Quatrième Dimanche de l’avent 2023

Juste avant cette fête de la Nativité ( ce soir)
Je voudrais reprendre un texte sur lequel il y a bien des années j’ai médité pour prier le ‘Je vous salue Marie’.
Je vais abréger ces 7 ou 8 pages que Père Jérôme, fervent du chapelet, m’avait données. ‘Sa manière’… d’amarrer sa prière à celle de la très Sainte Vierge.
Voici un petit résumé de son écrit :
« JE VOUS SALUE, MARIE. »
Lorsque nous prions seul, arrêtons-nous après ces premiers mots.
Car il faut que Celle à qui nous nous adressons ait le temps d’être prévenue:
« quelqu’un désire vous parler… » Avant qu’elle le sache, inutile de continuer.
Or, il faut un certain temps pour qu’elle soit prévenue, même si celui qui s’en charge est, aujourd’hui encore, l’Ange de la première salutation.
Donc, arrêtons-nous, que l’Ange ait le temps d’aller la chercher au plus haut du Ciel et de lui dire: « Quelqu’un, sur terre, recommence la toute belle salutation; venez, Reine, daignez montrer que vous écoutez, ce sera plus poli. »
Laissons donc, à Celle que nous voulons saluer, le temps de se disposer à nous rendre la politesse..
D’autre part, et ceci nous est dicté par une longue pratique, ce petit arrêt nous permettra de nous recueillir dès le début de chaque « Je vous salue, Marie », avant de continuer par l’énumération trop dense des privilèges reçus par cet être exceptionnel.
Les mots de la prière coulent vite, trop vite. Il faut donc les retenir dans le calme.
C’est pourquoi, faisons un arrêt après: « Je vous salue, Marie », un arrêt attentif et souple. Pensons que pour chaque « Je vous salue, Marie », nous sommes deux qui devons comprendre chaque mot: Elle et nous.
Peut-être l’ange lui-même, après avoir dit: « Je vous salue, Marie », eut-il un instant de saisissement et de silence ? Au minimum, nous pouvons le supposer intelligent:
Il a donc respecté les virgules. Ne faisons pas moins bien que lui.
« PLEINE DE GRÂCE ».
Cette prière toute naïve, faite pour les simples, voici qu’elle commence par un beau mystère !
Plusieurs d’entre nous ont reçu quelques petites grâces d’union avec Dieu.
Grâces non négligeables, et même plus désirables que tout avantage matériel.
Ces grâces, disons qu’elles nous font comme une provision d’un quart de litre d’eau fraîche, pour nous aider à cheminer vers Dieu, sans que nous risquions de tomber durant la sécheresse du désert.
Et voyez à quel point déjà cette petite provision nous fortifie et nous rassure !
Mais Elle ! Toutes les eaux pures et toutes les sources lui ont été données, alors que – comble de libéralité – elle ne devait même pas connaître la sécheresse du désert.
Et maintenant, au Ciel, elle jouit encore de cette abondance.

« LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS. »
(…) L’ange pouvait-il dire plus clairement que, dans Nazareth, vous étiez déjà, patiente et sûre, une âme de prière ?
Il dit: « Le Seigneur est avec vous », et la réciproque va de soi, vous êtes avec le Seigneur. A genoux devant votre image, ne trouve-t-on pas le silence et la solitude?
Si parfois j’ai peur de m’ennuyer, je me dis que je m’ennuierais bien davantage ailleurs. Parfois je crois vous donner mon temps en pure perte; en réalité je le sauvegarde. Comment, en effet, mieux l’employer?- et je reçois en surplus apaisement et confiance.
« VOUS ETES BENIE ENTRE TOUTES LES FEMMES ».
Avec ces mots, nous quittons la salutation apportée par l’ange, pour passer au compliment prononcé par Élisabeth (Luc 1, 28-42).
Est-ce la raison pour laquelle ces paroles me paraissent moins hautes?
Comment ne pas sentir un changement de niveau? Pour les sauver, ces paroles, disons qu’elles prolongent le compliment précédent: « Le Seigneur est avec vous ».
Elles précisent que le Seigneur est avec vous, Marie, non pas, bien sûr, pour surveillance et sévérité, mais par dilection et par choix; c’est en cela que Marie est bénie.
« ET JESUS, LE FRUIT DE VOTRE SEIN, EST BENI ».
Ce qui accapare le coeur, l’attention, les soins de toute femme, c’est évidemment son enfant. Celui-ci peut aussi devenir l’objet autour duquel elle se replie, inattentive à tout le reste, et donc indifférente. Et la raison de cette indifférence paraît si profondément naturelle qu’on ne s’en choque pas.
Mais c’est tout le contraire ici, dans le cas de la Mère de Jésus: voici que sa maternité sera l’origine de sa relation inconditionnelle avec chacun de nous.
Parce que son Fils est lui-même le Frère et le Sauveur de tous les humains.
Maternité qui dilate le cœur de cette mère, ni jalouse ni exclusive, parce que c’est en conformité avec la volonté toute puissante de son Fils qu’elle s’étend à tous.
Je sais donc que la Très Sainte Vierge Marie ne dira jamais: « Je me dois à lui, d’abord. Ensuite, quand je le pourrai, je m’occuperai de toi ». Elle dira tout au contraire: « Je ne crains rien pour lui; donc toi d’abord, et aussi longtemps que tu auras besoin de moi ».
Les deux parties se disent avec lenteur. Car à quoi bon se presser?
A quoi bon finir, sinon pour recommencer? Quand on prie, tout va bien, donc laissons durer.
Faisons durer. Peu importe le nombre de « Je vous salue, Marie » que je dis;
ce qui compte, c’est le temps durant lequel, pour dire un ou plusieurs « Je vous salue, Marie », nous sommes retenus là, le regard tourné vers le Ciel.
« SAINTE MARIE, MERE DE DIEU ».
La demande commence de façon câline et insinuante.
Sans ce privilège de « Mère de Dieu », l’ange n’aurait pas volé vers Nazareth;
et il n’y aurait pas eu de salutation, ni celle de l’Ange, ni celle des chrétiens.
« Mère de Dieu ». (…) Je me délecte allègrement à penser à ceux qui jugent le « Je vous salue,

Marie » comme dévotion infantile ou prière pour vieilles bonnes femmes !
Pourquoi ne pas avouer que, lorsque certaines paroles ont un trop grand poids, on n’aime pas les dire ?
« Mère de Dieu »: Je sais qu’en répétant ces mots, j’engage toute ma foi, je me compromets comme catholique ferme, j’adhère aux affirmations naïves ou audacieuses du « Credo », affirmations que certains voudraient passer sous silence. Je sais qu’en voulant aimer et servir Marie, « Mère de Dieu », je brave, de notre religion actuelle, les réticences et la misère.
« PRIEZ POUR NOUS, PAUVRES PECHEURS ».
Mère de Dieu, et Mère des hommes, vous êtes sainte, vous êtes toute sainte. Or, que demander à une sainte, à la créature la plus élevée en sainteté sinon de joindre les mains et de prier pour nous?
On ne demande pas à n’importe qui: « Priez pour nous ». On ne le demande pas non plus à la légère, car, même pour les saints, la prière peut être encore un effort pénible et dramatique; alors, comment requérir d’eux cet effort ?
Votre prière, qui consiste en une simple adoration de la volonté de Dieu, a plus de précision que nos demandes les plus détaillées et votre simple acquiescement a plus d’efficacité que nos arguments. Ainsi, vous nous obtenez le mieux et le meilleur, lequel est toujours le plan arrêté par la bienveillante volonté de Dieu.
« MAINTENANT… ».
Après ce mot, arrêtons-nous, comme nous l’avons fait au début du « Je vous salue Marie ». Arrêtons-nous: puisque la Mère de Dieu se met à prier pour nous, laissons-lui prendre la relève. Puisque, pour obéir au désir que nous venons d’exprimer, elle se tourne vers Dieu en notre faveur, laissons-lui le temps de parler à Dieu.
Ne rappelons pas trop vite vers nous son attention.
Ne sentez-vous pas que durant ce moment où vous vous taisez, où c’est Elle qui prie, vous êtes protégé? Je viens d’écrire « protégé ». Oui, pensons aux passages protégés qu’il y a sur la route: chaque fois que, au bout d’un « Je vous salue, Marie », nous avons dit « Priez… maintenant », c’est comme l’ouverture d’un passage pour les piétons: alors, vite, avançons, pendant qu’Elle prie maintenant, avançons vite vers l’autre bord, vers l’Éternel. Il n’y a plus de danger sur la chaussée durant ce « maintenant » pendant lequel la Mère de Dieu prie pour nous!
« ET A L’HEURE DE NOTRE MORT ».
Durant ma vie entière vous m’avez tenu par la main, ô ma Mère. Se pourrait-il qu’à cette heure-là, je sente vos doigts se dénouer et votre main me lâcher? Certes non! Si votre main souveraine quittait ma main, ce serait certainement pour saisir un pan de votre manteau et m’en couvrir. Mère de mon long cheminement et Mère à mon instant suprême, enveloppez-moi dans la retombée de votre manteau durant ce court moment, après lequel, sûr d’avoir passé la porte je me dégagerai soudain, pour vous faire entendre mon rire, le rire de l’enfant, qui rit, qui rit, parce que, par les soins de sa Mère, il a tout réussi.