Ce sont des petits signes, mais ils parlent au coeur..
Un jeune qui marche pieds nus.. Une femme assise sur le côté du chemin. Elle tient un bébé dans ses bras.
Le jeune fait un léger crochet, il dit une parole plaisante, que je n’ai pas comprise et sort une petite piécette de sa poche,qu’il pose dans la main de cette femme sans âge.
C’était il y a quelques années. Je m’en rappelle, en Ethiopie, près des sources du Nil.
Un pauvre donnant à un plus pauvre. C’est beau.
Un riche ne donne pas pareil.
Un pauvre regarde celui à qui il donne. Il lui parle, sans le plaindre.
Un riche donne de sa richesse.
Et si, par hasard il parle, ce sont des paroles de compassion qui n’ont pas une odeur de communion.
La richesse qui n’est pas un péché, porte avec elle quelque chose d’impudique et de faux.
La richesse traîne avec elle sa malédiction.
Elle est un tranquillisant, elle est aussi un masque qui enrobe le coeur, une fierté qui caresse l’orgueil, et maintient une distance.
Le portrait de Louis XIV, peint en sa splendeur à quelque chose de gênant.
On a envie de dire :
“pauvre homme, qu’as-tu à cacher derrière la richesse de ta gloire ?”
Alors que devant la dépouille du Curé d’ars, on admire. Un homme nu, pauvre, qui n’a rien à cacher.
La richesse, en soi, n’est pas un péché, mais en l’état de ce monde elle empeste.
Quelque soit sa forme, elle rend suffisant.
‘oui, mais… Il y a des pauvres qui sont malhonnêtes… Il y a de bons riches qui font beaucoup de bien. Il y a des pauvres qui ne désirent rien tant que d’être riche… Il y a des riches qui ont mérité d’être riches… Il y a des pauvres qui auraient pourtant tout ce qu’il faut pour bien vivre… Et des riches qui ne profitent pas de leurs richesses… Etc… ‘
Tout ça sont des arguments de riches.
Car un pauvre sait reconnaître un pauvre.
Un riche n’aime pas le manque. Son réflexe est d’être satisfait.
Un pauvre aime son désir.
Et plus son désir sera d’espérance et de grâce, plus il sera un vrai pauvre.
C’est dire qu’il n’y a pas beaucoup de vrais pauvres.
Jésus met en garde les pharisiens par une histoire :
‘ Il y a un riche. Il va en enfer.
Il y a un pauvre, le riche ne le voit pas. À cause de cela, vous irez en enfer, vous pharisiens..!’ dit-il.
Mais Jésus n’a pas son option essentielle sur la richesse ou la pauvreté.
C’est une erreur des chrétiens fervents de placer leur absolu sur une valeur collatérale. Certains chrétiens font d’une vertu, d’une disposition spirituelle, de tel ou tel don, ou d’une lutte pour des droits de l’homme, la base de leur vie chrétienne. Jésus dit que le riche et les satisfaits iront en enfer.
Mais il ne dit pas qu’il faut tuer tous les riches.
De toute façon, ils iront en enfer.
C’est l’erreur de beaucoup de novices, de miser sur une valeur subsidiaire :
La pauvreté, le silence, l’ascèse, la liturgie, la douceur, la louange, l’écologie ou le dialogue, la dynamique missionnaire, et même sur les effets du Saint Esprit…ou je ne sais quelle autre dernière trouvaille à la mode…
Saint Paul aujourd’hui donne la parole définitive.
” foi, charité, et l’union à Jésus Christ, seul Sauveur. Crucifié et ressuscité.
Le commandement du Seigneur : aimer notre Dieu de tout son coeur, de toute son âme et son prochain comme le Christ nous a aimé”
Si on ne commence par là, par la présence de Jésus Christ comme premier trésor de notre cœur, on peut bien parler d’écologie, de dialogue, de silence, de pauvreté, d’écoute de l’autre ou de liturgie, ce ne sera que cible déplacée malgré l’apparence d’un bon propos. Mais si l’on est embrasé d’un amour pour Dieu premier servi, alors s’imposent les plus belles valeurs de notre esprit évangélique, se placent avec justesse, la pauvreté, la chasteté et la pureté du coeur, le silence, la justice, la douceur, le respect des autres et de la nature, la force au combat de la foi, l’amour fraternel délicat et éclairé. La croix aussi…
La grâce de Dieu est au dessus de toute vertu.
Si on ne veut pas se tromper dans nos discernements, plongeons nous dans la présence du Christ et de son Esprit, par les deux moyens d’excellence qui sont des chemins royaux vers le coeur de notre Sauveur : la prière et les sacrements en Église, qui portent en eux-mêmes le but que nous voulons rejoindre.
Jésus s’adresse aux pharisiens pour leur faire remarquer que leurs dispositions de vie les déterminent à l’enfer.
Et que la disposition de vie du pauvre Lazare le détermine à la faveur de Dieu.
Ce n’est pas pour nous dire que nous devons tous être par imitation des Lazare malades, avoir des ulcères et être l’ami des chiens.
Mais c’est prendre cette position que surtout depuis Jean Paul II, les papes ont reprise, et François largement, que si nous cherchons la solution à nos dysfonctionnements sociaux et moraux évidents… si nous la cherchons avec un coeur droit, on recherche, parfois sans le savoir, notre Sauveur et sa lumière inaccessible.
Le meilleur, bien sûr, est de la savoir par grâce pour, en finale, accueillir sa miséricorde. Si on refuse Jésus Christ, on ne peut pas découvrir et ouvrir la porte de la miséricorde.