité concrète. Aucune harmonie.
Aucune source de grâces assurées, aucune vérité qui tienne, aucune charité vraie. Rien n’est assuré.
Sans l’Église on tremble de peur et de froid. D’incertitude.
Et puis la porte…
Je rappelle, frères et sœurs, que l’Église c’est le Christ, son corps prolongé dans l’Histoire.
Remarquez aussi que la porte, c’est le Christ.
Jésus le dit lui-même. Il est la porte par laquelle il conduit ses brebis aux pâturages. Mais avec une nuance.
Une nuance de confiance.
Le Christ connaît ses brebis et ses brebis le connaissent.
C’est cette confiance, qui est une amitié, qui constitue la porte et le fondement de notre vie de foi.

Ensuite viennent les fenêtres, qui peuvent être disposées en multiples endroits. C’est la vue sur les mystères de foi, qui est variée, infiniment variée selon les dons de chacun.
Mais d’une certaine façon, les fenêtres sont secondaires.
Et enfin, il y a la disposition des pièces, des étages, de l’ameublement intérieur, c’est dans un plan secondaire, selon les goûts et les couleurs.
Ce sont nos vertus, nos évolutions, nos histoires, nos talents.
Mais secondaires, plus ou moins bien placés, géniaux ou mal foutus.
Aujourd’hui, saint Paul parle des fondations : du Christ libérateur. Jésus parle de la porte : De notre disposition de cœur.
Ezechiel, des fenêtres et de l’architecture intérieure.
Et ce qui m’intéresse, ce sont les paroles de Jésus.
Car c’est sur ses paroles que se reconnaît une vie spirituelle vécue en vérité, la charité vraie d’une paroisse, la profondeur d’une vie de foi.
C’est le cœur de notre âme.
Notre âme est comme une porte qui s’ouvre et se ferme.
Si elle s’ouvre : elle reçoit la grâce, quelles que soient l’état des fenêtres, de nos bonnes actions ou de nos talents.
S’ouvrir pour notre âme, c’est entrer en véritable relation.
Je dis véritable, car il existe des relations fausses. Des relations captatrices, des relations de façades, de fausses écoutes, et même des ‘bonnes actions’ perverses qui cachent une recherche d’intérêt pour soi.
La véritable relation d’une âme qui s’ouvre, c’est une relation d’amour qui se donne. Et le seul amour qui puisse se donner sans limite c’est un amour qui se donne à la grâce divine.
C’est l’amour qui se donne dans les bras de Dieu.
Et dans la parabole, c’est l’amour du Fils qui dit ‘non’. C’est bizarre…!
Il dit ‘non’, mais sa relation au père est véritable.
La relation du second fils est fermée.
‘Oui Seigneur’!… Ça contient un manque de simplicité filiale.
‘Oui, Seigneur’, c’est une réponse de surface, comme un bouclier sur lequel va glisser la demande du père.
Âme fermée.
Cette apparence ne vaut rien.
Ce fils ouvre les fenêtres de sa maison, mais pour mieux verrouiller sa porte.
Pour le premier fils, c’est l’inverse.
Ses volets sont clos dans un mouvement premier, mais sa porte ouverte.

On voit dans l’Écriture Sainte cette approche complexe que peint si bellement Jésus dans cette parabole.
Regardez Abraham, regardez Moïse ou le Roi David, tous les grands amis de Dieu en fin de compte : Élie, Isaïe, Jérémie, Jonas, le prophète Osée ou Amos.
Je n’en reste qu’à l’ancien Testament..
Tous, ils ont un fond d’amour filial, un accueil profond de la lumière qui transforme leur cœur, qui offre leur cœur à l’intimité de la présence de Dieu.
Et tous ont eu des premiers mouvements ratés, mauvais.
Abraham qui ment ‘en prêtant’ sa femme Sarah à pharaon.
Moïse qui prend pour épouse une jolie éthiopienne.
Le roi David qui tue Hurie le mari de Behtsabée (qui n’en est pas si affectée que cela…..)
Élie, Jérémie, Isaïe, nombre de prophètes, qui rechignent à leur mission qui les dépasse et qui va les sacrifier.
Tous, ils reviennent au Seigneur offrir leur âme et leur personne après des dérapages, parfois très graves…
Parce que leur porte est ouverte.
Leur cœur est à l’Esprit Saint.
Et puis il y a en contre partie la ribambelle des gens biens, que l’on pourrait remonter à Caïn. Un exemple caractéristique est celui du premier roi d’Israël : le roi Saül. Doué, serviable. Courageux même. Respecté.
Tout pour plaire.
Mais il lui manque, au fond, l’esprit de fils.
C’est rien, mais c’est la porte à la vie éternelle.
C’est l’obéissance aimante au désir de Dieu.
Ce serait son cœur donné.
Dieu peut tout pardonner, mais pas si on essaie de le tromper par une apparence de vertu pendant que le cœur est emprisonné dans l’amour de soi-même.
Dieu reste devant les portes fermées.
Parce que s’il voulait vraiment entrer, il pourrait casser la baraque, défoncer le mur.
Jésus cherche les cœurs qui ne se camouflent pas.
Surtout derrière la vertu, la compromission et la diplomatie.
Et où Jésus dit-il les trouver, ces cœurs disposés à la grâce divine ?
Il les trouve chez les escrocs et les prostituées.
Ceux qui sont dans les choux, bien souvent les ratés.
En fin de compte, les pauvres en tout genre.
Mais pour lesquels il reste un mouvement franc des profondeurs de l’âme. Généralement, ce ne sont pas ceux qui sont dans des situations tranquilles.
Ce sont ceux qui ramassent les coups, les critiques, les persécutions, les malédictions des gens habiles, mais faux.
Les savants, les habiles, les blindés polis ne mouillent pas à la grâce.

Ça glisse sur leur plumes.
Les enfants, les pauvres, les affamés, ceux qui se donnent, et pas spécialement en bonnes œuvres… qui se donnent au niveau de leur cœur mis à nu, quelles que soient les apparences parfois minables et la mauvaise réputation qu’ils ont, ceux-là ont leur porte ouverte à l’intimité du Christ.
Et le Christ est venu pour eux.
Parfois ce sont les grands blessés de la vie, échappés des camps de la mort par quelque miracle.
Ils ont dit ‘non’ un jour, ou deux ou trois…
Mais qu’importe, Dieu sauve leur cœur qui est resté sur un oui.
Un cœur qui a gardé quelque part une tendresse cachée ou ensevelie.
Dieu sauve les consciences qui fléchissent.
Ils ne sauve pas telle ou telle de nos qualités dont il n’a aucunement besoin pour être Dieu et arriver à ses fins.
Alors on se retrouve avec les deux fils.
Le fils prodigue qui flambe en débauche tout l’héritage du Père mais qui revient et reconnaît son père.
Son père l’attend.
Il revient à sa relation première qu’il n’a jamais totalement perdue.
Sa porte est restée entrebâillée pendant tout ce temps.
Et puis de l’autre côté…
Oh… on a rien à reprocher au fils aîné, mais il a perdu son âme de fils comme le fils qui dit ‘oui Seigneur’ derrière sa porte fermée…
Et puis un jour, quand on a bien établi ce fleuve de grâce de la relation filiale avec Dieu, on a plus envie de dire ‘non’.
Mais ça c’est plus tard, quand on a pris conscience de notre relation d’amour. Quand l’onction de la présence de Dieu a pris toute sa place, a démonté la porte qui ne se fermera plus.
L’âme devient, dans la fidélité, cette maison où Dieu ne frappe plus.
On a jeté les clés.
Le Seigneur entre, il s’assoit, il prend son repas avec nous.
Cette maison – notre âme – peuplée de lumière et peuplée de fous, de folie, de folie d’amour, sera la dernière à rester debout.