TRENTE DEUXIEME DIMANCHE ORDINAIRE A 2023

Nuit et veille
D’habitude, frères et sœurs, je me penche davantage sur l’évangile pour l’homélie. Mais aujourd’hui, l’évangile et la lettre de saint Paul ne suffisent pas.
On a un jeu charmant entre toutes les lectures, avec le psaume et le livre de la sagesse. L’ensemble des lectures est exquis…!
C’est le Ciel sur terre, le Ciel dans notre cœur.
C’est quoi le Ciel dans notre cœur ?
Le psaume 62 mériterait d’être repris en boucle : « Dieu, tu es mon Dieu,
je te cherche dès l’aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.
(…)
Dans la nuit, je me souviens de toi
et je reste des heures à te parler.
Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l’ombre de tes ailes. »
Mais si on cherche la joie, le bonheur, le bien-être tout simplement, comment ne pas voir que tout se trouve ici ?
Pourquoi les hommes cherchent-ils ailleurs ?
Il est parlé de la nuit, comme dans l’Evangile
La nuit, dans la Bible, c’est le temps de l’incompréhension.
C’est le mystère qui dépasse l’homme.
C’est l’homme qui ne saisit pas, qui ne saisit pas tout, ou qui ne saisit plus rien.
Frères et sœurs, il y a quelque chose de magique dans la nuit.
Dieu a créé la nuit pour nous faire avancer sur un chemin de lumière.
Et cela c’est magique. C’est le passage secret de la grâce de la foi.
Bienheureux celui qui connaît ce passage secret.
Quand on a la foi, on trouve la vérité de notre cœur, une certaine coïncidence, quand on admet humblement qu’il y a une grande part de nuit dans notre vie.
Que la nuit nous enveloppe :
Notre esprit, nos forces, tout ce qui tient de l’avenir.
Mais aussi que tout événement plonge ses racines dans quelque chose qui nous dépasse.

Bref, nous sommes environnés de nuit à l’extérieur, dans notre histoire, et à l’intérieur, dans ce qui fait le fond de notre être.
La nuit semble la plupart du temps être une épreuve. Nous la craignons.
Mais, pour l’homme ou la femme de foi, la nuit est belle parce qu’elle favorise l’attente elle favorise notre relation avec Dieu.
Seulement, c’est le sujet de l’évangile d’aujourd’hui, mais c’est le sujet aussi du Livre de la Sagesse,
Il y a un fil de passage dans la nuit.
Trois fils.
Le premier, c’est de savoir, qu’après le temps d’obscurité et le temps d’attente, nous serons comblés.
Comblés par la rencontre.
Ce fil premier c’est l’Espérance.
Par des vibrations au plus profond de notre être nous savons que nous attendons une jouissance.
Un festin, des noces, une union.
Déjà cette grâce de l’espérance est inestimable.
Mais il y a deux autres fils.
C’est que, dans la nuit, nous pouvons avoir une lampe.
Dans la nuit il y a une lampe toute petite, qui permet de traverser la nuit.
Ce n’est pas la science ou les lumières de l’esprit, qui sont si fragiles.
Dans la nuit l’esprit désarme.
Mais deux petites embarcations peuvent traverser la nuit, peuvent traverser la mer… Le secret et le mystère de la mer et de la nuit.
Cette nuit, dans la littérature spirituelle, dans le ressenti des mystiques, elle est décrite de diverses façons :
Ils peuvent parler de nuit.
Mais ils peuvent la comparer à un désert.
Ou bien à la traversée de la mer, qui est un environnement mystérieux et grandiose. Les saints l’appellent aussi ‘le silence de Dieu’.
Ce peut être l’épreuve ou la croix.
En tout cas, le chrétien sincère goûte toujours à cette épreuve de l’incompréhension intime. Elle est inconfortable mais elle est normale.
Et il doit embarquer.
Il est obligé d’embarquer s’il ne veut pas être manger dans la confusion du monde.
La première embarcation c’est la foi.
La foi qui est adhésion à un appel.
Une adhésion qui doit être entretenue, vivifiée, par la fréquentation de la prière et des sacrements.
Et la deuxième embarcation, c’est l’amour.
L’amour qui est l’huile de la lampe.

Que nous devons entretenir dans la nuit.
L’amour n’a pas besoin du jour.
Une foi amoureuse, c’est exactement cela un cœur qui veille.
Avec de très petits moyens.
Nous pouvons aller très loin avec une toute petite embarcation, une toute petite lampe. Si nous la fournissons de petits élans de cœur vers Dieu.
De petites adhésions à la grâce de Dieu.
Traversée de la nuit.
Traversée des flots de la mer, même déchaînée.
Traversée du désert.
Pour celui que Dieu aime comme ami, Dieu l’introduit toujours dans la nuit, sur la mer ou dans le désert, dans le silence et pourquoi pas dans la solitude aussi.
Et malheur à celui qui ne fait pas provision de petites prières, d’étapes silencieuses.
Et bonheur à celui qui découvre au terme de sa fatigue et peut-être même de ses angoisses, la porte qui s’ouvre sur la lumière.
La grande merveille de Dieu pour l’homme, c’est qu’il fait goûter dès maintenant, dans la nuit, la joie qui sera sans fin, à la résurrection de tous, dans la gloire exultante de l’Église du Ciel.
L’huile dans nos lampes, c’est la même sagesse souriante qui nous ouvrira les bras au Ciel.
Cet appel de Jésus est si proche de celui du Cantique des cantiques. Jésus appelle l’Eglise, l’Eglise qui est la lumière de notre cœur.
Et le Cantique du cantiques chante la même parabole que Jésus :
« Je dors, mais mon cœur veille… C’est la voix de mon bien-aimé ! Il frappe ! »
Et le Bien-Aimé répond : « Ouvre-moi, ma sœur, mon amie, ma colombe, ma toute pure, car ma tête est humide de rosée et mes boucles, des gouttes de la nuit. »
Et je cours au dernier chapitre : [7, 12-13 ]
Viens, mon Bien-aimé… Nous sortirons dans les champs, nous passerons la nuit dans la
campagne. ( vous voyez.. encore la nuit )
Au matin, nous irons dans les vignes (…) . Là, je t’offrirai mes amours…
C’est exactement ce que dit saint Paul quand il écrit aux Thessaloniciens. « À la Résurrection, nous serons emportés sur les nuées du Ciel,
à la rencontre du Seigneur. »
Enfin, la nuit sera finie, le matin arrivé.