Quatrième Dimanche de l’avent 2023

Juste avant cette fête de la Nativité ( ce soir)
Je voudrais reprendre un texte sur lequel il y a bien des années j’ai médité pour prier le ‘Je vous salue Marie’.
Je vais abréger ces 7 ou 8 pages que Père Jérôme, fervent du chapelet, m’avait données. ‘Sa manière’… d’amarrer sa prière à celle de la très Sainte Vierge.
Voici un petit résumé de son écrit :
« JE VOUS SALUE, MARIE. »
Lorsque nous prions seul, arrêtons-nous après ces premiers mots.
Car il faut que Celle à qui nous nous adressons ait le temps d’être prévenue:
« quelqu’un désire vous parler… » Avant qu’elle le sache, inutile de continuer.
Or, il faut un certain temps pour qu’elle soit prévenue, même si celui qui s’en charge est, aujourd’hui encore, l’Ange de la première salutation.
Donc, arrêtons-nous, que l’Ange ait le temps d’aller la chercher au plus haut du Ciel et de lui dire: « Quelqu’un, sur terre, recommence la toute belle salutation; venez, Reine, daignez montrer que vous écoutez, ce sera plus poli. »
Laissons donc, à Celle que nous voulons saluer, le temps de se disposer à nous rendre la politesse..
D’autre part, et ceci nous est dicté par une longue pratique, ce petit arrêt nous permettra de nous recueillir dès le début de chaque « Je vous salue, Marie », avant de continuer par l’énumération trop dense des privilèges reçus par cet être exceptionnel.
Les mots de la prière coulent vite, trop vite. Il faut donc les retenir dans le calme.
C’est pourquoi, faisons un arrêt après: « Je vous salue, Marie », un arrêt attentif et souple. Pensons que pour chaque « Je vous salue, Marie », nous sommes deux qui devons comprendre chaque mot: Elle et nous.
Peut-être l’ange lui-même, après avoir dit: « Je vous salue, Marie », eut-il un instant de saisissement et de silence ? Au minimum, nous pouvons le supposer intelligent:
Il a donc respecté les virgules. Ne faisons pas moins bien que lui.
« PLEINE DE GRÂCE ».
Cette prière toute naïve, faite pour les simples, voici qu’elle commence par un beau mystère !
Plusieurs d’entre nous ont reçu quelques petites grâces d’union avec Dieu.
Grâces non négligeables, et même plus désirables que tout avantage matériel.
Ces grâces, disons qu’elles nous font comme une provision d’un quart de litre d’eau fraîche, pour nous aider à cheminer vers Dieu, sans que nous risquions de tomber durant la sécheresse du désert.
Et voyez à quel point déjà cette petite provision nous fortifie et nous rassure !
Mais Elle ! Toutes les eaux pures et toutes les sources lui ont été données, alors que – comble de libéralité – elle ne devait même pas connaître la sécheresse du désert.
Et maintenant, au Ciel, elle jouit encore de cette abondance.

« LE SEIGNEUR EST AVEC VOUS. »
(…) L’ange pouvait-il dire plus clairement que, dans Nazareth, vous étiez déjà, patiente et sûre, une âme de prière ?
Il dit: « Le Seigneur est avec vous », et la réciproque va de soi, vous êtes avec le Seigneur. A genoux devant votre image, ne trouve-t-on pas le silence et la solitude?
Si parfois j’ai peur de m’ennuyer, je me dis que je m’ennuierais bien davantage ailleurs. Parfois je crois vous donner mon temps en pure perte; en réalité je le sauvegarde. Comment, en effet, mieux l’employer?- et je reçois en surplus apaisement et confiance.
« VOUS ETES BENIE ENTRE TOUTES LES FEMMES ».
Avec ces mots, nous quittons la salutation apportée par l’ange, pour passer au compliment prononcé par Élisabeth (Luc 1, 28-42).
Est-ce la raison pour laquelle ces paroles me paraissent moins hautes?
Comment ne pas sentir un changement de niveau? Pour les sauver, ces paroles, disons qu’elles prolongent le compliment précédent: « Le Seigneur est avec vous ».
Elles précisent que le Seigneur est avec vous, Marie, non pas, bien sûr, pour surveillance et sévérité, mais par dilection et par choix; c’est en cela que Marie est bénie.
« ET JESUS, LE FRUIT DE VOTRE SEIN, EST BENI ».
Ce qui accapare le coeur, l’attention, les soins de toute femme, c’est évidemment son enfant. Celui-ci peut aussi devenir l’objet autour duquel elle se replie, inattentive à tout le reste, et donc indifférente. Et la raison de cette indifférence paraît si profondément naturelle qu’on ne s’en choque pas.
Mais c’est tout le contraire ici, dans le cas de la Mère de Jésus: voici que sa maternité sera l’origine de sa relation inconditionnelle avec chacun de nous.
Parce que son Fils est lui-même le Frère et le Sauveur de tous les humains.
Maternité qui dilate le cœur de cette mère, ni jalouse ni exclusive, parce que c’est en conformité avec la volonté toute puissante de son Fils qu’elle s’étend à tous.
Je sais donc que la Très Sainte Vierge Marie ne dira jamais: « Je me dois à lui, d’abord. Ensuite, quand je le pourrai, je m’occuperai de toi ». Elle dira tout au contraire: « Je ne crains rien pour lui; donc toi d’abord, et aussi longtemps que tu auras besoin de moi ».
Les deux parties se disent avec lenteur. Car à quoi bon se presser?
A quoi bon finir, sinon pour recommencer? Quand on prie, tout va bien, donc laissons durer.
Faisons durer. Peu importe le nombre de « Je vous salue, Marie » que je dis;
ce qui compte, c’est le temps durant lequel, pour dire un ou plusieurs « Je vous salue, Marie », nous sommes retenus là, le regard tourné vers le Ciel.
« SAINTE MARIE, MERE DE DIEU ».
La demande commence de façon câline et insinuante.
Sans ce privilège de « Mère de Dieu », l’ange n’aurait pas volé vers Nazareth;
et il n’y aurait pas eu de salutation, ni celle de l’Ange, ni celle des chrétiens.
« Mère de Dieu ». (…) Je me délecte allègrement à penser à ceux qui jugent le « Je vous salue,

Marie » comme dévotion infantile ou prière pour vieilles bonnes femmes !
Pourquoi ne pas avouer que, lorsque certaines paroles ont un trop grand poids, on n’aime pas les dire ?
« Mère de Dieu »: Je sais qu’en répétant ces mots, j’engage toute ma foi, je me compromets comme catholique ferme, j’adhère aux affirmations naïves ou audacieuses du « Credo », affirmations que certains voudraient passer sous silence. Je sais qu’en voulant aimer et servir Marie, « Mère de Dieu », je brave, de notre religion actuelle, les réticences et la misère.
« PRIEZ POUR NOUS, PAUVRES PECHEURS ».
Mère de Dieu, et Mère des hommes, vous êtes sainte, vous êtes toute sainte. Or, que demander à une sainte, à la créature la plus élevée en sainteté sinon de joindre les mains et de prier pour nous?
On ne demande pas à n’importe qui: « Priez pour nous ». On ne le demande pas non plus à la légère, car, même pour les saints, la prière peut être encore un effort pénible et dramatique; alors, comment requérir d’eux cet effort ?
Votre prière, qui consiste en une simple adoration de la volonté de Dieu, a plus de précision que nos demandes les plus détaillées et votre simple acquiescement a plus d’efficacité que nos arguments. Ainsi, vous nous obtenez le mieux et le meilleur, lequel est toujours le plan arrêté par la bienveillante volonté de Dieu.
« MAINTENANT… ».
Après ce mot, arrêtons-nous, comme nous l’avons fait au début du « Je vous salue Marie ». Arrêtons-nous: puisque la Mère de Dieu se met à prier pour nous, laissons-lui prendre la relève. Puisque, pour obéir au désir que nous venons d’exprimer, elle se tourne vers Dieu en notre faveur, laissons-lui le temps de parler à Dieu.
Ne rappelons pas trop vite vers nous son attention.
Ne sentez-vous pas que durant ce moment où vous vous taisez, où c’est Elle qui prie, vous êtes protégé? Je viens d’écrire « protégé ». Oui, pensons aux passages protégés qu’il y a sur la route: chaque fois que, au bout d’un « Je vous salue, Marie », nous avons dit « Priez… maintenant », c’est comme l’ouverture d’un passage pour les piétons: alors, vite, avançons, pendant qu’Elle prie maintenant, avançons vite vers l’autre bord, vers l’Éternel. Il n’y a plus de danger sur la chaussée durant ce « maintenant » pendant lequel la Mère de Dieu prie pour nous!
« ET A L’HEURE DE NOTRE MORT ».
Durant ma vie entière vous m’avez tenu par la main, ô ma Mère. Se pourrait-il qu’à cette heure-là, je sente vos doigts se dénouer et votre main me lâcher? Certes non! Si votre main souveraine quittait ma main, ce serait certainement pour saisir un pan de votre manteau et m’en couvrir. Mère de mon long cheminement et Mère à mon instant suprême, enveloppez-moi dans la retombée de votre manteau durant ce court moment, après lequel, sûr d’avoir passé la porte je me dégagerai soudain, pour vous faire entendre mon rire, le rire de l’enfant, qui rit, qui rit, parce que, par les soins de sa Mère, il a tout réussi.

TROISIEME DIMANCHE DE L’AVENT 2023

Béthanie, au-delà du Jourdain…
Un lieu qui n’est pas encore vraiment identifié.
Toujours ces imprécisions, qui nous entretiennent dans un certain mystère et que désire Dieu…
Mais qui signifie que l’œuvre de Dieu dépasse les cadres.
Et qui signifie aussi que Dieu, si clair, si limpide, aime passer par des causes imparfaites, fragiles, qui comportent elles-mêmes un certain mystère, une certaine opacité.
Dieu qui habite les cœurs, veut se donner tout entier dans des événements qui sont limités, par les personnes pauvres et pécheresses.
Dans une histoire qui contient tellement d’obscurité pour notre raison.
Dieu veut passer par l’Église.
Il veut prendre le chemin des voix du désert.
Il n’y a rien à voir, il y a si peu à entendre, il y a tellement à deviner… Et c’est ici que la grâce de Dieu opère en profondeur.
Dieu pourrait tellement faire tout seul… avec des manifestations tellement plus lumineuses et précises.
Mais il veut Marie
Il veut Joseph
Il veut Jean baptiste Il voudra les apôtres Pierre et les autres. Il veut l’Église
Il nous veut, nous, là, personnellement.
Pour nous aimer.
Et pour que nous l’aimions d’un pauvre amour. Et même d’un amour boiteux.
Pourquoi ?
Parce que Dieu a inscrit dans la Création que tout est signe de sa présence.
Et les signes les plus directs, ceux qui sont l’autoroute de la grâce, ce sont les signes pauvres. Des signes qui sont tellement des signes pauvres qu’on ne les voit même plus comme des signes.
Avec, par excellence, les signes spéciaux de l’Église :
Les hommes.
Et les sacrements.
Ce sont les signes qui sont les plus sûrs, avec le moins d’illusion.

Imaginez-vous que vous sortiez d’une grande ville.
Vous êtes dans les labyrinthes de la banlieue.
Si vous n’avez pas de GPS, ou si vous n’avez pas de boussole, vous ne vous en sortirez jamais si vous ne suivez pas les panneaux.
Ou si vous ne demandez pas votre chemin à quelqu’un.
Je me rappelle m’être perdu comme cela dans la banlieue du Caire, ville gigantesque entre toute, où il fallait faire autant attention aux chèvres qui traversaient qu’aux camions qui roulaient à contre sens.
Je voulais me diriger vers le désert.
Les panneaux en arabe ne m’inspiraient rien.
Et j’ai donc demandé mon chemin aux piétons qui se trouvaient sur le bas côté.
Ils me répondaient tous d’un air rassurant :
 » dar el Salaam » ? tout droit. »
À force d’aller tout droit, il a bien fallu que l’on revienne sur nos pas.
C’est à force de demander que l’on trouve, je dirais presque de gré ou de force. Et bien, dans la vie de foi, c’est ainsi que la grâce nous est donnée. Tout droit… ! Et il faut aller jusqu’au bout…
Et il est facile de distinguer deux vitesses de religion. Deux itinéraires. En fait deux familles de vie intérieure.
Le premier itinéraire, c’est le chemin des piétons.
Je l’appellerais aussi «la famille utile»
C’est le chemin où l’on trouve son compte.
Cela peut-être très subtil, c’est aussi le chemin où se réfugient les indécis et les menteurs.
Ceux qui cueillent les vérités de l’Eglise pour leur avantage.
Qui font les gestes de la religion pour être reconnus, respectés, honorés.
Qui suivent la morale de la religion pour avoir bonne conscience.
Ou qui vivent la foi et ses mystères pour être mis au moins sur un piédestal.
Oui, Dieu fait couler sa grâce, mais à petits filets, avec patience. Il attend.
Il rectifie avec des petites touches pour inviter l’âme à l’abandon.
Très vite cette religion peut devenir pharisienne ou persécutrice pour se protéger.
Et puis il y a une religion des cavaliers. Autre famille dont le désir n’est pas sur soi et ses intérêts mais orienté vers l’autre (l’Autre)
Désir d’union avec Dieu.
C’est la religion du tout amour pour l’amour.
La religion du sacrifice.
La religion de la foi obscure.
Et cette religion c’est l’adhésion à la présence de Dieu dans tous ces signes. Mais… En pauvre.
En petits pas et en désert, en marche de famine.

En marche de famine et en vitesse de cavaliers.
Il existe un signe qui fait le partage entre les piétons et les cavaliers.. C’est que les cavaliers reçoivent de l’Église la sève de leur vie spirituelle. Et ils boivent à grands traits de l’eau vive.
Ils sont inutiles et le savent.
Mais ils réjouissent le cœur de Dieu.
Et c’est tout.
Et Jean Baptiste c’est un cavalier monté à cru. Rien pour lui.
Tout pour son Seigneur.
Qu’est ce qui change entre les deux familles spirituelles ?
Rien ! puisqu’elles font les mêmes choses et qu’elles sont fatiguées toutes les deux, qu’elles ont à peu près les mêmes réussites et les mêmes échecs.
Mais dans la première on râle, on donne des conseils quand même, on vit entre excitation et d’apathie. On protège… enfin on essaie de protéger son espace. Dans la seconde, discrètement, il y a une écoute.
Il y a ouverture d’esprit.
Et surtout le signe habituellement…. C’est que les petits chacals ne sont pas loin. Souvent, les œuvres sont confisquées, et le silence recouvre la nature environnante.
C’est là que la comparaison avec la formule 1 n’est pas ajustée…
Bref, il y a une onction et une harmonie, même dans la douleur.
C’est la famille de l’audace et du désir qui s’oublie et qui seul comble.
Le retour sur soi est l’ennemi.
Règne du non-savoir, de la nuit, de la perte de soi et du troupeau ;
d’où émane les délices de l’amour.
Mais cette famille n’a pas de fondations humaines, de chair et de sang, comme dit saint Jean.
Pour vivre de joie parfaite, il faut permettre à la grâce divine de pénétrer les notre cœur dans ses angoisses et jusqu’aux racines de notre jugement pour que Dieu les purifie et les apaise de sa tendresse.
Jésus n’est pas né et n’est pas mort pour de la demie mesure.

DEUXIEME DIMANCHE DE L’AVENT 2023

Qu’est ce que nous demande notre foi, frères et sœurs ?
Quand on est chrétien et qu’on essaye de vivre ce que demande l’évangile…?
On pourrait dire, notre foi nous demande de devenir meilleur. Autrement dit de nous convertir.
D’avancer dans le sens du bien.
Dans le sens de Dieu de préférence.
C’est déjà pas mal ….
Mais il y a un deuxième proposition de notre religion. Plus essentielle.
Qui engage notre cœur non pas dans ce que nous avons à faire, mais dans ce que nous devons être.
Et qu’est-ce que nous devons être ?
Nous devons être amour. Ami de Dieu qui nous fait participer à sa divinité.
Et amour de notre prochain qui nous fait lui donner Dieu.
Est-ce que nous avons tout dit en disant cela ? « je dois me convertir »
« Je dois aimer Dieu de tout mon cœur.
Et mon prochain comme moi-même. »
Et c’est là que notre ami saint Jean-Baptiste nous offre une solution qui va plus loin. Plus essentielle.
« Voici venir derrière moi celui qui est plus fort que moi;
(…) moi je vous ai baptisés avec de l’eau ;
Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint »
Jean-Baptiste nous ouvre à la vraie et définitive religion.
Il a compris, lui, le dernier des prophètes de l’Ancien Testament, qu’il était dans une voie de garage.
C’est la gloire de Jean Baptiste. Son humilité et sa clairvoyance.
Il nous dit qu’il fait une chose, mais qu’il y a bien mieux.
Et que ce ‘bien mieux’ c’est Jésus qui peut le donner
Et il ne faut pas s’illusionner, le discernement de ce dernier des prophètes, reste à chacun de nous extrêmement difficile.
Mine de rien, nous nous arrêtons presque tous au Jean Baptiste avant qu’il ne rencontre Jésus.

Notre foi, notre religion, dépend maintenant du baptême du Christ, et non plus du baptême de Jean.
Et c’est très dur de ne pas se tromper.
On prend le chemin de Jean en ne voyant pas que Jésus veut nous donner du meilleur.
Notre religion est sur-naturelle. Au dessus de la nature.
Voilà la clé suprême de notre foi.
Cela veut dire que la solution du bonheur ne vient pas de ce monde.
Et c’est justement ce que Jean Baptiste va nous dire :
«je suis une petite souris à côté de la montagne de joie qu’apporte Jésus. » Sur-naturelle…. cela veut dire que notre foi n’est pas de l’homme, ni du monde, ni de la civilisation, ni de la culture.
Elle est de Dieu.
Et donc elle plus haute que tout. Elle vient de plus haut que tout.
Et elle nous demande de nous accrocher à la Lumière éternelle.
Non ! pas de nous accrocher ! mais de nous laisser saisir sous le regard de Dieu.
Se laisser transformer par l’Esprit Saint.
Supplier de perdre notre cœur dans la main de Dieu.
Pour que Dieu nous redonne un cœur qui transforme notre monde.
Et c’est exactement cela, le baptême dans l’Esprit Saint, annoncé par Jean et réalisé par Jésus .
C’est : « nous serons efficaces pour la transformation du monde, et de nous-mêmes, à partir du moment où nous aurons oublié le monde, et nous-même, dans l’abandon à la grâce de Dieu. »
Parce que notre unité et notre lumière viennent d’en-Haut et doivent être accueillies d’en-Haut.
Et pourquoi accueillir les grâces de Dieu ‘d‘en-Haut’ ?
Pas pour se les approprier, qu’en ferions-nous ?
Mais pour entrer nous-même dans le grand fleuve du plan de Dieu.
C’est très difficile d’entrer dans le fleuve de Dieu….
On préfère tirer le monde à bout de bras, ou bien réaliser des efforts surhumains de transformation du monde et de nous-même.
Mais pas de se laisser saisir… !!!
Parce que se laisser saisir annoncerait la transcendance de Dieu.
Et la mort de notre amour-propre.
Cela annonce qu’on reconnaît Dieu vainqueur de tout, du monde et de nous-même, et que l’Esprit d’intelligence nous souffle qu’il s’agit uniquement de reconnaître que nous sommes destinés à une autre vie.

Laquelle ? Mais nous n’en savons rien. Elle sera belle.
Nous savons simplement que cette vie qui se déploie en cet instant, prend racine dans l’éternité.
Et que l’inspiration évangélique, pas nous, mais par nous, emporte le monde vers son assomption à travers toutes ses destructions.
C’est cela notre espérance : que tout est gagné.
Notre vie n’est pas, frères et sœurs, dans un résultat humain à portée d’homme. Elle est dans l’avènement d’une lumière que nous avons reçue à l’heure de notre baptême.
Nous devons passer notre vie, non pas à vouloir faire des tas de choses pour Dieu, mais bien plus à recevoir de Dieu.
A écouter Dieu dans le silence de la prière.
« Plus l’homme se dégage de ce monde et s’attache à la crainte de Dieu, plus le rejoint la Providence divine; Il sent secrètement son secours et des pensées pures lui sont données pour comprendre ». [Isaac le Syrien – discours ascétiques 25]
Et c’est pour cela que la Venue du Messie n’avait pas besoin de tambour ni de trompette.
Jésus le Christ est venu simplement en petit bébé parmi nous, parce que dans un petit bébé peut passer une vie qui est océan. La Gloire du Seigneur.
Et à chacune de nos communions nous laissons passer une autre vie qui est la Gloire de Dieu.

IMMACULEE CONCEPTION 2023

 » où es-tu donc, Adam ? »
L’homme répondit :
 » j’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur parce que je suis nu, et je me suis caché « .
Je me suis caché… J’ai pris peur…
On est là au cœur, plutôt dans le nœud le plus profond de l’homme et de la femme qui rejoint sa psychologie, ses passions, son corps et son âme, qui rejoint aussi la racine de la morale, de sa responsabilité et de ce qui lui échappe du mystère de sa nature abîmée.
Pourquoi se cacher ?
Parce qu’il y a une peur.
Une double peur, en fait.
La peur de son corps.
Nu. Dévoilé.
Et la peur de celui qui rejoint le corps et le cœur. La première peur est légitime.
L’homme frémit de se reconnaître fragile.
Mais elle est légitime uniquement après la faute.
La deuxième peur, elle est totalement illégitime.
Elle renverse la vie de l’homme dans la mort de l’homme.
Pourquoi craindre Celui qui donne toute bonté ?
Parce que l’homme est devenu aveugle.
Ou plutôt il est devenu celui qui se regarde.
Il est devenu celui qui juge d’après lui-même, d’après sa fragilité.
Et d’après l’élément déclencheur de sa conscience déchirée : sa faute.
Le jugement de l’homme part de lui-même, d’un terrain défoncé, après le péché originel.
C’est incroyable comme ce texte de la Genèse est riche de la beauté et de la laideur de l’homme.
Incroyable sa finesse.. sa profondeur..
Incroyable sa vérité sur le mensonge.
L’homme… ridicule. Devenu ridicule.
La perle de Dieu, de la création de Dieu, cassée et souillée. L’homme qui se cache de son Créateur derrière un arbre. Et en fin de compte l’homme qui se cache de sa vérité.

L’homme n’est plus capable de porter sa vérité, ni dans son corps ni dans son âme.

Je suis nu…
Et alors ?
Ça veut dire que l’homme ne peut plus se regarder lui-même. Il a peur de la beauté de son corps.
Parce que son âme n’est plus belle.
La vitre de son âme est devenue déformante.
Elle est devenue miroir déformant.
Et dans ce cas-là pour ne pas s’autodétruire, quand on se trouve trop laid dans son miroir déformant, il y a la solution de tourner le miroir sur l’autre.
C’est la faute de l’autre.
Pour l’homme de la femme pour la femme du serpent.
Quant au serpent, lui, il assume…. C’est lui qui a commencé !
On pourrait se dire :
Mais c’est la naissance de la pudeur.
Et la pudeur, c’est une qualité…
C’est une qualité en effet qui permet la survie dans le mensonge.
La pudeur et le dernier rempart de lutte pour la vérité.
Au-delà de la pudeur, dans l’impudicité, dans la pornographie, dans le corps exposé sans limite et considéré comme matière à jouissance, il y a le naufrage dans le mensonge.
La noyade du corps et de l’âme.
Le rêve mensongé des nudistes et des prostituées. Et des dépravés toutes catégories confondues.
Si l’on veut nier la beauté de la Création, et la bonté du Créateur, on en arrive inévitablement à une impudicité.
Car le corps nu ne s’accepte que dans l’amour.
S’il n’y a pas l’amour il y a une sorte de vengeance contre le corps en l’exposant. Non seulement l’exposant mais en retournant l’adoration du Créateur en idolâtrie de la chair. Vengeance contre le Créateur.
Les impudiques sont des idolâtres de la chair.
Des inconscients aussi de la pureté sublime à laquelle notre âme est appelée.
Bref, la solution à la peur peut virer à la lâcheté de la dégénérescence. L’impudique est un lâche qui choisit la déchéance plutôt que la lutte qui lui apparaît sans issue.
Notre monde penche en cette période de l’Histoire vers la déchéance, signe de lâcheté, de découragement devant la lutte fondamentale pour la vie et pour la beauté. C’est tellement clair devant les revendications de la culture de mort.

Quand on ne peut plus lutter contre l’adversaire.
Quand on ne veut plus lutter contre l’adversaire, on se donne à lui, corps et âme, pour la mort.
Suprême lâcheté…
Adam, au moins, se cache derrière l’arbre.
Ridicule, mais c’est un geste de protection.
La femme se cache derrière le serpent.
Ridicule, mais encore elle réagit, et elle dit vrai.
Elle reconnaît s’être trompée. Ou disons avoir été trompée ! Caïn tuera son frère, parce que celui-ci lui fait honte.
Parce que son frère lui montre son insuffisance. Mais encore, il réagit, en donnant la mort.
Notre monde, lui, maintenant, rampe avec le serpent.
Il n’accuse pas le serpent, il collabore avec lui.
Et suprême dégénérescence, il accuse celui qui est Vérité contre celui qui est mensonge.
On marche sur la tête.
Ou plutôt on ne marche plus du tout parce qu’on a plus de tête. Et on rampe.
Adam pose la pudeur au milieu du trouble et du mensonge.
 » Comment cela se fera t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » Marie pose la pudeur au milieu de la chasteté et de la pureté.
 » ne crains pas, Marie « ….
L’ange n’évoque pas à Marie la crainte d’un châtiment. Bien sûr L’ange veut rassurer Marie de la crainte de sa fragilité.
C’est le Don de crainte.
Il ne s’agit plus de péché ou de la honte.
Il s’agit tout simplement de la crainte que Eve aurait dû avoir ‘ avant ‘ de saisir le fruit.
Ève n’a pas eu la crainte de sa fragilité… avant.
Après, c’était trop tard.
Nous sommes tous, ‘ après ‘.
Une seule pas été et reste, ‘ avant ‘.
Marie est toujours restée ‘ avant ‘..
Avant la faute.
Dans toutes ses interventions dans l’évangile, Marie reste ‘ avant ‘.
Elle ne saisit pas, elle accueille le jugement de Dieu.
Elle suggère… comme à Cana.
Elle expose sa crainte… comme quand elle retrouve Jésus au Temple.

Elle accompagne… jusqu’à la Croix.
Toujours fragile.
Mais toujours soutenue dans la force de l’Esprit Saint.
On a peur du mal quand on se retourne sur soi.
Lorsque l’amour nous détache de nous-mêmes, il bannit la crainte.
Il bannit la crainte de l’autre et il bannit la crainte de soi, parce qu’il ne regarde que celui qui donne.
Évidemment, il ne s’agit pas alors de se tromper sur celui qui donne.
Quand Marie accueille l’ange et qu’elle entend :
 » Comblée de grâce  »
Elle ne se retourne pas sur elle.
Sinon elle n’aurait pas été bouleversée, elle aurait été flattée et elle aurait été toute contente.
Or Marie est bouleversée.
Parce que Marie sait que :  » comblée de grâce », c’est la promesse d’un projet. D’un projet divin.
Elle se demande quelle est la signification de ce projet.
C’est clairement dit.
Aucun retournement sur elle-même.
Et lorsqu’elle entend l’exposé de ce projet :
 » comment cela va-t-il se faire ?  »
Ce n’est toujours pas un retournement sur elle-même.
Elle cherche tout simplement à réaliser le mieux possible ce qui lui est demandé. Et tout ce que proposera Dieu la trouvera disposée.
L’Immaculée Conception, c’est ‘avant’ …. de se retourner sur soi. C’est ‘avant’… la pudeur d’après la faute.
Marie a la pudeur de la chasteté d’avant la faute.
Sublime approche de Dieu d’une personne renouvelée dans la virginité.
Pour Marie, la virginité n’est pas à retrouver, comme pour toute jeune fille depuis Eve.
Pour Marie, elle est à déployer…
C’est un ange qui approche la Vierge Marie.
Un ange ne risque pas de provoquer chez elle un mouvement d’amour propre ou de passion.
On n’a pas de passion pour un Ange.
Et on n’a pas à avoir de pudeur devant un ange parce que le désir d’un ange c’est le message de Dieu pour nous. Totalement pur.
Dieu a épargné la Vierge Marie de toute confusion entre l’exercice des passions et sa maternité.
La maternité de Marie est pure de tout mélange, souvent difficile, des passions, des sentiments, de l’amour propre, des réactions du corps.

Immaculée Conception.
Marie ne s’est jamais regardée.
… Ni avant sa maternité, pendant la rencontre avec l’ange.
Maternité virginale.
… Ni pour la venue de Jésus en ce monde.
En fait, jamais !
Marie est Vierge, à chaque seconde du temps de sa vie.
Vierge de corps et d’âme.
Cela veut dire – car il ne peut pas en être autrement – qu’elle était dans un élan d’amour sans faille, toujours plus intense, d’âme et de corps.
Jusqu’à son Assomption.
Pendant toute sa vie elle s’est donnée, à l’Esprit Saint ;
Elle a accueilli l’Esprit Saint qui se trouvait dans son fils. Dans le Fils de Dieu. Et à la fin de sa vie, Dieu a accueilli ce don.
Simplement, pendant sa vie parmi nous, l’Esprit Saint a pris Marie sous son ombre.
Et elle ne quitta jamais son ombre.
À la fin de sa vie, parmi nous, rien ne changea pour Marie.
Simplement de l’ombre de l’Esprit Saint qui la protégeait de sa fragilité, elle est passée à la lumière de l’Esprit Saint,
dans un éternel Fiat émerveillé.

PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT 2023

Quelque part, Léon Bloy, étonnant prophète du siècle dernier, on peut même dire ‘détonnant prophète…’, écrivait :
« Dieu à créé l’homme à sa ressemblance pour que nous fissions ce qu’il a fait lui même.
Il a pris notre nature afin de mourir pour nous.
Nous devons prendre la sienne – la nature divine – afin de donner notre vie pour lui, ce qui est notre devoir strict, absolu. Or, tout le monde aujourd’hui s’y refuse…  »
C’est vrai, mais je changerais sa formule : «Dieu a pris notre nature afin de vivre avec nous. Nous devons prendre la sienne afin de vivre avec lui».
Veillez… Veillez…!
Plusieurs fois dans l’Évangile, Jésus nous demande de veiller.. D’avoir de l’huile dans notre lampe…
D’attendre le retour d’un roi, d’un maître..
« Veillez pour ne pas entrer en tentation ».
Mais, frères et sœurs, si on doit veiller, c’est que quelque part en nous il y a un désir qui s’est réveillé.
On ne veille pas pour quelque chose qu’on ne connaît pas…
Et ça change toute notre conception de la foi, de la religion.
Où est ce désir premier ?
Notre monde cherche à construire de nouvelles inventions, à trouver des plans de croissance nouveaux.
Mais quand on veille, c’est qu’on attend un bonheur auquel on a déjà goûté. Notre foi n’est pas fabriquer quelque chose.
Elle est de révéler ce que notre cœur contient de meilleur. Et qui reste enfoui.
Quand on plante une petite graine de tomate, nous n’avons pas à fabriquer sa croissance.
Le plus réjouissant n’est pas de disséquer la graine.
C’est quand apparaît les deux premières feuilles, qu’on découvre l’âme de la petite tomate et sa force de vie.
On connait le goût de la tomate.
Mais pour le jardinier il y a une joie plus grande encore à suivre la vie cachée de la graine qui se développe.
D’observer la force de vie qui monte du secret de la terre.
Il en est ainsi à chaque grâce nouvelle de Dieu.
A chaque grâce , on goûte sa nouvelle présence qui grandit secrètement.

Notre désir alors reprend son souffle pour veiller plus loin encore.
Le mouvement de la foi, enveloppée de charité, plonge toujours plus profondément dans le secret de la vie de la petite graine d’une grâce divine.
Ce que je veux dire, c’est que Dieu prend toujours le chemin de la petite graine plantée et cachée pour surprendre de sa vie.
Dieu ne joue pas sur l’originalité.
Et Noël sera ainsi.
Dans l’éblouissement d’une vie nouvelle, qui ouvre la nature à son bonheur.
Et cet éblouissement, nous pouvons le vivre chaque matin au réveil.
Si nous écoutons notre cœur.
Qu’est ce que veiller ?
N’est-ce pas simplement offrir notre cœur à être purifié par la lumière de Dieu ?
En demandant à Dieu qu’il nous mène dans un chemin de simplification.
Notre monde adore se compliquer la vie, multiplier les complications pour vivre plus facilement…
Notre âme dans sa nature la plus profonde désire un seul mouvement.
L’union avec un amour.
Et l’amour premier s’appelle Dieu.
Notre âme n’aura de cesse de se reposer dans le fond de sa nature.
Et ne pas veiller, autrement dit se disperser dans nos préoccupations volontaires ou pas, c’est irriter le désir fondateur de notre âme.
Et se rendre malade.
En fait …
Nous avons une structure qui s’appelle notre nature.
Cette structure est orientée vers Dieu.
Le mouvement qui jaillit de notre nature, c’est d’être un avec Dieu. De voir Dieu. Et c’est cela notre joie.
Simplement, découvrir l’appétit de notre âme vers Dieu…
L’unique destination de notre cœur.
L’apaisement final de notre âme, c’est de voir Dieu dans son essence divine. Tout ce qui est au delà ne peut pas procurer de repos et de paix définitive. Dans un autre sens, tout ce qui nous en éloigne sera frustration, démangeaison et semence de maladie.
Quand on pense, chers frères et sœurs, à tout ce que nous allons faire ou écouter ou dire jusqu’à la fin de la journée et qui nous détourne du mouvement de notre âme vers Dieu…
Ces paroles inutiles et qui nous brûlent les lèvres, ces petits plaisirs dont on a trop l’habitude et qui nous ligotent, ces curiosités de tout et de rien, ces attachements qui réduisent notre vie à des problèmes.

Je ne parle pas même des péchés avérés qui réclament pardon…
Tout ça, perte de temps au minimum, tristesse de fond, semence de maladie. Parce que non conforme au désir premier, naturel, de notre âme.
Il y a au fond de nous cet attirance irrésistible pour ce qui est vierge, de la pureté de l’enfance, parce que cela rejoint l’essence de notre âme.
Il n’est pas étonnant que dans notre monde qui pollue le silence et la pureté, la simplicité et la pauvreté, il y ait des conversions de cœur merveilleuses.
Des jeunes et des moins jeunes qui ouvrent leur âme à la tendresse de Dieu. Parce que plus on s’éloigne des fondamentaux de notre nature, plus la faim de Dieu se creuse.
Même si elle n’est pas consciente.
Et quand une petite brèche, toute petite, s’entrouve, la grâce entre comme un torrent de lumière dans le cœur qui reconnaît alors son bonheur.
Et ensuite, il reste, toute sa vie, à entretenir ce désir vers cette lumière bienfaisante à nos âmes.
Veillez dans une prière de plus en plus simple. ‘Priez sans cesse’, dit saint Paul.